Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dalou (Jules) (suite)

À cette face du talent de Dalou répond un goût profond de la sérénité et de la gravité. Les sujets londoniens toujours repris par Dalou, Brodeuses, Jeunes Mères, Liseuses, séduisent par l’alliance d’un réalisme discret (vêtements, coiffures), d’une noblesse dans l’attitude et d’une sorte de tristesse dans les visages. Le Monument aux travailleurs eût été le chef-d’œuvre de Dalou. L’ensemble même semble bien maladroitement composé, mais, comme en témoignent les 107 esquisses conservées au Petit Palais, à Paris, Dalou, face au Belge Constantin Meunier, plus tendu et déclamatoire dans des sujets semblables, retrouvait en sculpture la noblesse, l’émotion retenue, la compréhension même du travail qui font la grandeur de Millet* et des Le Nain*.

B. F.

 H. Caillaux, Dalou, l’homme, l’œuvre (Delagrave, 1935).

Dalton (John)

Physicien et chimiste anglais (Eaglesfield, Cumberland, 1766 - Manchester 1844).


Fils d’un humble tisserand appartenant à la secte des quakers, John Dalton est d’abord élevé à l’école de son village natal, éloigné des principaux centres intellectuels. Puis, en 1781, il s’engage avec son frère comme assistant dans une maison d’éducation de Kendal. En 1785, tous deux reprennent cette école à leur compte et ils y enseignent le latin et la grammaire anglaise aussi bien que les mathématiques. John Dalton s’intéresse également à la météorologie et rassemble des observations qu’il ne cessera de poursuivre toute sa vie et qui sont à l’origine de ses découvertes sur les gaz. En 1793, il est nommé répétiteur de mathématiques et de sciences naturelles au New College, dans la ville de Manchester, qui restera son lieu de résidence habituel. Mais, à partir de 1804, il abandonne cette fonction pour aller enseigner la chimie de ville en ville. Il devient membre de la Société royale de Londres (1822), puis associé étranger de l’Institut de France (1830).

Ses recherches portent sur une multitude de sujets. En physique, il étudie la dilatation des gaz ainsi que la compressibilité des mélanges gazeux, et il énonce, en 1801, la loi d’addition des pressions partielles. Il définit les vapeurs saturantes et détermine la pression maximale de la vapeur d’eau aux diverses températures. Il effectue également des mesures portant sur les chaleurs massiques des gaz.

Mais son principal titre de gloire est la création de la théorie atomique, sous sa forme moderne. Dans son ouvrage fondamental : New System of Chemical Philosophy, publié à Manchester en 1808, il reprend aux Anciens l’hypothèse de l’indivisibilité de la matière, mais lui donne pour la première fois une base scientifique et une forme quantitative. Supposant que les corps purs sont formés d’atomes tous identiques, il observe que cette théorie permet à la fois d’interpréter les propriétés physiques du milieu gazeux et d’expliquer les lois pondérales des combinaisons chimiques, notamment la loi des proportions définies et la loi des proportions multiples, qui porte son nom.

Dans un autre ordre d’idées, il étudie sur lui-même l’anomalie de perception des couleurs, ou dyschromatopsie, dont il est affecté, et qu’on désigne fréquemment aujourd’hui sous le nom de daltonisme. Esprit universel, il va même jusqu’à s’intéresser à la linguistique et compose une grammaire de la langue anglaise.

R. T.

 A. Smith, Memoir of Dr. Dalton and History of the Atomic Theory (Londres, 1856). / D. S. L. Cardwell (sous la dir. de), John Dalton and the Progress of Science (Manchester, 1968).

Damas

En ar. Dimachq al-Chām, capit. de la Syrie ; 800 000 hab. environ (Damascènes).



La situation

C’est la richesse de ses eaux qui explique Damas et sa remarquable continuité. Il fallait un centre urbain pour servir de capitale régionale à la Rhūṭa, région irriguée par les eaux dérivées du Baradā, au débouché oriental des chaînons du Qalamūn. Le site était tout indiqué, sur des bosses rocailleuses, non cultivables, qui bordent le fleuve au sud, à l’amont de la Rhūṭa, dans une position qui permettait ainsi de surveiller l’organisation des canaux de dérivation vers l’aval. C’est là que s’était développée la première agglomération, sans doute à l’emplacement du tell situé au sud-est de la Grande Mosquée actuelle. Pendant toute l’Antiquité, la ville est ainsi un centre notable (dont le plan de l’époque romaine se lit encore dans le tracé des rues actuelles) mais ne dépasse pas un rôle régional.

La fortune de Damas allait être liée à la conquête arabe et à l’implantation de l’islām. Sa situation, en effet, au contact des régions de culture pluviale du Levant littoral et des déserts intérieurs, approximativement sur l’isohyète de 200 mm, était éminemment favorable au développement d’une cité assurant les contacts entre les régions littorales du Croissant fertile, vouées à la vie sédentaire, et les déserts parcourus par les nomades. Elle était, des cités de la Syrie intérieure, la première à s’offrir aux Bédouins d’Arabie, qui fournissaient l’essentiel des armées musulmanes. Cette situation était propice à l’installation d’une autorité politique s’efforçant de contrôler à la fois les Bédouins du désert et les paysans du bourrelet côtier. On comprend que le calife Mu’āwiyya, fondateur de la dynastie des Omeyyades, l’ait choisie comme siège de son pouvoir et capitale, par-delà la Syrie, d’un empire qui s’étendait de l’Inde à l’Espagne.

Dès lors se fixe la physionomie urbaine de Damas. C’est avant tout un centre religieux et intellectuel de l’islām. C’est ensuite un centre politique, fonction qui se poursuivra dans un rôle de capitale provinciale à l’époque ottomane, puis de capitale nationale après la naissance de la République syrienne.

L’activité économique reste principalement fondée sur le rôle de marché régional échangeant les produits de la Rhūṭa contre ceux de la steppe, et de centre de communications, jadis point de départ du pèlerinage de La Mecque ou des caravanes qui traversaient le désert. Malgré la difficulté des relations avec la Méditerranée à travers les montagnes, cette fonction sera maintenue par la construction de la route (1863) puis du chemin de fer (1894) vers Beyrouth, par un col à 1 500 m d’altitude à travers le Liban, tandis que l’apparition de la circulation automobile apportera un regain d’activité aux relations à travers le désert par la route la plus directe vers Bagdad. L’activité industrielle reste tout à fait secondaire. Le rôle de centre de décision pour les campagnes reste limité à l’environnement rural immédiat de la Rhūṭa, où la bourgeoisie damascène a toujours investi de préférence ses ressources, et où se dessine sous son impulsion une active expansion agricole, au-delà du noyau traditionnel, grâce à une irrigation à partir de puits avec élévation par pompes à moteur.