Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

La politique administrative de la IIe République et du second Empire

La IIe République donne satisfaction aux colons français partisans de l’assimilation, en créant trois départements (Alger, Oran, Constantine), avec préfets, députés et conseillers généraux élus. Cependant, les territoires du Sud restent soumis à l’autorité militaire.

À ce régime civil, Napoléon III, qui pratique en Algérie une politique où la sensiblerie le dispute aux contradictions, substitue un régime militaire. Le maréchal Randon est nommé gouverneur général de l’Algérie (1852), mais, si la représentation algérienne à Paris est supprimée, le pays reste divisé en départements. Pour faciliter la colonisation, Randon cantonne les autochtones, trop souvent réduits à un prolétariat agricole. La métropole voit aussi dans l’Algérie un bagne tout désigné pour les déportés.

En 1858, le Gouvernement général est supprimé et remplacé par un ministère de l’Algérie et des Colonies siégeant à Paris ; confié d’abord au prince Napoléon, ce ministère passe, dès 1859, aux mains du marquis de Chasseloup-Laubat.

Cependant, l’empereur, au cours de son voyage en Algérie (1860), est frappé par la noblesse de « la race intelligente, fière, guerrière » des autochtones. Pour se la concilier et la protéger des colons, il rétablit (1863) le gouvernement militaire (Pélissier, 1863-1864 ; Mac-Mahon, 1864-1870) ; il rêve même de faire de l’Algérie un « royaume arabe ».

Un sénatus-consulte de 1863 rend les douars propriétaires des terres qu’ils occupent ; un autre, de 1865, permet aux Algériens qui acceptent de renoncer à leur statut personnel d’accéder à la citoyenneté française. Une enquête agricole officielle (1868-1869) met au jour les excès de la colonisation.

Le 9 mars 1870, le Corps législatif vote l’établissement du régime civil en Algérie ; un projet de réformes prévoit même l’institution d’un budget spécial. Mais la chute de l’Empire en fait échouer l’application.

En 1870, la grande colonisation capitaliste a pris le pas sur la petite colonisation, qui continue, cependant, de s’alimenter de l’émigration européenne (4 500 nouveaux colons de 1860 à 1870). Pour les autochtones, décimés par la faim et les épidémies, les années 1866-1870 sont des « années terribles ».


L’Algérie sous la IIIe République

L’avènement de la IIIe République sert de révélateur aux graves difficultés de l’Algérie.

Conscient de l’hostilité profonde des colons à l’égard des militaires, le gouvernement français rétablit le régime civil et, le 24 octobre 1870, accorde la citoyenneté française aux Algériens israélites (décret Crémieux), mesure qui a pour conséquence le développement d’une vague d’antisémitisme en Algérie, qui atteindra son paroxysme entre 1898 et 1902.

Le décret Crémieux est aussi partiellement à l’origine du soulèvement kabyle déclenché par le bachaga Mokrani le 14 mars 1871. Il s’agit d’une véritable guerre sainte, à laquelle participent 150 000 Kabyles, mais qui déborde la Kabylie ; la mort de Mokrani, en mai, n’arrête pas le mouvement, qui n’est stoppé qu’en novembre 1871 par le gouverneur général, l’amiral de Gueydon. La répression est très dure ; la Kabylie perd son autonomie ; 500 000 ha de terres kabyles sont séquestrés, qui vont attirer les colons. Le général Chanzy, gouverneur de 1873 à 1879, consolide les positions militaires tout en développant l’assimilation : les officiers des bureaux arabes sont remplacés par des administrateurs de communes mixtes. Mais Chanzy est trop « impérieux » pour ne pas heurter l’administration locale.

Albert Grévy, qui lui succède (1879-1881), est le premier gouverneur réellement civil de l’Algérie. Il favorise l’assimilation de l’Algérie en terre française : dès 1873, une loi — supprimée en 1888 — a substitué à la propriété collective des tribus la propriété individuelle de l’autochtone, qui ne peut résister aux offres d’achat des Européens. La colonisation officielle (Alsaciens et Lorrains) et la colonisation libre font dès lors un bond en avant : 130 000 colons (la moitié de Français) s’installent en Algérie de 1871 à 1881.

Albert Grévy, instrument des civils algériens, pratique aussi une politique des « rattachements ». Le décret du 28 août 1881 répartit les affaires locales entre neuf ministères parisiens, le gouverneur n’étant plus qu’un agent d’exécution de la métropole. L’assentiment britannique permet à la France de s’installer plus au sud (occupation du Mzab, 1882). En Algérie même, les armes se réveillent parfois : en 1881, un soulèvement, assez vite réprimé, est déclenché parmi les Ouled Sidi Cheikh par Bū‘Amāma.

Cependant, le régime de centralisation et d’assimilation politique, qu’accompagne une semi-ségrégation à l’égard des autochtones, se développe : en 1889, une loi naturalise automatiquement tous les étrangers nés en Algérie, tandis que les musulmans demeurent sous le régime de l’indigénat, qui les met pratiquement hors du droit commun, en matière judiciaire notamment.

À partir de 1892, ce système est dénoncé violemment par Jules Ferry, qui considère que l’Algérie ne peut être qu’une colonie ; son action aboutit au décret du 31 décembre 1896, qui supprime les « rattachements » et renforce les pouvoirs du gouverneur général, lequel ne dépend plus que du seul ministre de l’Intérieur.

Pour aider le gouverneur à préparer le budget autonome de l’Algérie, le décret du 23 août 1898 met en place des délégations financières, institution qui comprend 69 membres répartis en trois sections, groupant respectivement 24 délégués colons, 24 délégués non colons et 21 délégués autochtones. Ces derniers représentent la grande propriété arabe. Les délégations financières constituent donc une assemblée de possédants où les Français sont largement prépondérants.

Dans le cadre départemental, on distingue alors trois types de municipalités : communes de plein exercice, régies par la loi française ; communes mixtes, où l’élément indigène peut être admis à la commission municipale ; communes indigènes, qui conservent leurs coutumes sous le contrôle d’un administrateur ou d’un officier.

En 1919, une loi élargit la place des autochtones dans les assemblées locales ; de 1914 à 1940, le régime de l’indigénat disparaîtra progressivement.