Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

Les bons sols, limités aux plaines et aux collines du Tell, sont rares. Partout, la violence des averses, très concentrées (paradoxe dans un pays qui manque d’eau), la maigreur de la végétation, qui ne couvre jamais totalement le sol, et la vigueur de la plupart des reliefs, aux pentes accentuées, constituent un milieu favorable au développement d’une érosion d’autant plus violente que les surcharges pastorales et les travaux agricoles tendent encore à dénuder les terrains exposés. Aussi, lorsque la couverture végétale est enlevée, les ravines, les glissements de terrain et les bad-lands se multiplient ; les surfaces atteintes sont irrémédiablement perdues. L’agriculture algérienne est en permanence menacée par l’agressivité du milieu au sein duquel elle s’exerce.

Les ressources du sous-sol ne compensent pas entièrement ces durs handicaps. L’Algérie dispose d’importants gisements de phosphate (région de Tebessa), de minerais de fer (Beni-Saf, Dahra et surtout Ouenza), et de quelques mines de plomb, de zinc et de cuivre dispersées dans les djebels telliens. Mais elle est très pauvre en charbon, et l’équipement en centrales hydro-électriques des montagnes humides s’y révèle techniquement difficile. Seuls le pétrole et le gaz naturel du Sahara constituent une richesse assez importante pour servir de base à l’industrialisation.

A. F.


L’occupation française et la colonisation (1830-1940)


Le débarquement

En 1830, alors que le trône de Charles X est de plus en plus menacé, les relations entre la France et la régence d’Alger sont très mauvaises. Les difficultés du règlement d’une vieille créance algéroise les enveniment au point qu’en 1827, au cours d’une entrevue avec le dey, le consul de France Duval reçoit de ce dernier un coup d’éventail. D’autres incidents, notamment le bombardement, par les forts d’Alger, du navire français Provence (1829), les intérêts de milieux d’affaires français, marseillais surtout, et aussi le désir du gouvernement de Polignac de créer une diversion aux difficultés internes amènent Charles X et ses ministres à entreprendre une action militaire en Algérie, et cela malgré l’opposition anglaise (janv. 1830).

Le corps expéditionnaire français (36 000 hommes), commandé par Bourmont et pris en charge par la flotte de l’amiral Duperré, débarque à Sidi-Ferruch du 14 au 16 juin. Après trois semaines de combats violents, le dey Ḥusayn capitule (5 juill. 1830) et signe une convention qui remet au corps expéditionnaire d’Alger ses forts et sa casbah, sans pour autant signifier un transfert de souveraineté au profit de l’État français.


L’occupation restreinte

Louis-Philippe, qui succède alors à Charles X, semble assez embarrassé par le « legs onéreux » de la Restauration. Les Français se contentent donc d’occuper Blida et Médéa pour couvrir Alger, mais Bône, Oran et Bougie reçoivent aussi des garnisons françaises. Les chefs qui se succèdent, manquant de directives, appliquent une politique très empirique. Le plus clair de leur action consiste à augmenter leurs effectifs en mettant sur pied des formations nouvelles (zouaves, spahis, tirailleurs), recrutées parmi les autochtones.

Cependant, les chefs arabes réagissent fortement. À l’est, le bey de Constantine, Ḥādjdj Aḥmad, résiste longtemps aux assauts : Constantine n’est enlevée par les Français, commandés par Valée, que le 13 octobre 1837. À l’ouest, la France a affaire à plus forte partie. Abd el-Kader* a réussi à constituer dans l’Oranie (Mascara) et l’Algérois un État algérien dont l’existence ne peut que gêner l’installation des Français. Au début, ceux-ci tentent de négocier, et, par le traité du 26 février 1834, Desmichels reconnaît l’autorité d’Abd el-Kader sur tout l’Ouest algérien. Mais l’émir, en 1835, écrase la colonne Trezel à La Macta. Clauzel enlève bien Mascara, mais Abd el-Kader reste sur des positions très fortes. En 1837, Bugeaud négocie avec lui le traité de la Tafna, qui reconnaît au chef arabe l’administration de tout le pays, sauf la côte. En fait, Abd el-Kader, fort de l’appui marocain, organise une armée de 50 000 hommes : le 18 novembre 1839, il déclare la guerre à la France.


La conquête

La France charge alors Bugeaud, nommé gouverneur de l’Algérie (1840), non seulement de se débarrasser d’Abd el-Kader, mais aussi d’organiser systématiquement la conquête du pays. Bugeaud, qui dispose de 100 000 hommes, adapte son action à la topographie et aux mœurs de l’Algérie.

Il organise des bureaux arabes, organismes dirigés par des officiers dits « des affaires arabes », destinés à renseigner le gouvernement français sur l’esprit des populations et à assurer aux tribus une administration juste et régulière. Ces bureaux sont spécialement chargés « des traductions et rédactions arabes, de la préparation et de l’expédition des ordres et autres travaux relatifs à la conduite des affaires arabes, la surveillance des marchés et de l’établissement des comptes de toute nature à rendre au Gouvernement général sur la situation politique et administrative du pays ». Des colons européens, de plus en plus nombreux, s’installent en Algérie ; en 1847, ils sont 109 000 : 47 000 Français, 62 000 étrangers, en majorité des méditerranéens (Espagnols, Maltais).

Par ailleurs, Bugeaud crée des colonnes mobiles, qui affrontent avec succès Abd el-Kader : dès 1841, les places de l’émir sont prises ; en 1843, sa smala est détruite par le duc d’Aumale. Réfugié au Maroc, le chef arabe gagne à sa cause le sultan ‘Abd al-Raḥmān, qui est battu par Bugeaud à l’Isly (1844). Abd el-Kader doit quitter le Maroc, mais il continue à harceler les Français, à qui, cependant, il finit par se rendre (1847).

Par la suite, l’effort français se porte sur la conquête des pays berbères. La Kabylie, sous le second Empire, est nominalement soumise (1857) : en fait, elle ne sera jamais « assimilée », et plus d’une révolte kabyle marquera l’histoire de l’Algérie française.

La pacification s’exerce aussi en direction du sud : après l’occupation de Laghouat et de Touggourt (1854), Duveyrier pénètre chez les Touaregs ; le Sud-Oranais et les confins algéro-marocains sont, à la veille de la guerre de 1870, pacifiés par Wimpffen.

Mais la pacification ne peut être efficace qu’à la condition que le pays soit bien administré. Or, la politique de la France est, en ce domaine, singulièrement fluctuante.