Damas (suite)
H. Lammens, La Syrie, précis historique (Beyrouth, 1921 ; 2 vol.). / M. Gaudefroy-Demombynes, la Syrie à l’époque des Mamelouks (Geuthner, 1923). / K. A. C. Creswell, Early Muslim Architecture, t. I : Umayyads ad 622-750 (Oxford, 1932). / N. Elisséef, la Description de Damas d’Ibn ‘Asākir (Damas, 1959). / A. S. Bagh, l’Industrie à Damas entre 1928 et 1958 (Damas, 1961).
Damas, ville d’art
Damas a joué un rôle essentiel dans l’histoire de l’art musulman, non parce qu’elle ne cessa jamais d’être métropole, mais parce que, capitale des Omeyyades, elle en fut un des promoteurs. Son passé est très ancien, et ce n’est pas par hasard si le principal monument de la ville, la Grande Mosquée, est érigé là où se sont succédé, depuis des millénaires, les lieux de culte.
La Grande Mosquée des Omeyyades
La Grande Mosquée est mise en chantier par al-Walīd, en 705, pour être le signe éclatant de la suprématie politique et du prestige moral de l’islām. Construite en dix ans, elle atteint pleinement le but recherché par l’ampleur et la majesté de ses proportions, la richesse de son décor, la splendeur de ses matériaux, l’importance de son rôle culturel.
Les souffrances qu’elle eut souvent à supporter (incendie de 1893) lui ont laissé beaucoup de sa beauté d’antan. Malgré sa fidélité aux traditions antérieures, le concours d’ouvriers d’origines diverses, ses matériaux de remploi, elle est bien la première grande réalisation architecturale qui réponde aux besoins du culte et aux prescriptions de l’islām. Précédée par des porches à vestibule et par une grande cour, bordée de portiques où s’élève un joli édicule octogonal posé sur huit colonnes corinthiennes (maison du Trésor), flanquée de minarets sur plan carré, copies des clochers syriens, c’est un long édifice couvert en plafond, à trois nefs parallèles coupées en leur milieu par une haute travée conduisant au mihrāb. En 1082, à la croisée de la nef centrale et de la travée, les Seldjoukides ont aménagé une coupole en remplacement des deux antérieures, disparues. Les arcs qui délimitent les portiques sont sur piliers, ceux de l’oratoire sur colonnes inégales, le plus souvent à chapiteaux corinthiens. Tout le sol était, à l’origine, pavé de marbre, ainsi que la partie inférieure des murs. Toutes les surfaces supérieures avaient reçu une parure de mosaïques naturalistes — à paysages et architectures, mais d’où était exclue soigneusement la vie humaine et animale —, considérées comme les plus belles du monde par leur technique, leur grâce et leur fantaisie. De tout ce décor somptueux, il ne reste plus que des fragments, d’ailleurs importants, en particulier dans la partie est.
Le Moyen Âge
Alors que la Syrie* construit traditionnellement en belle pierre, Damas, au Moyen Âge, emploie aussi le bois, voire la brique. Cette variété des matériaux peut exiger un décor dissimulateur, souvent plaqué. À l’époque de Zangī (xiie s.), la polychromie se développe, puis le xiiie s. fait retour à la pierre de taille. Les universités (madrasa) construites alors sont de formes très variées. Parmi les œuvres de cette longue période, il faut citer au moins le tombeau de Saladin, les caravansérails (khān) et les madrasa du xiiie s., Ẓahīriyya, ‘Ādiliyya et Ṣalāḥiyya.
Époque ottomane
Sous la domination turque, Damas voit la construction d’un prestigieux ensemble, le Takkiyya Sulaymāniyya (1555), réplique syrienne de l’architecture d’Istanbul*, et de nombreuses demeures, parmi lesquelles le Palais ‘Aẓm (1749), modèle accompli de la résidence citadine, avec son harem pour les femmes, son salāmlik pour les réceptions, ses bâtiments domestiques, ses cours et ses bains. Les traditions des grands ateliers ne se perdent pas ; elles s’illustrent en particulier par les céramiques dites « de Damas », parfois difficiles à distinguer de celles d’Iznik. Les noms de tissus damassés et d’armes damasquinées sont, en Occident, un écho de ces importantes industries. Le musée de Damas, qui possède aussi une belle collection d’antiques, conserve nombre de pièces éminentes des arts de l’islām.
J.-P. R.