Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Dauphiné (suite)

L’art gothique est moins riche. Pourtant, au milieu du xiiie s., une certaine prospérité permettra à l’archevêque Jean de Bernier de réédifier en partie Saint-Barnard de Romans ainsi que sa cathédrale Saint-Maurice de Vienne, consacrée de nouveau en 1251 mais achevée au xvie s. seulement par une façade flamboyante. Un autre édifice majeur est l’ancienne abbaye de Saint-Antoine en Viennois, promue en 1297 chef d’un nouvel ordre hospitalier : les Antonins, qui soignaient le « mal des ardents ». L’église est reconstruite à partir de la fin du xiie s. ; au xve s., le sculpteur Antoine Le Moiturier (v. 1425 - v. 1500), venu d’Avignon et avant de se rendre à Dijon, orne les portails de la façade, dont la composition rigoureuse est rythmée par les six verticales des contreforts à niches et pinacles.

En matière de peinture murale, pour le xve s. également, les découvertes se sont récemment multipliées, surtout dans le Briançonnais ; des églises rurales révèlent un art gothique un peu archaïsant mais plein de saveur, qui, par ses équivalents en Savoie, en Piémont et dans le comté de Nice, affirme l’unité très caractéristique des deux versants des Alpes.

Face aux réussites du domaine religieux, l’architecture civile et militaire ne doit pas être oubliée : ruines de Beauvoir-en-Royans (xiiie s.), ancienne résidence des dauphins, château Bayard (xiiie-xve s.), château de Montélimar (xiie-xve s.), magnifique donjon de Crest (xiie s.), château de Suze-la-Rousse (xiiie-xvie s.) égayé d’une cour intérieure à arcades Renaissance...

Après les ravages des guerres de Religion se produit un nouvel essor, dont témoignent les constructions du connétable de Lesdiguières, son hôtel à Grenoble et surtout sa somptueuse résidence de campagne, le château de Vizille, rebâti à partir de 1611 grâce au concours de nombreux artistes flamands et lorrains. Également reconstruit pour le connétable, mais plus tardif, le château de Sassenage appartient à l’ère classique, encore insuffisamment étudiée. Les vastes bâtiments aux hautes toitures de la Grande-Chartreuse ont de belles qualités d’équilibre, à la mesure de la noblesse des montagnes qui l’entourent. Enfin, il ne faut pas oublier les créations de Vauban, chargé de fortifier les points stratégiques de la frontière : Mont-Dauphin (1692), Briançon (1693-1722) sont, avec Château-Queyras, les plus beaux exemples de l’architecture bastionnée.

F. E.

 G. Dupont-Ferrier, les Institutions bailliagères en Dauphiné, 1440-1515 (Bouillon, 1902). / E. Esmonin, les Intendants du Dauphiné des origines à la Révolution (Allier, Grenoble, 1923). / T. Sclafert, le Haut Dauphiné au Moyen Âge (Sirey, 1926). / A. Van Gennep, le Folklore du Dauphiné (Maisonneuve, 1932 ; 2 vol.). / J. Egret, le Parlement du Dauphiné et les affaires publiques depuis la seconde moitié du xviiie siècle (Arthaud, 1942 ; 2 vol.) ; les Derniers États du Dauphiné, septembre 1788 - janvier 1789 (Arthaud, 1945). / P. Léon, la Naissance de la grande industrie en Dauphiné, fin du xviie siècle - 1869 (P. U. F., 1954 ; 2 vol.). / Visages du Dauphiné (Horizons de France, 1965). / G. Chianéa, la Condition juridique des terres en Dauphiné au xviiie siècle (Mouton, 1969). / R. Bornecque, Dauphiné (Arthaud, 1971). / P. Dreyfus, Histoire du Dauphiné (P. U.F., coll. « Que sais-je ? », 1972). / B. Bligny (sous la dir. de). Histoire du Dauphiné (Privat, Toulouse, 1973).

