Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

danse (suite)

Quelques verbes et leur acception chorégraphique

Battre, exécuter un saut battu. Détailler, mettre en valeur chaque geste, chaque pas. Enchaîner, exécuter certains pas isolés les uns à la suite des autres sans interruption. Fondre, raccorder harmonieusement plusieurs éléments. Forcer, donner plus d’amplitude à un geste, plus d’intensité à une interprétation. Grouper, ramener les jambes pliées à la hauteur du torse, soit en sautant, soit sur le sol. Marquer, esquisser les pas au cours d’une répétition. Ouvrir, forcer l’en-dehors ; élargir le mouvement. Passer, quitter une position pour en prendre une autre. Piquer, poser directement la pointe sur le sol. Pousser, aller au-delà de l’attitude normale. Serrer, contrôler une position. Soutenir, maintenir une attitude, un rythme. Tomber, porter le poids du corps sur l’autre jambe.


Les théories et l’en-dehors

La danse a évolué et est devenue plus complexe ; le nombre des pas employés s’est considérablement accru. Les maîtres à danser, italiens, puis français, vont alors tenter de codifier les pas, les attitudes.

L’élément essentiel de la danse académique est l’en-dehors. Utilisé sans doute par la plupart des danseurs, il a été ensuite défini et précisé.

C’est à Charles Louis Beauchamp (1636-1719), maître à danser de Louis XIV, que l’on attribue le mérite d’avoir le premier recherché la définition de l’en-dehors et fixé les cinq positions fondamentales des pieds (nombre que Serge Lifar portera à sept, les deux positions supplémentaires étant dénommées par lui néo-classiques). Son travail est repris par Raoul Auger Feuillet (v. 1660/1675 - v. 1730), qui publie une Chorégraphie (1700) où est élaborée la première théorie de la future école académique française.

Moins d’un siècle plus tard, Jean Georges Noverre* (1727-1810) met tout en œuvre pour réformer le ballet. Novateur, révolutionnaire même dans ses théories, il publie ses Lettres sur la danse et sur les ballets (1760), dans lesquelles il consacre des pages remarquables à l’analyse de la technique. La danse va arriver à l’époque romantique riche de solides bases techniques, d’une tradition d’école reconnue. L’apparition des pointes est un élément de plus qui permet à Carlo Blasis* (1795-1878) de développer la virtuosité. (Cette évolution de la technicité se poursuit actuellement : certains pas et sauts qui n’étaient utilisés qu’en de rares exceptions — par des sujets très doués — sont travaillés dans les classes.) Possédant parfaitement tout le mécanisme des pas, Blasis expose sa méthode dans deux traités (Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse, 1820 ; Manuel complet de la danse, 1830) qui sont encore la base de l’enseignement.

Plus proche de nous, Michel Fokine* (v. aussi ballets russes), après avoir compris ce qu’Isadora Duncan avait apporté de neuf à la danse, énonce ses propres théories dans une lettre adressée au Times le 6 juin 1914. Rejetant les combinaisons de pas que la tradition avait rendues immuables, il déclare que chaque composition doit avoir sa propre structure. La mimique ne doit pas être uniquement faite de gestes conventionnels des mains, elle doit être une expression du corps tout entier. La danse, indépendante des autres arts, doit s’associer à eux et non être assujettie par eux.

Dans son Manifeste du chorégraphe (1935), Serge Lifar met à son tour l’accent sur l’autonomie de la danse. La musique doit être issue de la danse et non la danse de la musique ; encore faut-il que le rythme de base émane du chorégraphe lui-même. La dominante de la théorie lifarienne est la recherche de la beauté plastique.

L’en-dehors

Principe fondamental de la danse classique qui place, anormalement, les pieds les pointes tournées vers l’extérieur et les talons joints, après une rotation de la jambe de 90°, sur une même ligne.

La position normale des pieds, qui sont parallèles, limite la plupart des mouvements. Une élévation latérale de la jambe entraîne une élévation de la hanche qui fait apparaître une proéminence inesthétique. Les élévations avant atteignent en moyenne 90° en amenant un déplacement disgracieux de la ligne des hanches, et les élévations arrière atteignent environ 45° lorsque l’on conserve le buste droit.

Dans l’en-dehors, qui est une position artificielle et anormale, l’articulation de la hanche pivote vers l’extérieur, donnant une entière liberté de mouvement à l’exécutant. Principe même des cinq positions fondamentales, l’en-dehors permet en outre au danseur, après qu’il a effectué un pas ou un enchaînement, d’exécuter un autre pas ou un autre enchaînement sans être gêné dans sa reprise. En effet, chaque pas se termine de telle façon que le pied qui doit attaquer le pas suivant soit libre pour prendre la direction voulue.

L’en-dehors permet également aux pieds de se croiser sans se heurter (petite et grande batterie).


L’expressionnisme et la danse

Tendance artistique qui, au début du xxe s., s’oppose au classicisme, l’expressionnisme*, après avoir touché le théâtre, la peinture, le roman et le cinéma, atteint la danse par l’intermédiaire de l’Allemagne, où la danse classique n’avait pas véritablement fait école. Bien qu’implanté dans de grands centres comme Berlin, Dresde et Stuttgart, le ballet français et italien n’avait donné lieu à aucune véritable tradition, comme cela avait été le cas au Danemark et en Russie, où, sous l’impulsion des Français Antoine Bournonville, Jean-Baptiste Landet, puis Marius Petipa, s’étaient constituées de véritables écoles.

La danse classique — la danse d’école —, pour se structurer, a fait le vide autour d’elle ; elle s’est débarrassée de tout ce qui pourrait n’être que « verbiage » inutile, un trop grand réalisme. La beauté se recherche dans l’élégance du geste, la pureté d’une ligne. La technique à son plus haut point de rigueur est parvenue à cette sublimation. Mais la technique est-elle une fin en soi ? Peut-elle à elle seule exprimer tous les sentiments, toutes les émotions ? En s’adjoignant la pantomime — mimique conventionnelle —, la danse classique a-t-elle enfin conquis sa plénitude ? C’est contre cette étroitesse de vues que la tendance expressionniste s’élève. L’émotion est un état de conscience spontané qu’il faut pouvoir traduire d’une manière vivante et convaincante.