Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

crédit (suite)

Certains auteurs (comme Ralph Hawtrey en particulier) ont soutenu que les industriels étaient moins sensibles au jeu du taux de l’escompte que les commerçants et que ces derniers étaient plus sensibles à ses variations qu’à son niveau absolu. L’ensemble de ces considérations fait que les autorités responsables de la politique monétaire ont été obligées de diversifier leurs moyens d’action et de mettre en place une véritable panoplie de lutte contre l’inflation et de relance de l’expansion par des procédés monétaires. Il faut remarquer que les moyens d’action sur l’économie par les techniques monétaires ont connu un certain recul après l’immédiat après-guerre sous l’influence des néo-keynésiens, qui préconisaient plutôt l’utilisation des déficits ou des excédents budgétaires pour régulariser l’économie ; néanmoins, on n’a jamais cessé de les employer. La remise à l’honneur de ces moyens par l’école de Chicago, dont le chef de file est Milton Friedman*, tend à les utiliser maintenant comme des modes privilégiés.


L’action sur l’offre de crédit

• Les « plafonds de réescompte » ont pour objet de limiter le montant des effets admis au réescompte en utilisant des seuils à partir desquels les conditions d’admission au réescompte sont onéreuses. Jusqu’au plafond, les banques peuvent se procurer des liquidités au taux d’escompte, ensuite à un taux plus élevé dit « taux d’enfer », puis, sans limitation, à un taux dit « de superenfer » ; seuls échappent à ces plafonds les effets émis à l’occasion de l’octroi de crédits à moyen terme à l’exportation. Ces plafonds sont une arme dissuasive dans la mesure où le public n’accroît pas les dépôts et où la balance extérieure n’est pas fortement excédentaire, augmentant ainsi les disponibilités des banques.

• Les « planchers d’effets publics », utilisés concurremment, consistent à faire prendre en pension par les banques un pourcentage important (de 20 à 25 p. 100 des comptes créditeurs) des effets publics émis sur le marché. La méthode n’a pas un effet toujours particulièrement heureux dans la mesure où elle ne fait que détourner les crédits au profit du Trésor, qui devient en quelque sorte un client privilégié des banques.

• Les « coefficients de trésorerie » consistent à établir un rapport entre certains postes de l’actif liquide de la banque et les éléments du passif exigible à vue ou à court terme : on porte ainsi au numérateur les avoirs liquides, les bons du Trésor et les effets mobilisables hors plafond, au dénominateur les comptes de chèques, les comptes courants, les bons et les comptes à échéance fixe, tous montants dus aux déposants de la banque considérée. Toute hausse du coefficient, décidée par les autorités, entraîne une diminution des effets que l’on peut porter au réescompte.

• Un décret du 23 février 1971 modifie et complète le décret du 9 janvier 1967 portant institution d’un système de « réserves obligatoires » imposé aux établissements bancaires. Il donne pouvoir au Conseil national du crédit d’asseoir les réserves obligatoires que les banques doivent conserver auprès de l’institut d’émission sur les crédits qu’elles accordent et non plus seulement (comme c’était le cas jusqu’alors) sur leurs dépôts, en d’autres termes leurs ressources.

• Une autre technique a vu peu à peu le jour : il s’agit de la technique dite « des crédits encadrés » ; les autorités monétaires déterminent les coefficients d’expansion de la masse des crédits qui peuvent être distribués par les banques selon des normes qui sont fonction du taux d’expansion de l’économie, du taux d’inflation et du freinage de la hausse des prix que l’on compte obtenir. Différents taux d’expansion peuvent être prévus selon la taille des établissements de crédit, selon la nature des crédits ou encore selon la taille des entreprises qui sont désireuses d’obtenir des crédits.

Les interventions sur le marché monétaire, méthodes importées des pays anglo-saxons, permettent à la banque centrale de contrôler les taux sur le marché monétaire en achetant le ou en vendant des effets (open-market policy). Le marché monétaire permet aux banques de trouver les liquidités qui leur manquent à très court terme. Sur le marché monétaire, les banques empruntent ou prêtent, vendent ou achètent des effets publies et privés, ou encore les prennent ou les donnent en pension.

En France, la Banque de France apparaît sur le marché monétaire, mais plus par souci de jouer le rôle de régulateur que de surveillant, contrairement aux objectifs d’open-market des banques centrales américaines et anglaises. La Banque de France achète les bons émis par une collectivité publique qui ont moins de trois mois à courir, mais elle peut aussi acheter et vendre des effets à plus de trois mois. D’autre part, elle peut prêter (avances B) pour une durée maximale de trente jours contre bons du Trésor. Enfin, elle peut acheter ou vendre des effets privés et des billets de mobilisation sur l’étranger et prendre en pension des effets publics ou privés.


L’action sur la demande de crédit

L’action sur la demande de crédit est particulièrement complexe, car, si on peut utiliser, pour réduire ou augmenter l’offre de crédit, des moyens qui ont une action mécanique, en ce qui concerne la demande, ce sont des mécanismes d’ordre notamment psychologique qui doivent être mis en œuvre. En effet, la demande de crédit comporte une demande non seulement de la part des entreprises, mais aussi de la part des consommateurs. Les moyens les plus utilisés sont :
— la modification du taux d’escompte, mesure d’un effet psychologique certain (mais comme, en général, la variation n’est que progressive et faite par petites touches, et que les taux du marché sont en fait nombreux et variables, l’efficacité de cette mesure est relativement faible) ;
— le contrôle de la nature des crédits, méthode très fréquente en France (elle consiste à accorder des crédits à des secteurs économiques ou à certains types d’opérations à des taux préférentiels ou sans plafond. Elle peut être utilisée essentiellement en période de restriction des crédits, quand on limite les crédits à l’exception de ceux qui sont accordés pour un objectif déterminé : le financement du commerce extérieur par exemple).