Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alexandre III (suite)

La chute de Bismarck, le 20 mars 1890, fournit à la Russie l’occasion de rompre avec l’Autriche honnie. À l’alliance des trois empereurs, le tsar va préférer une alliance militaire franco-russe, qui prend forme à partir de 1891 et déchaîne, à Paris plus qu’à Saint-Pétersbourg, un enthousiasme délirant. Lors de la visite de la flotte française à Kronchtadt (juillet 1891), le tsar écoute, debout, la Marseillaise, cet hymne qui, vingt-cinq ans plus tard, conduira les bolcheviks à l’assaut de la Russie tsariste.

L’alliance franco-russe, dont Alexandre III ne verra pas l’épanouissement, a, dans l’immédiat, des effets bienfaisants pour la Russie. C’est en partie grâce à l’apport des capitaux français que l’économie russe prend son essor. Il est vrai que l’expansion économique a comme corollaire le développement d’une classe ouvrière de plus en plus exigeante et de problèmes sociaux sans cesse plus complexes.

Quand il meurt, le 1er novembre 1894, c’est une nation en pleine transformation qu’Alexandre III lègue à son fils Nicolas II. Mais les plus clairvoyants observateurs se demandent si les armes de l’autocrate ne vont pas se briser dans les mains du jeune souverain.

P. P.

➙ République (IIIe) / Romanov / Russie.

 C. Pobiedonostsev, Mémoires politiques, correspondance officielle et documents inédits relatifs à l’histoire du régime de l’empereur Alexandre III (trad. du russe, Payot, 1927). / E. Toutain, Alexandre III et la République française. Souvenirs d’un témoin (Plon, 1929), / M. C. Wren, The Course of Russian History (New York, 1958 ; 3e éd., 1968).

Alexandrie

En ar. al-Iskandariyya, premier port et deuxième ville d’Égypte ; 1 801 056 hab.


Située sur la Méditerranée à l’angle nord-ouest du delta du Nil, à l’extrémité de l’ancienne branche canopique, Alexandrie jouit d’un climat plus tempéré que celui du Caire. La température oscille entre 14 °C (en janvier) et 26 °C (en août). La pluviosité y approche 200 mm, tombant surtout en hiver (mais l’automne est lourd et humide), et les brises marines rendent le climat agréable, ce qui explique la migration estivale de nombreux Cairotes vers les plages alexandrines.


La création de la ville antique

Alexandrie fut fondée par Alexandre le Grand en 332 av. J.-C. ou, d’après certaines sources, à son retour de l’oasis d’Amon en 331. Il n’y avait sur le site choisi qu’une pauvre bourgade, Rhakotis, dont le port était fréquenté par les Phéniciens et qui avait été un lieu de garnison à l’époque pharaonique. À proximité, les marais du delta étaient habités par les Boukoloï, population de bergers farouches, auxquels se mêlaient tous les brigands de l’Égypte. Sur place, un sol pierreux, salin, ingrat, dépourvu d’eaux potables. Il fallait donc compter sur des citernes (il s’en construisit beaucoup) et accessoirement sur l’eau du lac Maréotis, qui devait être moins saumâtre qu’aujourd’hui. Entre la mer et ce lac, Alexandrie pouvait être la porte et le bastion de défense de l’Égypte, mais en demeurant à l’écart de la vallée du Nil ; il était entendu qu’elle se juxtaposait à l’Égypte, sans s’y intégrer : Alexandrea ad Ægyptum, Alexandrie près de l’Égypte.

On ne sait si Alexandre avait souhaité être enseveli dans cette ville. Toujours est-il que sa dépouille y fut ramenée par les Ptolémées avec tous les honneurs dus à des reliques.

La ville s’étendait au long de la mer et s’accrochait à quelques collines. À l’ouest le vieux quartier indigène de Rhakotis, à l’est le quartier royal (Brouchion), puis le quartier juif, puis les faubourgs. En face, l’îlot rocheux de Pharos, qui fut bientôt relié au continent par un pont, l’Heptastadion. Ce pont, qui séparait les deux ports, le Grand Port à l’est et l’Eunostos à l’ouest, est remplacé aujourd’hui par un large tombolo.

Alexandre le Grand avait confié à l’architecte Dinocratès, de Rhodes, le soin de tracer le plan de la ville : ce fut un damier de larges avenues selon la manière des urbanistes de ce temps.

L’ensemble était ceinturé de remparts, qui jouèrent efficacement leur rôle jusqu’à leur démolition, au ixe s. Selon Tacite, ils avaient été l’œuvre de Ptolémée Ier, mais les fouilles n’ont pas confirmé cette ancienneté de façon absolue et n’ont donné qu’une idée vague de leur tracé.

Les recherches ultérieures, menées par les conservateurs successifs du Musée gréco-romain, ont permis de découvrir des vestiges du Serapeum, mais elles ont surtout porté sur les nécropoles, nombreuses dans les alentours : la plus spectaculaire est, au sud, celle de Kūm al-Chaqāfa, la « colline des tessons ». Dernièrement, des fouilles polonaises ont dégagé un théâtre en marbre au sud du Brouchion.

Si l’on veut se faire une idée des principaux monuments d’Alexandrie, il faut se tourner vers les auteurs anciens. Strabon énumère une partie des édifices : le fameux phare qui a hérité du nom de l’île qui le porte, les palais royaux, de l’autre côté du port, sur le cap Lochias, et, au-delà de ceux-ci, le théâtre, le Timonium bâti par Antoine, le Cesareum construit par Cléopâtre en mémoire de César ; beaucoup plus à l’intérieur, le Serapeum, qui semble dominer la ville, l’amphithéâtre et le stade du quartier de Nikopolis, le gymnase, le Paneum, colline artificielle dans laquelle on monte par un escalier intérieur. Deux édifices ont bénéficié d’un prestige tout particulier et ont marqué la vie alexandrine : le Serapeum et le Musée.


Les temples

L’origine du culte, typiquement alexandrin, de Sérapis, est obscurcie par la légende. Son temple, le Serapeum, était de beaucoup le plus grand d’Alexandrie. Il était situé sur une colline, aux abords de Rhakotis, là où l’on voit la colonne de Dioclétien. C’était une enceinte carrée, close de murs, et dans laquelle se trouvaient divers sanctuaires de Sérapis et des dieux qui lui étaient associés, Isis et Harpocrate. Les fouilles ont permis de découvrir des plaques de fondation, en une collection de matériaux différents, allant de l’or à la faïence et attestant les constructions successives. Outre les sanctuaires, l’enceinte contenait des habitations de prêtres, des portiques, une bibliothèque.