Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cyclisme (suite)

Paris-Rouen marque le début de la compétition et, d’emblée, le sport cycliste se donne une dimension héroïque. Pendant une vingtaine d’années, ses manifestations adoptent des formules quelque peu anarchiques. On assiste alors en Europe et en Amérique à une série de défis, de paris et de handicaps invraisemblables relatés sur un ton épique par une presse spécialisée déjà forte d’une quinzaine de revues. Les amateurs de sensations racontent la traversée du Niagara en vélocipède sur une corde tendue ; les puristes prétendent que la course Paris-Rouen a eu un précédent historique entre Toulouse et Caraman ; les techniciens ouvrent des querelles sur les mérites comparés du vélocipède et du bicycle géant. L’un des premiers chantres de l’effort cycliste, Jean Richepin, consacre alors des lignes euphoriques au « Pégase à pédales » : « Il est vrai que l’étrange animal m’a conquis du coup et que je ne dévélocipède plus. Voler, le corps en souple équilibre, les muscles en action frénétique et rythmée, la sueur bue par le vent, les poumons gorgés d’oxygène, c’est une volupté tout bêtement. » À la fin du xixe s., le sport cycliste est en plein essor. À partir de 1880, on essaie un peu partout de l’organiser. L’Union vélocipédique de France (devenue Fédération française de cyclisme [F. F. C] après 1940) est créée en 1881 et reconnue d’utilité publique en 1920. Dans chaque pays d’Europe, l’exemple est suivi et, sur une initiative de la Belgique, de la France et de la Suisse, l’Union cycliste internationale (U. C. I.) est fondée en 1900 pour donner au monde cycliste des structures solides et respectées.

Il est bien temps, car des découvertes techniques innombrables encouragent constructeurs et organisateurs à créer des épreuves nouvelles. En 1891, on assiste à la première édition de Bordeaux-Paris, de Liège-Bastogne-Liège et, surtout, de Paris-Brest-Paris. C’est dans Paris-Brest-Paris qu’est démontrée la supériorité du pneumatique grâce à la victoire du Français Charles Terront sur une machine équipée de « démontables » Michelin. L’association sport-industrie conduit inéluctablement à la création d’un cyclisme professionnel.


Les règles

En 1970, soixante et onze nations sont affiliées à l’Union cycliste internationale, qui organise, chaque année, des championnats du monde sur route et sur piste. C’est surtout en Europe que le sport cycliste se manifeste avec éclat. La réglementation sportive et technique du cyclisme français (30 000 licenciés en 1970) s’exprime chaque année en un manuel de 250 pages. Mais, en fait, les règles du sport cycliste sont d’une grande simplicité. Elles précisent (art. 640) que les bicyclettes de tous genres sont admises, munies ou non d’accessoires tels que changements de vitesse, freins, etc., à la condition qu’elles fonctionnent par la seule force de l’homme, qu’elles ne comportent aucun dispositif destiné à diminuer la résistance de l’air et qu’elles n’offrent pas un encombrement supérieur à deux mètres de longueur et soixante-quinze centimètres de largeur pour les machines à une place et à une voie. Les règlements attribuent la victoire au concurrent ayant couvert une distance donnée sur un parcours donné dans les moindres temps. Des commissaires, suivant la course à motocyclette ou à bord de voitures, surveillent le comportement des coureurs, qui, notamment, n’ont pas le droit « de se livrer sur un concurrent à des manœuvres déloyales ayant pour but de l’empêcher de défendre régulièrement ses chances, telles que poussées, tirages par le maillot ou par la selle, etc. ». La violation de ces règles entraîne des sanctions qui vont de la simple amende au déclassement, voire à la suspension à terme ou définitive, du coureur pris en défaut. D’une façon générale, les règlements cyclistes évoluent vers une plus grande souplesse et une plus grande simplicité. Cette tendance est la conséquence de l’évolution de la course cycliste, où la notion de vitesse remplace peu à peu la notion de résistance et de durée. Sur des parcours souvent accomplis à des moyennes horaires supérieures à 40 km, il est devenu nécessaire de réduire les contraintes naguère imposées aux coureurs. L’application de règles surannées comme la non-assistance à un coureur retardé par un incident mécanique est devenue impossible. Un coureur pouvait, autrefois, s’accorder un retard de 3 ou 4 mn parce que ses adversaires roulaient à une moyenne horaire de 30 ou 35 km. Désormais, un coureur pénalisé d’une minute risque la défaite et l’élimination parce que ses adversaires progressent à 45 km/h. Pour réduire la part de la malchance et de l’injustice, les coureurs sont maintenant assistés dans les grandes compétitions par des mécaniciens en cas de panne et par un service médical en cas d’accident.

Les coureurs doivent aussi respecter le Code de la route, même si des mesures spéciales sont appliquées à la circulation en faveur de toutes les compétitions officielles par les forces de police et de gendarmerie. En fait, les routes empruntées par les courses cyclistes sont momentanément fermées au trafic normal. Depuis 1965, les pouvoirs publics, assaillis par les problèmes de la circulation automobile, surtout en France, sont contraints de réduire sensiblement le nombre des décrets autorisant l’utilisation des routes pour les compétitions sportives. Ces restrictions constituent un obstacle au développement sinon à la survie du cyclisme sur route.

En dehors des modalités d’application d’un certain nombre de dispositions techniques, les règlements déterminent aussi la qualité des coureurs cyclistes. Cette préoccupation consiste à établir une discrimination entre cyclistes amateurs et cyclistes professionnels. Elle est d’autant plus vaine que l’amateurisme, au sens olympique du terme, n’existe pas en cyclisme, puisque la plus petite course de débutants est dotée de prix en espèces (en 1970, dix millions de francs de prix environ ont été versés officiellement aux seuls « amateurs » français). Courageusement, l’Union vélocipédique de France avait voulu imposer en 1920 la « licence unique » en supprimant les catégories des amateurs et des professionnels et en classant ses coureurs par catégories d’âge. Mais l’Union cycliste internationale avait formellement condamné cette initiative. Le maintien du cyclisme au programme des jeux Olympiques, particulièrement défendu par les pays d’Europe de l’Est, où le sport professionnel n’est pas reconnu, favorise la tricherie de certains athlètes qui conservent officiellement leur statut d’amateur tout en gagnant des sommes d’argent importantes par la pratique de leur sport.