David (Gerard)

Peintre des anciens Pays-Bas (Oudewater v. 1460 - Bruges 1523).


Dernier des grands primitifs brugeois, Gerard David, à la fois peintre et miniaturiste, n’est pas originaire des Flandres mais du comté de Hollande. Il fit sans doute, comme Dieric Bouts*, son apprentissage auprès des artistes de l’école de Haarlem ; peut-être fut-il l’élève d’Albert van Ouwater (connu vers 1430-1460), car ce maître était réputé pour ses paysages, genre dans lequel excella Gerard David.

Il est cité pour la première fois dans les archives de Bruges en 1483, et, en janvier 1484, il est inscrit à la Guilde de saint Luc comme maître, ce qui présuppose un métier déjà très sûr et une solide réputation. En 1501, il deviendra doyen de sa corporation.

À partir de 1488, des commandes pour la ville, les couvents, les marchands flamands ou italiens officialisent sa carrière, favorisée aussi par son mariage en 1496 avec Cornelia Cnoop, peintre miniaturiste et fille du doyen de la guilde des orfèvres. Il semble avoir fait un voyage à Gênes en 1511, et, en 1515, séjourne à Anvers, dont l’opulence et le développement accéléré vont bientôt éclipser Bruges. Le déclin de sa cité d’adoption coïncide avec l’oubli dans lequel tombe rapidement Gerard David ; en effet, Carel van Mander note en 1604 dans son Livre de peinture : « Il y avait autrefois un certain Gerard de Bruges dont je ne sais rien sinon que Pieter Pourbus le tenait en grande estime. » C’est seulement à partir de 1863, grâce aux travaux de James Weale, que la critique commence à s’intéresser à lui.

Deux de ses œuvres sont datées avec certitude : le diptyque du Jugement de Cambyse (musée de Bruges), dont un volet porte l’inscription « 1498 », et la Vierge entre les vierges (musée de Rouen), offerte par l’artiste en 1509 aux carmélites de Bruges. Un éclectisme entretenu par la fidélité médiévale à l’« exemplum » apparaît parfois, surtout au début de sa carrière : influence de Jan Van Eyck* sur le Triptyque de la Vierge (Louvre), de Bouts sur les Juges juifs (Anvers), de Van der Goes* et de Memling* sur les Adorations des mages de Bruxelles et de Munich.

Les œuvres de la maturité s’imposent par leur monumentalité un peu solennelle, leurs couleurs saturées, la perfection du modelé, l’expressivité sans expressionnisme des visages. Il s’agit souvent de « saintes conversations » : les Noces de Cana (Louvre), la Vierge entre les vierges (Rouen), la Vierge et trois saints avec Richard de Visch (v. 1509, National Gallery, Londres). La sobre ferveur de certaines scènes (l’Annonciation, apr. 1515, Metropolitan Museum, New York) incite à penser que David a peut-être été touché par la doctrine des Frères de la vie commune, qui prêchaient le retour à la pure doctrine de l’Évangile. La spiritualité de son art est encore renforcée par l’attention scrupuleuse portée aux détails de la vie quotidienne (la Vierge à la soupe au lait, apr. 1515, musée de Bruxelles) et par l’interprétation à la fois poétique et réaliste du paysage (Bernard Salviati et trois saints, v. 1501, National Gallery, Londres ; Triptyque de Jean des Trompes, v. 1502-1510, musée de Bruges ; le Repos pendant la fuite en Égypte, musée de Lisbonne). Il est d’ailleurs l’auteur des premiers paysages purs des écoles du Nord (revers de volets, Rijksmuseum d’Amsterdam).

Ainsi, cet esprit méditatif prélude, à travers l’éclat de la technique flamande, à la rigueur de la grande peinture hollandaise.

S. M.

 M. J. Friedländer, Die altniederländlische Malerei, t. VI : Memling und Gerard David (Berlin, 1928). / Catalogue d’exposition : Gerard David, Bruges (1949).