Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Défense nationale (gouvernement de la) (suite)

« La guerre à outrance »

Jules Favre, ministre des Affaires étrangères, a averti les puissances que le nouveau gouvernement ne céderait ni un pouce de territoire, ni une pierre des forteresses (6 sept.). Une médiation étrangère est-elle possible ? Adolphe Thiers fait en octobre 1870 une tournée des capitales d’Europe, mais c’est une mission bien périlleuse que de représenter une république aux abois auprès de monarchies héréditaires peu soucieuses de se brouiller avec la Prusse. L’échec est certain.

Lorsqu’il rentre à Paris, Thiers trouve le gouvernement décidé à « la guerre à outrance ». Les 19 et 20 septembre, Jules Favre a rencontré Bismarck à Ferrières, en Brie. Ce dernier, qui croit la guerre finie, a réclamé la cession de l’Alsace et de Strasbourg par la France. Devant cette exigence intolérable, Gambetta décide d’organiser la résistance en province. Le 7 octobre, il quitte la place Saint-Pierre de Montmartre en ballon avec Eugène Spuller. L’aérostat Armand-Barbès atterrit à Montdidier. De là, Gambetta gagne Tours, où il rejoint Crémieux ainsi que Glais-Bizoin et l’amiral Fourichon, partis dès la mi-septembre, avant l’investissement de Paris, pour assurer l’action gouvernementale en territoire libre.

La délégation de Tours doit faire face à une double tâche. Il faut d’abord imposer son autorité au pays. C’est une véritable dictature que va exercer Gambetta. Il fait remplacer les conseils municipaux par des commissions républicaines destinées à bander les énergies à l’échelon local. Il garde le contact avec la capitale grâce aux pigeons voyageurs transportant des dépêches microscopiques, les pigeongrammes (sur 95 581, 60 000 parviendront à destination). Les ballons-poste (70 pendant le siège de Paris) apportent à la France les nouvelles de Paris, maintenant ainsi le moral, précieux adjuvant de la résistance patriotique.

Ensuite et surtout, il faut organiser la lutte. Nouveau Carnot, Gambetta, aidé de l’ingénieur Charles de Freycinet, fait jaillir du sol français 600 000 soldats en quatre mois (décret du 4 nov.). Il mobilise les hommes au-dessous de quarante ans et les équipe. Il achète ou fait fabriquer des armes (1 200 000 fusils et 1 400 canons), fabrique des munitions et, pour cela, lève un emprunt de 200 millions à 7 p. 100 auprès de la banque Morgan. Il encourage la guerre des partisans, les « francs-tireurs », qui doivent harceler les flancs de l’ennemi et « surprendre ses arrières ». À son appel, des légions étrangères (garibaldiens, Grecs, Anglais avec Kitchener) viennent participer à l’« héroïque folie » du gouvernement de la « défiance nationale ». Baroud d’honneur ou guerre utile ? Il semble que les clauses du traité de paix aient été fixées dès les négociations de Ferrières. De nouvelles négociations sont entamées par Thiers avec Bismarck à Versailles du 1er au 4 novembre. Selon Thiers, Bismarck se serait contenté de l’Alsace et de « peu de chose autour de Metz », avec 3 milliards d’indemnité. Jules Favre est d’avis d’accepter ces conditions. Gambetta ordonne de rompre (6 nov.).


« La guerre a été menée jusqu’aux extrémités du possible » (Jules Ferry)

Il apparaît à cette date que deux forces s’opposent à un armistice avec l’Allemagne : Gambetta et le peuple de Paris.

Gambetta lance au début de novembre la Ire armée de la Loire en direction d’Orléans, avec pour mission de marcher ultérieurement sur Paris. Successivement, les armées de Gambetta seront battues. Courageusement, elles auront sauvé l’honneur de la France.

Le peuple de Paris, poussé par les futurs communards, oblige Trochu à des sorties torrentielles pour forcer l’investissement allemand ; cuisantes déceptions ! La famine atteint la population ; en janvier 1871, Paris sera bombardé. Les extrémistes exploitent ces conditions contre le gouvernement. Metz ayant capitulé le 27 octobre 1870, des négociations avec l’ennemi sont en cours : ces nouvelles précipitent les quartiers populaires contre l’Hôtel de Ville, où les ministres sont séquestrés quelques heures (31 oct.). Désormais, le divorce entre le peuple de Paris et les gens au pouvoir va s’aggraver.

Confirmé par plébiscite le 3 novembre, le gouvernement verra se reproduire la fureur populaire le 22 janvier 1871, après l’échec de Buzenval.

La Commune* trouve en partie ses origines dans cette idée populaire de la trahison des dirigeants. En fait, à Versailles, Favre a signé une convention d’armistice (28 janv.). De Bordeaux, Gambetta lance un ultime appel à la résistance, mais il doit démissionner (6 févr.). Aux élections à l’Assemblée nationale prévue par l’armistice, les partisans de la paix l’emportent. Le 12 février, le gouvernement de la Défense nationale remet ses pouvoirs à l’Assemblée de Bordeaux.

P. M.

➙ Commune (la) / Défense / Franco-allemande (guerre) / République (IIIe).


Les membres du gouvernement de la défense nationale

Présidence


Louis Jules Trochu

(Belle-Île-en-Mer 1815 - Tours 1896). Sorti de Saint-Cyr, il a participé à la conquête de l’Algérie et aux guerres du second Empire. Général depuis 1854, gouverneur militaire de Paris en août 1870, ce « Breton catholique et soldat » promet fidélité à l’impératrice mais accepte de rallier le gouvernement de la Défense nationale le 4 septembre 1870. N’ayant confiance que dans les troupes de ligne, il juge que la défense de Paris est une « héroïque folie ». V. Hugo l’appelle « le participe passé du verbe trop choir » et Rochefort dit qu’il était « moins général qu’avocat ». Il démissionne le 22 janvier 1871.

Affaires étrangères


Jules Favre

(Lyon 1809 - Versailles 1880). Avocat à Lyon sous la monarchie de Juillet, il est déjà célèbre lorsqu’il siège à la Constituante et à la Législative (1848-1851). Il se fait remarquer par son opposition à la politique de Napoléon III. En 1857, il fait partie du groupe des cinq républicains élus au Corps législatif, défend Orsini (1858) et, jusqu’en 1870, combat l’Empire. Devenu académicien en 1867, il siège à l’Assemblée nationale de février 1871. C’est lui qui négocie le traité de Francfort (10 mai 1871). Il combat l’Ordre moral et termine sa carrière comme sénateur du Rhône (1876).