Alès (suite)
Le xixe s. a marqué aussi l’apogée du textile. En 1850, près de 50 ateliers filent la soie. En 1932, la dernière usine ferme ses portes. L’installation d’une fabrique de sous-vêtements (dont le siège est à Nîmes) reflète mal la splendeur passée de la sériciculture. Les entreprises les plus importantes sont la Société des ateliers et fonderies de Tamaris, les Établissements Richard-Ducros (charpentes métalliques), Saltel (articles chaussants). À quelques kilomètres d’Alès, Salindres, berceau de la firme Pechiney, fournit des produits fluorés et de l’alumine. L’importance des salariés peut faire illusion dans un Languedoc peu industrialisé, mais les industries de pointe dédaignent Alès.
La courbe de population traduit bien la réalité économique. Dans le premier quart du xixe s., la ville ne compte pas plus de 10 000 habitants, mais, sous le second Empire, la population double, non par le jeu d’un solde naturel positif, mais grâce à la descente des montagnards qui quittent les hauts cantons cévenols pour le carreau de la mine et la métallurgie. Le marasme de la sériciculture explique la stagnation démographique qui se poursuit jusqu’en 1890. Les 30 000 habitants sont atteints à la veille de la Première Guerre mondiale, la couronne de bourgades rurales s’industrialise et se peuple, Salindres et La Grand-Combe plus rapidement qu’Alès. Le repli et l’afflux de travailleurs chassés des mines du Nord permettent de compter 40 000 habitants entre les deux guerres, mais la population baisse et le chiffre de 1962 est inférieur à celui de 1926 ; seuls les derniers recensements montrent une reprise.
Les étapes de la croissance se marquent dans la morphologie urbaine. La ville est née sur la butte qui domine le méandre du Gardon et la « Prairie », longtemps zone maraîchère. Le site originel s’inscrit en amphithéâtre, du fort Saint-Jean à la boucle du fleuve. La ville s’étend ensuite vers la gare et les constructions gagnent la rive droite. Le quartier de Tamaris reste « populaire », alors que Chantilly, en position d’adret, conserve sa vocation résidentielle. Depuis une dizaine d’années, un important effort de rénovation est en cours, les quartiers neufs remplaçant les îlots de bâtiments vétustés et insalubres. Alès a perdu sa réputation de ville minière, sombre et malsaine, où Espagnols et Italiens, immigrants d’Europe centrale et d’Afrique du Nord peuplaient les taudis.
Alès est le centre d’une petite agglomération qui, avec notamment Salindres, regroupe environ 90 000 habitants, mais sa position demeure marginale, à l’écart du couloir rhodanien et de l’axe urbain languedocien. Son aire d’attraction s’exerce sur la montagne beaucoup plus que vers le plat pays, d’un accès plus facile mais gravitant dans la zone d’influence de Montpellier et de Nîmes.
R. D. et R. F.
