Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alfvén (ondes de)

Forme particulière d’ondes électromagnétiques d’« ultra-basses fréquences » (« UBF »), limitées en principe à une dizaine de hertz — ondes qui sont susceptibles de se propager dans les fluides très conducteurs placés sous l’influence d’un champ magnétique.


Leurs propriétés s’intègrent dans une science nouvelle, la magnétohydrodynamique*, qui couvre l’ensemble des phénomènes liés aux mouvements de tout fluide conducteur se faisant en présence d’un champ magnétique. Cette science peut être considérée comme une généralisation de l’hydrodynamique et de l’aérodynamique classiques quand on considère les effets électromagnétiques nouveaux d’interaction entre les mouvements du conducteur et le champ magnétique, effets qui s’ajoutent aux forces d’origine purement mécanique. Pour cette raison, les ondes de Alfvén sont appelées aussi ondes magnétohydrodynamiques ou, plus simplement, ondes hydromagnétiques (de symbole HM). Les fluides à considérer peuvent être des liquides tels que le mercure, le sodium fondu..., mais il y en a peu d’autres qui ont des conductibilités suffisantes. Les deux que nous venons de citer ont, en effet, été choisis quand on a essayé — et réussi difficilement — de créer et d’observer des ondes de Alfvén lors d’expériences de laboratoire. En fait, le plus grand intérêt des effets magnétohydrodynamiques se rapporte aux cas pour lesquels le milieu conducteur a la constitution d’un plasma électromagnétique, c’est-à-dire d’un gaz, dense ou raréfié (ce qui, à la limite, le rapproche d’un vide plus ou moins poussé), mais très ionisé. En dehors des plasmas (relativement denses et à températures très élevées) que l’on a mis en œuvre au laboratoire dans les expériences de fusion contrôlée, ce sont les plasmas cosmiques et géophysiques (gaz interplanétaires, exosphériques, magnétosphériques [v. magnétosphère], et ceux qui entrent dans les constitutions solaires et stellaires) qui illustrent le mieux le rôle joué dans la nature par ces ondes.

Ce n’est donc pas par hasard que, vers 1940 — par des considérations théoriques et avant toute vérification expérimentale directe —, l’existence de ces ondes fut postulée par Hannes Alfvén, astrophysicien suédois (né en 1908), professeur à l’Institut royal de technologie de Stockholm, qui cherchait une meilleure compréhension des phénomènes électromagnétiques cosmiques. Alfvén fut conduit à analyser les processus magnétohydrodynamiques qui devaient se produire dans un grand nombre de milieux cosmiques. Il mit ainsi en évidence que, dans de tels milieux, les mouvements de matière constituant la partie conductrice du plasma doivent toujours entraîner des déplacements correspondants — égaux —, des lignes de forces du champ magnétique. C’est l’hypothèse du « champ gelé dans la matière ». Cette hypothèse nous permet de mieux nous représenter la dynamique des espaces occupés par le plasma en la ramenant — en une première approximation — à celle d’un système purement mécanique, solide, liquide ou gazeux.

Alfvén a d’abord montré que le plasma doit pouvoir transmettre des ondes transversales, dans lesquelles les petits déplacements de plasma et le petit champ magnétique perturbateur (s’ajoutant vectoriellement au champ principal) doivent fluctuer tous deux dans une direction perpendiculaire au champ magnétique principal. Les lignes de forces de ce champ sont ainsi parcourues par des déformations transversales, comme dans la propagation de vibrations transversales le long d’une tige élastique ou d’une corde vibrante.

Par la suite, grâce aux travaux théoriques de nombreux chercheurs, il fut établi que, suivant des principes analogues, des ondes longitudinales pouvaient être également prévues : dans ce cas, les petits déplacements de plasma se font encore perpendiculairement au champ principal, mais y déterminent une compression (ou une décompression) locale de ces derniers (avec augmentation ou diminution locale, également, du champ magnétique principal). Ces déplacements et compressions se transmettent et se propagent perpendiculairement au champ principal et parallèlement à eux-mêmes (comme dans la transmission d’une onde de compression-décompression dans un gaz).

Qu’elles soient transversales ou longitudinales, ces ondes se propagent avec peu de dispersion (c’est-à-dire sans variation importante de la vitesse en fonction de leur fréquence). La vitesse des ondes du premier type, dite « vitesse de Alfvén », de symbole VA, joue un rôle fondamental, car les autres n’en diffèrent, en général, qu’assez peu et peuvent s’en déduire assez simplement. VA peut être exprimé par la formule dans laquelle H désigne le champ magnétique ambiant, en gauss, et ρ la densité du plasma en grammes par centimètre cube, V étant alors exprimé en centimètres par seconde.

Les ondes de Alfvén, qui peuvent atteindre des vitesses de l’ordre de 1 000 km/s dans certaines régions de la magnétosphère* terrestre, jouent un rôle important dans les théories actuelles sur les « pulsations magnétiques » (v. géomagnétisme) et sur la transmission vers le sol de divers types de perturbations (ondes de choc, fluctuations magnétiques ou cinétiques liées au « vent solaire »), venant soit de l’espace interplanétaire, soit des frontières mêmes de notre magnétosphère ; par exemple : celles qui sont connues sous le nom de débuts SSC des orages magnétiques (v. orage magnétique).

En terminant signalons que, simultanément aux études directes concernant la magnétohydrodynamique, se développait une théorie générale de la propagation des ondes dans les plasmas, et cela pour toutes fréquences, mais, en général, pour des fréquences beaucoup plus élevées que celles qui viennent de nous occuper. Cette théorie générale montre que les différentes ondes se rattachant à celles qui ont été découvertes par Alfvén peuvent être considérées comme des cas limites de celles qui sont prévues par les équations générales (ce que les mathématiciens appellent des cas de « dégénérescence »), et cela quand les fréquences émises sont de plus en plus basses. On peut, peut-être, trouver dans cette constatation théorique l’explication du paradoxe qu’un des chapitres les plus importants de la physique actuelle ait été découvert à propos de phénomènes cosmiques, alors qu’on aurait pu penser qu’il faisait partie depuis longtemps du bagage ordinaire des physiciens de laboratoire.

E. S.

 H. Alfvén, Cosmical Electrodynamics (Oxford, 1950). / J. F. Denisse et J. L. Delcroix, Théorie des ondes dans les plasmas (Dunod, 1961).