Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cubisme (suite)

Introduisant la couleur et utilisant les grands plans constructifs dans ses natures mortes (à l’équerre, à la mappemonde, à la bouteille de térébenthine), il aboutit, avec la Conquête de l’air (1913, Museum of Modern Art, New York), l’Homme assis (1914, coll. part.), le 14-Juillet (étude au musée national d’Art moderne), à une conception sobrement figurative du cubisme, renouant ainsi avec la tradition française d’équilibre et de rigueur d’un Fouquet ou d’un Poussin. Séparé de ses camarades par la guerre et par la maladie qu’il contracte au front, il revient après 1918 à une manière plus naturaliste.


Fernand Léger*

Installé à la Ruche, il se lie avec Apollinaire, Reverdy, Cendrars, le Douanier Rousseau. Son admiration pour Cézanne l’incite à la simplification des formes (la Couseuse, 1909, Museum of Modern Art, New York), puis à des recherches sur la composition par entassement de volumes cylindriques et coniques (Nus dans la forêt, 1909-10, musée Kröller-Müller, Otterlo). La rencontre, en 1910, de Picasso et de Braque le libère de l’emprise cézannienne et lui inspire une manière plus linéaire, formulée bientôt en aplats de couleurs pures. La construction pyramidale de la Femme en bleu (1912, musée de Biot) est un emprunt au cubisme analytique, mais on y note aussi un rythme dynamique et une préoccupation mécaniste qui caractériseront les œuvres ultérieures de Léger.

Une série de toiles exécutées vers 1913 (Contrastes de formes) va jusqu’à l’abstraction. « Ce n’est pas une fin en soi ; simplement un moyen de désintoxication et de nouveau départ pour de nouvelles conquêtes, un moyen de se parfaire. » L’amour du réel, le mépris de tout romantisme de Léger s’affirment pendant la Première Guerre mondiale, le laissant « ébloui par une culasse de 75 ouverte en plein soleil ». Gazé à Verdun, puis réformé, il peint pendant sa convalescence la Partie de cartes (1917, musée Kröller-Müller, Otterlo), inaugurant une période dite « mécanique », où le dynamisme inventif des formes « tubistes » équilibre le statisme de la composition (les Disques, 1918, musée d’Art moderne de la ville de Paris ; la Ville, 1919-20, musée de Philadelphie). Doué d’un tempérament puissant, Léger a développé ses recherches plus parallèlement que conjointement au cubisme, qui l’a libéré, cependant, de toute convention picturale et l’a aidé dans sa quête de la richesse plastique du monde moderne.


Jacques Villon

(Gaston Duchamp*, dit). Il dessine pour les journaux satiriques et peint dans le style postimpressionniste, puis dans le style fauve jusqu’à son adhésion au cubisme analytique en 1911. Il participe aux dîners de Passy et aux mardis de la Closerie des Lilas. Ses toiles sont divisées selon le procédé de la Section d’Or ; le mouvement du même nom se constitue autour de lui. À Puteaux, l’atelier qu’il partage avec son frère Raymond Duchamp-Villon est l’un des foyers du cubisme : Gleizes, Delaunay, La Fresnaye, Léger, Kupka, etc., s’y retrouvent. Ses préoccupations le poussent, comme son frère Marcel, vers l’expression du mouvement (Soldats en marche, 1913 ; Cheval de course, 1922), mais aussi vers un chromatisme très subtil. Dans sa longue carrière, Villon n’abandonnera jamais, même à travers ses expériences abstraites, un cubisme personnel fondé sur les « valeurs-couleurs » et leurs dissociations prismatiques.

Autour du cubisme, en subissant la tentation et s’inspirant plus ou moins longtemps de ses théories, gravitent encore un certain nombre d’artistes de l’école de Paris : Roger Bissière* (1888-1964), Maria Blanchard (1881-1932), Emmanuel Gondouin (1883-1934), Henri Hayden (1883-1970), dont l’importance est de plus en plus reconnue, Marie Laurencin (1885-1956), Alfred Reth (1884-1966), Léopold Survage (1879-1968), Georges Valmier (1885-1937), etc.

L’expressionnisme* germanique comme les expressionnismes scandinave, flamand et latino-américain adoptent cette organisation autoritaire de l’espace, où se distinguent August Macke (v. Blaue Reiter), Lyonel Feininger (1871-1956), Diego Rivera (1886-1957)...

Enfin, les déviations du cubisme vers le futurisme* et l’abstraction* engendrent des mouvements cohérents, tels le vorticisme* de Percy Wyndham Lewis, le purisme* d’Amédée Ozenfant et d’Édouard Jeanneret (v. Le Corbusier), le néo-plasticisme de Mondrian* et de Théo Van Doesburg, le suprématisme de Malevitch*.

S. M.

Chronologie du cubisme

1906

Renouvellement de l’art des fauves au contact de l’art nègre. Derain donne à son panneau des Baigneuses certains traits précubistes qui seront sans suite dans son art.

Picasso, après avoir passé l’été à Gosol, exécute les premières esquisses des Demoiselles d’Avignon, inspirées par les pensionnaires d’une maison de passe, rue d’Avignon à Barcelone.

Juan Gris arrive à Paris et s’installe 13, rue Ravignan, à Montmartre, dans un immeuble d’ateliers dénommé par Max Jacob le « Bateau-Lavoir » et où logent Picasso, Mac Orlan, Salmon, Gargallo, puis Reverdy.

1907

Picasso termine les Demoiselles d’Avignon.

Paysages cézanniens de Braque à La Ciotat et à l’Estaque.

Rétrospective de Cézanne au cinquième Salon d’automne (56 œuvres) et publication de ses lettres à Émile Bernard.

