Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Crète (suite)

Autour du palais lui-même se groupe à la même époque une vaste agglomération urbaine, dont on est loin d’avoir percé tous les secrets. À Mália, par exemple, furent mis au jour deux importants ensembles originaux. Le premier est considéré par le fouilleur comme une place publique avec, à proximité, le lieu de réunion souterrain de deux assemblées. Le second, dont 1 500 m2 avaient été dégagés en 1970, consiste en un complexe de bâtiments particulièrement riche et bien ordonné, qui ne semble pas, toutefois, présenter le caractère d’un palais.


Les arts

Si donc il est patent que le minoen moyen a vu l’apparition d’une architecture monumentale, on ne possède point encore de vestiges d’une grande peinture. En revanche, la céramique des premiers palais, qui nous est bien connue, témoigne d’un sens créateur absolument nouveau et extrêmement vigoureux. Les fabriques de Knossós et de Phaistos ont produit des vases dont les formes comme le décor sont révolutionnaires : amphores à col ovoïde, coupes et vases aux ornements plastiques, gobelets et tasses aux parois en « coquille d’œuf ». Ces nouveautés, dont certaines constituent des prouesses technologiques, sont mises en valeur par des motifs de volutes, de spirales, de torsades, agrémentés d’animaux stylisés et organisés en une polychromie mouvementée. Le style de Kamáres (ou Camarès) [du nom de la grotte où de nombreuses œuvres de ce type ont été trouvées] marque donc un des grands moments de l’art minoen.

La plastique protopalatiale reste assez fruste ; en revanche, la glyptique atteint très vite un haut degré de maturité. Les scènes animales, les motifs géométriques, alternant avec les premiers signes d’une écriture nouvelle, dite « hiéroglyphique » ou « pictographique », elle-même des plus décoratives, ornent, souvent avec grande finesse, sceaux, intailles, pierres gravées de toutes sortes.

Le traditionnel travail de la pierre n’a rien perdu de sa qualité, comme en témoigne la longue série des rhytons (vases de libation) trouvés dans le « trésor » de Zákros et la belle hache d’apparat, terminée en protomé de léopard, découverte dans le palais de Mália. Quant à la métallurgie, elle a remarquablement progressé, sans doute grâce aux informations rapportées des ateliers orientaux, plus avancés. À Mália ont été découverts des épées d’apparat au pommeau richement orné et, récemment (1967), un élégant poignard dont la lame de bronze est prolongée par un manche d’or fin travaillé en résille. De la nécropole royale de Mália provient le plus célèbre des bijoux minoens, le pendentif aux abeilles : deux abeilles (ou guêpes) tiennent suspendu entre leurs pattes leur gâteau de miel, tandis que, de chaque côté, deux ailes déployées assurent l’équilibre du bijou (musée d’Iráklion).


Splendeur des seconds palais

Sitôt détruits par quelque catastrophe, naturelle ou politique, les palais crétois sont reconstruits sur leur emplacement. D’autres édifices viennent s’ajouter à eux, tels ce quatrième palais récemment mis au jour à Zákros, les « villas royales » de Tylissos et d’Ághia Triádha, des cités entières comme Ghourniá.

Dans l’éclosion de tous les arts qui accompagne cette renaissance, Knossós occupe une place de choix. L’architecture du nouveau palais et des bâtiments environnants témoigne de l’imagination de son architecte légendaire, Dédale. Les pièces d’apparat — les mégara à la crétoise — s’ouvrent par de vastes baies vers l’extérieur ou sur des puits de lumière médians. Des escaliers monumentaux, bordés de colonnes « renversées » (la partie la plus large en haut), conduisent dans les divers quartiers de l’édifice de la double hache, le labyrinthe (labrys signifie « double hache »).

Dès 1600 av. J.-C., Knossós voit ses murs se couvrir de fresques monumentales. Les unes montrent des processions, longues suites d’officiants portant des vases sacrés ; d’autres illustrent des scènes courtoises, où la femme joue un rôle important. La nature, le monde animal sont représentés, eux aussi, dans des couleurs chatoyantes, où l’esthétique prend souvent le pas sur le réalisme. Rien d’étonnant à ce que le célèbre « Prince aux fleurs de lys » et la mutine « Parisienne » aient soulevé l’admiration générale lors de leur découverte au début du siècle.

Tandis que la grande plastique continue à faire défaut, l’époque des seconds palais se distingue par son sens de la petite plastique et surtout du relief. D’étranges statuettes, comme les déesses aux serpents, des vases rituels en forme de tête de taureau et de léopard, la silhouette gracieuse d’un athlète en plein vol, réalisée en ivoire, sont autant de témoins de la vigueur et de l’originalité créatrice des artistes minoens.

C’est au site d’Ághia Triádha que l’on doit les reliefs les plus réussis : empreintes de sceau ou pierres taillées, mais surtout décors de vases en stéatite (pierre noire d’origine volcanique). L’un d’eux déroule devant nos yeux la marche joyeuse de moissonneurs ; un autre représente un personnage droit, cambré, qui tient devant lui un sceptre et s’adresse peut-être à un subordonné ; un troisième illustre des exercices sportifs et une tauromachie. Plénitude, maturité sont les termes qui caractérisent le mieux l’art minoen de cette époque.


La révélation de Mycènes

Tandis que les Crétois connaissaient leurs siècles de gloire, un autre peuple, parlant, lui, sans doute, la langue grecque et installé en Argolide, y édifiait des cités et donnait le jour à une civilisation remarquable elle aussi : la civilisation mycénienne. Certes, les Mycéniens doivent beaucoup aux Minoens, dont l’influence, tantôt active (exportation, rayonnement), tantôt passive (razzias mycéniennes en Crète à l’époque intermédiaire entre les anciens et les nouveaux palais), fut, en tout cas, déterminante.

Les premiers témoignages de l’art mycénien que nous connaissions nous furent révélés dès 1876 par les trouvailles de Schliemann. Le pionnier autrichien mit au jour les spectaculaires masques d’or, assurément façonnés sur le visage même du défunt, dont les Mycéniens parèrent quelques-uns de leurs rois morts. À côté de ces fascinantes parures gisaient des feuilles de métal précieux ornées de boucles et de volutes en relief, d’inspiration typiquement minoenne. Mais ce premier « cercle de tombeaux » de Mycènes (un second a été fouillé à partir de 1951) contenait d’autres objets, innombrables et splendides : récipients d’or, figurines d’ivoire, vaisselles de bronze, sceaux, bagues, épées et poignards d’apparat.