Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

dégazolinage (suite)

• Dans le premier type d’unité, le gaz entre en contact avec une huile légère qui absorbe les hydrocarbures plus lourds que le méthane, pour les restituer ultérieurement par désorption. C’est le procédé le plus utilisé aux États-Unis, où l’on compte un millier d’usines de dégazolinage extrayant annuellement 50 millions de tonnes de sous-produits. Le gaz traverse de bas en haut une tour de traitement où il subit d’abord un séchage à l’aide de glycol, produit avide d’eau, et que l’on régénère par simple distillation sous vide ; l’absorption se fait ensuite sous pression au contact d’une « huile pauvre » descendant à contre-courant qui retient les hydrocarbures plus lourds que le méthane, se transformant ainsi en une « huile riche », c’est-à-dire chargée des produits absorbés. Ces derniers sont libérés par une détente de la pression et traversent ensuite une série de quatre colonnes de fractionnement à plateaux, comprenant un déméthaniseur qui élimine les traces de méthane entraîné, une tour de rectification qui rend à l’absorbant son caractère initial d’huile pauvre, un dépropaniseur et un débutaniseur qui produisent du propane, du butane et de l’essence à caractéristiques commerciales.

• Dans le dégazolinage par le froid, pratiqué dans l’usine de Lacq de la Société nationale des pétroles d’Aquitaine (S. N. P. A.), on réfrigère le gaz jusqu’à – 80 °C sous une pression de 45 bars, ce qui entraîne la liquéfaction de tous les hydrocarbures, sauf le méthane. Une distillation fractionnée dans une série de colonnes à plateaux permet ensuite de recueillir séparément les divers produits liquides de la même manière que dans le procédé par absorption. On obtient ainsi un gaz sec, plus facile à distribuer.

A.-H. S.

➙ Désulfuration / Distillation / Gaz / Lacq / Pétrochimie.

De Ghelderode (Michel)

Auteur dramatique belge de langue française (Ixelles 1898 - Bruxelles 1962).


Adhémar Adolphe Louis Martens, qui pour signer son œuvre reprit à quelque lointaine aïeule le patronyme de De Ghelderode, naquit d’un père calligraphe d’archives et d’une mère effrayée et rêveuse qui assurait avoir vu plusieurs fois le diable. Après des études chez les pères écourtées par une santé fragile, il se met à écrire contes et poèmes en prose, et la découverte de l’Ulenspiegel de Charles De Coster lui dicte un recueil d’anecdotes populaires, qu’il publie en 1922, l’Histoire comique de Keizer Karel (Charles Quint). Le voici braqué sur le xvie s. légendaire, et sa première œuvre de théâtre importante sera une Mort du Docteur Faust (1928), qu’il qualifie de « drame-farce ». Il rencontre alors le metteur en scène hollandais Johan de Meester (né en 1897), qui organisait les représentations de l’itinérant Théâtre populaire flamand : il sera jusqu’en 1930 son auteur attitré, écrivant en français des pièces à traduire et à jouer en flamand comme les Images de la vie de saint François d’Assise (1927) et Barabbas (1929), son premier grand succès, en partie fait de scandale. Beaucoup plus tard, il fera jouer sur un parvis d’église un « miracle » au sujet flamand, Marie la Misérable (1952), qui rejoint un peu cette veine de début. Des années 1925 à 1930 datent aussi un romantique Christophe Colomb (1929), puis Escurial (1929), comédie tragique où le roi change de rôle avec son bouffon, Dom Juan (1928), au héros fort pirandellien qui croit à son déguisement, et Pantagleize (1930), un cœur « inopportuniste » a-t-il dit, aux prises avec le monde. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, sa production restera abondante. Sire Halewyn (1936) est la mise à la scène d’une ancienne légende. Mademoiselle Jaïre (1942, montée en 1949), ce « cauchemar d’art » longuement porté, puis le sarcastique et sanguinaire Hop signor (1938, monté en 1942), Fastes d’Enfer (1938, montés en 1949), Le soleil se couche (Charles Quint vieilli se fait donner le spectacle de ses propres funérailles), voilà quelques-unes des pièces de cette époque, auxquelles il faut adjoindre des farces comme Magie rouge (1934), D’un diable qui prêcha merveilles (1942), Ballade du grand Macabre (1935, montée en 1953), la Farce des ténébreux (1952), l’École des bouffons (1942, montée en 1953), tout un carnaval halluciné... En 1941, les nouvelles de Sortilèges expriment les hantises d’un fantastique insinué dans le quotidien, puis Voyage autour de ma Flandre (1947) et La Flandre est un songe (1953) révèlent un notateur nuancé et sensible. En 1956 paraissent les Entretiens d’Ostende, dans lesquels l’écrivain s’explique avec des franchises diverses sur les racines de sa création. Il a atteint dès lors la célébrité internationale, et tout d’abord par l’entremise de représentations parisiennes. On le joue dans plusieurs pays d’Europe et des deux Amériques, et certaines de ses pièces inspirent des compositeurs. C’est au sein de cette gloire que la maladie l’abat à Bruxelles, en 1962.

Les pièces de De Ghelderode, étant surtout des prétextes à un dynamisme scénique, se prêtent peu au jugement serein de la critique littéraire. Leur flux entrecoupé charrie laves et scories, et tout est dans le mouvement de mots et de gestes qui doit produire et renouveler la percussion émotionnelle. L’effet général réside dans l’union contrastée du cauchemar et de la caricature : peur de la mort et sensualité funèbre, ricanements ou cris, horreur et folie sont, pour reprendre des mots de Baudelaire, les breloques qui dansent sur le ventre de cette singulière Beauté... C’est que, observe le protagoniste de Hop signor, « il y a des instants où tout songe dévie et se joue un instant dans le réel », profitant, lorsque ce sont des songes ghelderodiens, de ce « sommeil de la raison » sinistrement célébré par Goya. De quel fond surgissent ces rêves ? Lui-même a parlé de l’ancestralité flamande, mais d’autres ont pu invoquer la résurgence d’un ibérisme fasciné par la mort et l’enfer, si bien que sur ce tréteau les monstres flamands et les monstres espagnols se livreraient à une empoignade jamais conclue. Cependant, ces références ethnico-historiques nous laissent au seuil d’une explication qui, du fait que cette œuvre porte à la fois l’évidence d’une singularité d’homme et celle d’une obsession d’artiste, devrait se poursuivre sur les deux voies parallèles de la psychologie et de l’esthétique.