Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Curie (Pierre et Marie) (suite)

Marie Curie poursuit l’œuvre commune

Marie Curie remplace Pierre dans sa chaire à la Sorbonne ; c’est la première fois qu’une femme occupe un tel poste. Elle poursuit l’œuvre commune et se voit attribuer, cette fois seule, le prix Nobel de chimie en 1911. Pendant la Première Guerre mondiale, elle organise les services radiologiques aux armées. Et, en 1921, c’est la création de la Fondation Curie, département des applications thérapeutiques et médicales de l’Institut du radium, lui-même fondé dès 1909.

Mais l’émanation du radium, dans l’ambiance de laquelle elle vivait depuis tant d’années, a finalement raison de la santé de Marie Curie, qui, frappée d’anémie pernicieuse, s’éteint dans un sanatorium de Sancellemoz.

C’est en mémoire de ces deux illustres savants que le nom de curie a été adopté pour désigner l’unité de radio-activité et que l’élément chimique numéro 96 a été baptisé curium.

Les conditions de la recherche scientifique

Marie Curie déclarait à la séance de commémoration du vingt-cinquième anniversaire de la découverte du radium : « Il est vrai que la découverte du radium a été faite dans des conditions précaires, et le hangar qui l’a abritée apparaît revêtu du charme de la légende. Mais cet élément romanesque n’a pas été un avantage ; il a usé nos forces et retardé les réalisations. Avec des moyens meilleurs on eût pu réduire à deux ans les cinq premières années de notre travail et en atténuer la tension. » Et ailleurs : « Tout le matériel se composait de vieilles tables de sapin usées, sur lesquelles je disposais mes précieux fractionnements de concentration de radium. N’ayant aucun meuble pour y enfermer les produits radiants obtenus, nous les placions sur des tables ou sur des planches, et je me souviens du ravissement que nous éprouvions lorsqu’il nous arrivait d’entrer la nuit dans notre domaine et que nous apercevions de tous côtés les silhouettes faiblement lumineuses des produits de notre travail. »

La science et la guerre

« On peut concevoir que dans des mains criminelles le radium puisse devenir très dangereux, et ici on peut se demander si l’humanité a avantage à connaître les secrets de la nature, si elle est mûre pour en profiter, ou si cette connaissance ne lui sera pas nuisible. L’exemple des découvertes de Nobel est caractéristique. Les explosifs puissants ont permis aux hommes de faire des travaux admirables. Ils sont aussi un moyen terrible de destruction entre les mains des grands criminels qui entraînent les peuples vers la guerre. Je suis de ceux qui pensent avec Nobel que l’humanité tirera plus de bien que de mal des découvertes nouvelles. »

C’est par ces paroles que Pierre Curie termina la conférence qu’il avait faite à Stockholm à l’occasion du prix Nobel.

R. T.


Le collaborateur de Pierre et Marie Curie


André Louis Debierne,

chimiste français (Paris 1874 - id. 1949). Ancien élève de l’École de physique et de chimie de Paris, il en deviendra directeur, puis succédera à Marie Curie à la direction de l’Institut du radium. En collaboration avec Marie Curie, il réussit à isoler le radium métallique grâce à l’électrolyse de son chlorure avec emploi d’une cathode de mercure (1910). Auparavant, en 1899, il avait découvert un élément radio-actif, l’actinium. Il étudia par la suite les émanations gazeuses des divers radio-éléments.

 Marie Curie, Pierre Curie (Payot, 1924). / E. Curie, Madame Curie (Gallimard, 1938). / E. Cotton, les Curie (Seghers, 1963). / G. Collignon, Marie Curie (Gérard, Verviers, 1964).

curiethérapie

Application thérapeutique du radium, particulièrement en ce qui concerne les tumeurs malignes. (Syn. : radiumthérapie, gammathérapie.)


Par extension, emploi des corps radio-actifs artificiels, tels que le cobalt 60 ou l’iridium 192. (Ces dernières applications sont parfois désignées sous le nom de joliothérapie.)

Les radio-éléments naturels et artificiels émettent trois sortes de radiations : rayons alpha (corpuscules positifs α), rayons bêta (électrons β) et rayons gamma (vibrations électromagnétiques γ), ces derniers, analogues aux rayons X, mais de plus courte longueur d’onde, donc ayant un pouvoir de pénétration plus considérable dans les tissus vivants. Ces rayons gamma seront utilisés en curiethérapie. Les rayons alpha et bêta sont éliminés par filtration : les parois des récipients, tubes ou aiguilles, contenant les corps radio-actifs sont en métal, dont la nature et l’épaisseur sont calculées pour arrêter les radiations et ne laisser filtrer que les radiations γ. La gammathérapie s’applique suivant trois techniques principales :
— l’endoradiothérapie, couramment désignée sous le terme de curiepuncture (c’est, à proprement parler, une radiothérapie interstitielle) ;
— la plésioradiothérapie, où la source d’irradiation est au contact ou à courte distance de la tumeur (c’est le cas de la curiethérapie endocavitaire) ;
— la curiethérapie externe à petite distance focale. (La télécuriethérapie à grande distance focale par bombe contenant plusieurs grammes de radiumélément a été abandonnée en faveur de la bombe au cobalt tant pour des questions de prix qu’en raison des difficultés de protection.)

• La curiepuncture. En ce qui concerne le radium, des aiguilles métalliques creuses en or, en platine iridié ou en alliage spécial à base de nickel et de cuivre, dont les parois sont épaisses de 0,5 mm, contiennent en leur centre le radium sous forme de sulfate, de bromure ou de chlorure, cette poudre étant répartie dans une ou plusieurs cellules. L’épaisseur de la paroi assure une filtration efficace du rayonnement en même temps qu’elle apporte une rigidité suffisante pour permettre l’implantation intratumorale. Les aiguilles sont disposées de façon à réaliser un champ d’irradiation aussi homogène que possible. La dosimétrie de ces applications pose des problèmes complexes. Il est nécessaire d’établir un réseau d’isodoses soit par le calcul, soit par des appareils détecteurs de radiations ionisantes : microchambres d’ionisation, compteurs de Geiger-Müller. Des tables (Paterson, Quimby) ont été établies pour les usages les plus courants. Ajoutons que, si cette dosimétrie théorique est indispensable, les résultats thérapeutiques dépendent pour une bonne part de l’expérience du curiethérapeute.