Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

déflagration (suite)

Quand un mélange gazeux déflagre en vase clos, la pression va en s’élevant et atteint sa valeur maximale quand tout le gaz a réagi ; ensuite, le refroidissement des gaz chauds au contact des parois entraîne une baisse de la pression. Il y a entre cette pression maximale et la pression initiale avant l’explosion un rapport, appelé facteur d’élévation de la pression, qui, pour un mélange donné pris à une température donnée, est constant tant que la pression initiale ne dépasse pas une quinzaine de bars.

Quand un bloc compact de matière explosive solide déflagre, sa surface en réaction est couverte d’une flamme qui se propage vers l’intérieur ; la vitesse à laquelle progresse vers l’intérieur du bloc cette zone en réaction est la célérité de déflagration, qui, en vase clos où la pression ne peut qu’augmenter, ne reste pas constante, mais croît elle-même. Pour une matière nitrocellulosique, cette célérité, qui est de 1 cm/s environ aux pressions inférieures à 25 bars, peut dépasser 50 cm/s aux pressions de 3 000 bars et plus ; pour le perchlorate d’ammonium, elle est de 0,4 cm/s sous 35 bars et de 0,7 cm/s sous 70 bars.

Dans le cas des matières explosives sous forme de grains, on ne doit pas confondre la vitesse d’inflammation avec la célérité de déflagration : si on met le feu en un point d’une traînée de tels grains, le feu se propage très vite, en surface, d’un grain aux grains voisins, puis chaque grain continue à brûler à partir de sa surface, et c’est la vitesse avec laquelle cette zone en réaction se propage de la périphérie vers le centre du grain qui constitue la célérité de la déflagration, tandis que la vitesse avec laquelle la flamme se transmet en surface, et qui est 50 ou 100 fois plus grande, est la vitesse d’inflammation.

Dans un bloc de matière obtenue en pressant fortement des grains ensemble, la flamme peut éventuellement pénétrer dans les interstices séparant des grains mal agglomérés ; l’explosion est alors une déflagration mêlée d’inflammation et est par conséquent rendue plus rapide. Il est cependant possible de loger une matière en petits grains réguliers, non agglomérés, dans un conduit où ils sont suffisamment serrés pour que la vitesse d’inflammation garde une valeur du même ordre que la vitesse de déflagration ; c’est ce qui est réalisé dans la fabrication de l’artifice appelé mèche de sûreté.

L. M.

➙ Explosion / Poudre.

 L. Vennin, E. Burlot et H. Lécorche, les Poudres et explosifs (Béranger, 1932). / B. Lewis et G. von Elbe, Combustion, Flames and Explosions of Gases (New York, 1961).

Defoe ou De Foe (Daniel)

Romancier et pamphlétaire anglais (Londres v. 1660 - id. 1731).



« The Complete English Tradesman »

Dans la bourgeoisie anglaise du règne de Guillaume III et de ses successeurs commence à germer une idée qui verra sa pleine réalisation au siècle suivant. Ces hommes, dont la foi puritaine ne fait jamais obstacle aux accommodements qu’imposent les réalités de la vie, se prennent à rêver sinon de diriger, du moins d’infléchir le cours de l’histoire nationale dans le sens qui convient le mieux à leur intérêt, indissociable à leurs yeux de celui de l’Angleterre. Tout progrès passe par la prospérité. Toute prospérité se rattache étroitement à l’exercice de la libre entreprise et à la liberté. En Defoe, cette classe nouvelle va trouver son incarnation la plus dynamique et un porte-parole d’une étrange vigueur créatrice. Fils d’un fabricant de chandelles, baptiste, membre de la corporation des bouchers de Londres quoique destiné à la prêtrise, il préfère épouser la fille bien dotée d’un marchand avant de se lancer dans la vente du tabac et des vins. « La grande affaire de la vie, c’est de gagner de l’argent », professe-t-il. Il n’en écrit pas moins. Sans doute pour justifier ses quatre ou cinq années de séminaire. Puisque l’essentiel est d’abord d’organiser la Terre où le Seigneur nous a placés, Defoe va s’intéresser à tout ce qui touche à l’économie, à l’argent, aux échanges. En 1729, il donne par exemple A Plan of the English Commerce (Un plan du commerce anglais). Mais déjà, avec An Essay upon Projects (1697), il avait rédigé Un essai sur différents projets, tel celui qui concerne la création et les avantages des banques de crédit, la protection des marins caboteurs, l’entretien des routes, la retraite pour tous, le sort réservé aux faillis. Quand il écrit le Parfait Commerçant anglais, de 1725 à 1727, c’est un orfèvre en la matière qui parle. Tour à tour dans le commerce des produits alimentaires, des textiles, des briques et des tuiles, voire des huîtres et des harengs, il a déjà fait banqueroute en 1703, pris la fuite une première fois, et on le retrouve encore, vingt-sept ans plus tard, essayant de se soustraire aux poursuites de ses créanciers. On ne s’étonnera pas alors, même s’il rédige Un circuit à travers la Grande-Bretagne, de trouver dans ce Tour through the Whole Island of Great Britain (1724-1727) moins de descriptions de sites traversés ou de monuments rencontrés que de traits sur la société de son temps, de questions concernant le commerce ou de réflexions sur la prospérité du pays. On peut comprendre aussi l’importance de l’or omniprésent autour de ses aventuriers, le luxe de détails qui accompagnent la description d’un bateau (instrument précieux du commerce !) et jusqu’à la prolifération silencieuse mais presque obsessionnelle des simples objets, surtout dans Robinson Crusoé, dont on retiendra ces paroles : « On ne sait jamais quand une chose peut devenir utile. » C’est, dans Due Preparation for the Plague (Préparatifs convenables contre la peste, 1722), le sentiment profond, mais poussé à l’extrême, du négociant londonien qui se barricade cinq mois chez lui, avec sa famille... et tous ses biens.


« A Hymn to the Pillory »

Swift se méfiait de tels hommes. Il méprisait pour l’administration du royaume ce qu’il appelle dédaigneusement « the spirit of shop-keepers ». À l’inverse, Defoe ne semble nullement choqué par la « mentalité de boutiquier ». Mieux, il en devient en quelque sorte l’avocat. Dès 1698, il est entré délibérément dans l’arène politique. Il va s’y faire remarquer non seulement par ses écrits, mais aussi par son aptitude à se trouver du côté de ceux qui peuvent lui être utiles. Pour se concilier les bonnes grâces de Guillaume III, monarque d’origine hollandaise violemment attaqué dans The Foreigners (les Étrangers) de John Tutchin, il réplique par The True-Born Englishman (1701), pamphlet savoureux et plein de vigueur où il souligne que l’Anglais de naissance descend en vérité des Pictes, des Bretons, des Scots et des Norvégiens. Par la même occasion, il met les rieurs avec lui en rappelant à l’aristocratie méprisante, si imbue de ses origines, qu’elle est issue « de la race la plus scélérate qui vécût jamais ;
« Un affreux ramassis de voleurs et de fainéants vagabonds,
« Qui dépouillaient les comtés et dépeuplaient les villes. »