Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Crète

En gr. Kríti (ou Krêtê), île grecque de la Méditerranée orientale.


Le site

Couvrant 8 331 km2, peuplée de 456 000 hab. (Crétois), la Crète est montagneuse. Les massifs de Psilorítis (anc. Ida) et des Lefká Óri approchent 2 500 m. Les plaines sont étroites, discontinues et morcelées : « plainettes » littorales, poljés ou dépressions tectoniques, dont la plus vaste, celle de la Messará, au sud, ne mesure que 30 km sur 10. L’ensemble de l’île est soumis au climat méditerranéen, beaucoup plus chaud sur le versant méridional, abrupt et ensoleillé, que sur la façade nord, rafraîchie par les vents étésiens ; la partie orientale de la Crète est, d’autre part, beaucoup plus sèche que la partie occidentale. Ces nuances conditionnent en partie les activités humaines.

Occupée successivement par les Arabes, les Vénitiens et les Turcs, dont les traces restent visibles dans les campagnes comme dans les villes, la Crète demeure un pittoresque conservatoire de traditions locales et d’archaïsmes techniques et économiques. Mais l’agriculture méditerranéenne, fondée sur les ressources du blé et de l’olivier, associée à l’élevage transhumant des brebis et exploitant diverses ressources locales, tels les fruits du caroubier, connaît désormais un déclin irréversible, qui va de pair avec le recul démographique des cantons les plus éloignés et les moins doués.

Cependant, la découverte de nouveaux marchés et la modernisation de l’agriculture entraînent localement la spécialisation et l’intensification de celle-ci. La production de raisins secs intéresse surtout les collines au sud d’Iráklion (Candie), mais tente la plupart des vignobles ; les primeurs irriguées progressent en basse Messará et à Ierápetra (melons, tomates) ou bien prennent le relais des cultures vivrières traditionnelles dans le poljé de Lassíthi (pommes de terre) ; les vergers de La Canée (Khaniá) se spécialisent dans les agrumes. Cette tendance favorise la concentration de la population dans les plaines, mais ne crée pas assez d’emplois nouveaux pour empêcher la Crète d’être affectée par l’émigration rurale.

De nouvelles ressources sont apparues parmi les activités de services. La croissance de la population urbaine et l’amélioration des communications ont multiplié les emplois dans le bâtiment, les transports, le commerce et les métiers de réparation sans que l’île ne dispose d’autres industries que d’huileries artisanales et de chaînes de conditionnement des fruits et des légumes. La fréquentation touristique n’a pas encore d’effet décisif, car le tourisme de séjour a moins d’importance que les escales des croisières ; les itinéraires habituels des visiteurs se limitent à Iráklion (ou Hêraklêion), à Mália (ou Mállia), à Knossós et à Phaistos, et la côte nord de l’île concentre la plupart des équipements hôteliers, notamment entre Iráklion et Ághios Nikólaos.

La Crète a souffert de n’être reliée que tardivement par des moyens modernes au reste de la Grèce (à laquelle elle a été rattachée en 1913). Deux lignes de bateaux modernes vers Le Pirée et trois lignes aériennes vers Athènes et Rhodes concentrent l’essentiel du trafic extérieur de l’île à partir de La Canée et d’Iráklion. Les progrès des routes dans l’île ont contribué à donner le premier rôle à Iráklion : Ághios Nikólaos et Siṭía, éloignées à l’est, sont des bourgades de second rang ; Réthymnon (15 000 hab.) ne dispose que d’un arrière-pays trop pauvre et d’un port délaissé ; La Canée (41000 hab.), la ville de l’Ouest, tassée autour d’un vieux port d’allure italienne, est en déclin : la création voisine d’une grande base militaire n’a pas compensé l’effritement des positions commerciales de ses savonneries et de ses huileries.

Au contraire, Iráklion (78 000 hab.), dont la population augmente régulièrement, étend son emprise sur toute l’île grâce à ses commerces et à ses administrations. La vieille ville conserve des quartiers à ruelles enchevêtrées et ramifiées en impasses qui évoquent son passé arabe ; les Vénitiens ont taillé à travers quelques places à fontaines, bâti des églises et des entrepôts, et dressé les remparts qui enserrent le centre, au-delà desquels s’étirent des faubourgs routiers animés par les différents trafics avec le reste de l’île. Iráklion s’affirme comme la capitale de la Crète et est, à ce titre, dotée du service de développement régional de l’île. Mais, alors que les villes crétoises concentrent déjà plus du quart de la population locale et continuent d’attirer les migrants d’origine rurale, elles ne suffisent plus à fixer les excédents de main-d’œuvre de cette province agricole et pauvre. Au-delà d’Iráklion, c’est à Athènes ou dans les pays industrialisés d’Europe occidentale que les Crétois vont chercher du travail.

P.-Y. P.


L’histoire


La Crète minoenne

Au VIIe millénaire av. J.-C. arrivent d’Anatolie les premiers habitants de la Crète. De nouveaux immigrants venus d’Orient s’installent peu à peu, et à la civilisation néolithique succède l’ère des cités comme Ghourniá, Palaíkastron (à l’est de l’île), où semble avoir eu cours un régime aristocratique.

Après des débuts modestes, la Crète minoenne (ce nom lui fut donné de ce qu’on appela Minos les rois mythiques de l’île) voit se développer son agriculture et, dès la fin du IIIe millénaire, son commerce : elle exporte alors des vins, de l’huile, des textiles, de l’étain, des pièces d’orfèvrerie, mais peu de vases, et elle fait venir d’Égypte de l’ivoire et des pierres précieuses, de Chypre du cuivre. Ce trafic nourrit un pays riche, où naissent les palais (à Knossós [ou Cnossos], Mália, Phaistos...).

La guerre semble inconnue dans l’île ; les fortifications n’existent pas, et les palais ne sont guère que des habitations complètement ouvertes sur la campagne et des entrepôts pour les produits du terroir ; l’organisation politique du pays reste obscure, car les documents que nous possédons n’ont pu encore être déchiffrés. Certains districts (celui de Mália par exemple) semblent avoir été administrés par des aristocraties de marchands ; peut-être existe-t-il une autorité suprême de l’île qui fait régner la paix, un roi-prêtre dont le pouvoir serait devenu peu à peu si despotique que la légende fera du roi Minos un tyran.