Influence de Cézanne sur de nombreux jeunes peintres : Fernand Léger, André Lhote.

Ouverture de la galerie Kahnweiler rue Vignon.

Rencontre Picasso-Braque.

1908

Picasso organise dans son atelier un banquet en l’honneur du Douanier Rousseau.

Géométrisation cézanienne chez Braque à l’Estaque.

Développement du groupe du Bateau-Lavoir : Apollinaire, Braque, Juan Gris, Max Jacob, Kahnweiler, Marie Laurencin, Metzinger, Picasso, Princet, Raynal, André Salmon, Gertrude et Leo Stein.

Passage Dantzig, dans l’immeuble dit « la Ruche », un autre groupe se constitue autour de Fernand Léger, d’André Mare, d’Archipenko ; ces artistes se lient avec Apollinaire, Max Jacob, Reverdy.

Le jury du Salon d’automne refuse cinq toiles de Braque sur sept (Matisse parle à leur sujet de « petits cubes ») et une toile de Lhote, la Grappe. Braque retire tout son envoi et n’exposera plus à ce Salon jusqu’en 1920.

Séjour de Picasso à La Rue-des-Bois (Oise) : cubisme cézannien.

Exposition Braque chez Kahnweiler : préface d’Apollinaire.

1909

Extension du cubisme cézannien chez Delaunay, Gleizes, Herbin, Le Fauconnier, Léger, Lhote, Metzinger, Picabia.

Ralliement des sculpteurs Archipenko et Brâncuşi.

Delaunay expose un autoportrait au Salon des indépendants.

Braque expose pour la dernière fois à ce Salon ; il n’y reviendra qu’en 1920.

Vacances de Braque à La Roche-Guyon, de Picasso à Horta de San Juan (ou « de Ebro »), où il fait la synthèse des styles nègre et cézannien.

Septième Salon d’automne : Léger, Metzinger, Brâncuşi, Le Fauconnier.

Picasso quitte le Bateau-Lavoir pour le boulevard de Clichy, expose chez Vollard (dernière exposition parisienne jusqu’en 1929) et chez Thannhauser à Munich.

Larionov* organise à Moscou une exposition d’avant-garde française.

Bref séjour de Braque et de Derain à Carrières-Saint-Denis.

1910

Développement du cubisme analytique chez Braque et Picasso. Les autres artistes pratiquent encore un cubisme cézannien.

Adhésion au cubisme du sculpteur Csáky, des trois frères Duchamp (Gaston, dit Jacques Villon, Raymond, dit Duchamp-Villon, et Marcel), de Roger de La Fresnaye et de Marcoussis.

Léger rencontre chez Kahnweiler Braque et Picasso.

Salon des indépendants : Delaunay, M. Duchamp, Gleizes, Le Fauconnier, Léger, Lhote, Metzinger et les sculpteurs Archipenko, Brâncuşi et Duchamp-Villon.

Braque passe l’été à l’Estaque, Picasso à Cadaquès avec Derain, que tente un instant le cubisme.

Picasso : série de portraits (Uhde, Vollard, Braque, Kahnweiler).

Salon d’automne : M. Duchamp, La Fresnaye, Gleizes, Le Fauconnier, Léger, Metzinger, Picabia et Duchamp-Villon.

L’Association des artistes de Munich, organisée par Kandinsky, expose des œuvres cubistes.

Exposition André Lhote à la galerie Druet.

1911

Premières œuvres cubistes de Juan Gris.

Formation du groupe de Puteaux (les Duchamp, Gleizes, La Fresnaye, Léger, Metzinger, Picabia, Kupka). Lieu de réunion : l’atelier de Jacques Villon, 7, rue Lemaître, à Puteaux. Ces artistes s’engagent déjà sur la voie de l’abstraction et organisent le premier Salon de la Section d’Or.

Georges Valmier et Serge Férat se rapprochent du mouvement.

Première exposition d’ensemble des cubistes au Salon des indépendants ; dans une même salle : Delaunay (Tour Eiffel, 1910), Gleizes, Le Fauconnier, Marie Laurencin, Léger (Nus dans la forêt, commencé en 1909), Metzinger ; ailleurs : M. Duchamp, La Fresnaye (le Cuirassier), Kupka, Reth, Picabia, Lhote. Violentes attaques dans la presse.

Exposition cubiste au Cercle des indépendants à Bruxelles.

Première exposition Picasso aux États-Unis, à la Photo Sécession Gallery de New York.

Gris, Picasso et le sculpteur Manolo passent l’été à Céret, qualifié ensuite de « Mecque du cubisme ».

Mondrian s’installe à Paris (1911-1914).

Salon d’automne ; les cubistes sont réunis dans une même salle : Gleizes, M. Duchamp, Kupka, La Fresnaye, Le Fauconnier, Léger, Lhote, Metzinger, Picabia, Reth, J. Villon, Archipenko, Csáky et Duchamp-Villon.

Delaunay participe à la première exposition du Blaue Reiter à Munich.

1912

Généralisation de l’influence cubiste sur des étrangers fixés à Paris : adhésion du Russe Léopold Survage, du Néerlandais Mondrian, du Mexicain Diego Rivera.

Expositions cubistes en Europe : à la galerie Dalmau à Barcelone, au Sturm à Berlin, au Sonderbund à Cologne, au Blaue Reiter à Munich, au Valet de Carreau à Moscou, à la Kunsthaus à Zurich, à la deuxième exposition postimpressionniste de Londres.

Papiers collés et collages de Braque et de Picasso. Retour à la couleur et à une certaine lisibilité.

Delaunay et Lotiron peignent la cathédrale de Laon.

Première exposition Léger chez Kahnweiler.

Première exposition Delaunay et Marie Laurencin à la galerie Barbazanges.