Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Courbet (Gustave) (suite)

Paradoxalement, Courbet triomphe avec les tableaux sans « problèmes ». La Femme au perroquet (New York, Metropolitan Museum) appelle pour Jules Antoine Castagnary la comparaison avec Titien, tandis que les troublantes Dormeuses (1866, Petit Palais) savent séduire l’ambassadeur de Turquie Khalil Bey, acheteur du Bain turc d’Ingres. Les grandes compositions comme le Combat des cerfs, la Remise des chevreuils (1861 et 1866, Louvre), l’Hallali du cerf (1867, Besançon) valent à Courbet ses francs succès populaires. Il y montre tout son savoir de la nature et des animaux, confirmé par des séjours dans les forêts germaniques, avec une verve et une facilité quelquefois un peu lâchées.

Le peintre à succès mérite alors la Légion d’honneur, que le socialiste olympien n’hésite pas à refuser. La guerre de 1870, les événements de la Commune vont bouleverser le cours de la vie de Courbet. Président de la commission nommée par les artistes pour veiller à la conservation des musées et richesses d’art, il joue le rôle d’un directeur des Beaux-Arts. Il se signale avec la pétition du 14 septembre 1870 demandant le déboulonnage de la colonne Vendôme, « monument dénué de toute valeur artistique, tendant à perpétuer par son expression les idées de guerre et de conquête que réprouve le sentiment d’une nation républicaine » ; il est présent lorsqu’on abat la Colonne le 16 mai 1871. Après l’effondrement de la Commune, Courbet le « révolutionnaire » est arrêté et traduit en conseil de guerre. Condamné à six mois de prison, il purge sa peine à Sainte-Pélagie. Là, le peintre donne certains de ses tableaux les plus savoureux de texture, en particulier une série de natures mortes aux fruits, ou peint de mémoire marines et paysages avec un dépouillement et un amour qui émeuvent.

La suite de sa vie est marquée par le souci de ses dettes ; on le refuse au Salon de mai 1873 ; lorsque l’Assemblée adopte le projet de reconstruction de la colonne Vendôme et que Courbet est rendu solidaire des frais, il doit s’exiler en Suisse. La vente judiciaire de 1877 l’accable, et il meurt le 31 décembre. « Ne le plaignons pas [...], il a traversé les grands courants [...], il a entendu battre comme des coups de canon le cœur d’un peuple et il a fini en pleine nature, au milieu des arbres », dira en guise d’oraison funèbre cet autre réfractaire que fut Jules Vallès.

B. F.

➙ Réalisme.

 A. J. Meier-Graefe, Courbet (Munich, 1921). / C. Léger, Courbet (Crès, 1929) ; Courbet et son temps (Éd. universelles, 1949). / L. Aragon, l’Exemple de Courbet (Cercle d’Art, 1952). / A. Chamson, Courbet (Flammarion, 1956). / R. Fernier, Gustave Courbet (la Bibliothèque des arts, 1969). / A. Fermigier, Courbet (Skira, 1971). / J. Lindsay, Gustave Courbet, his life and art (Londres, 1973).

Courbet (Amédée)

Amiral français (Abbeville 1827 - îles Pescadores 1885).


Après de solides études au lycée d’Amiens, il est reçu à Polytechnique en 1847. Admis dans la marine à sa sortie de l’École, il apprend son nouveau métier au cours d’une campagne de cinq ans en Extrême-Orient à bord de la Capricieuse, corvette à voiles de 32 canons. Chef d’état-major de l’escadre de la Manche en 1866, il commandera un aviso aux Antilles pendant la guerre de 1870. Contre-amiral et gouverneur de la Nouvelle-Calédonie en 1880, Courbet est mis, trois ans plus tard, au lendemain de la mort, près d’Hanoi, du commandant H. Rivière (1827-1882), à la tête de la division navale du Tonkin, où il va donner toute sa mesure. Il dirige d’abord les opérations autour de Huê, où, le 19 juillet 1883, mouillent les canonnières françaises Lynx et Vipère : le 25 août est signé le traité plaçant l’Annam sous protectorat français. Promu vice-amiral et commandant des forces terrestres et navales au Tonkin, Courbet s’empare de Son Tây, où il bat les fameux Pavillons-Noirs de Luh vinh Phuoc, puis cède son commandement au général C. T. Millot (1829-1889). La progression des Français sur Bac Ninh et Tuyên Quang (juin 1884) amena de sérieuses difficultés avec la Chine. Après l’incident de Jilong (Ki-long) et la rupture intervenue entre la France et la Chine, Courbet détruisit le 23 août 1884 l’escadre chinoise de l’amiral Ding (Ting), mouillée devant l’arsenal de Fuzhou (Fou-tcheou), au fond de la rivière Min, puis réduisit un à un les forts de défense de l’arsenal. Chargé ensuite de maintenir le blocus de Formose, il débarque dans le port de Jilong. Le 31 mars 1885, Courbet occupe les îles Pescadores et insiste auprès du gouvernement français pour être autorisé à agir contre Port-Arthur, d’où il compte exercer une forte pression sur la Chine, mais, à la suite de la chute, le 30 mars, du ministère de Jules Ferry, consécutive à l’incident de Lang Son, les préliminaires de paix sont signés le 4 avril avec ce pays.

L’action de Courbet sera cependant brutalement interrompue : épuisé par ses dernières campagnes, l’amiral mourra le 11 juin en rade de Makung à bord du cuirassé de 5 000 t Bayard. Son corps fut ramené en France, où la nation lui fit aux Invalides des funérailles grandioses. La netteté de ses vues, son esprit méthodique, l’ascendant qu’il possédait sur ses officiers et ses équipages en font l’un des plus grands chefs de la marine française.

P. D.

➙ Indochine française.

Courier (Paul-Louis)

Écrivain français (Paris 1772 - Véretz, Indre-et-Loire, 1825).


Sa vie s’écoule à la charnière de deux siècles, mais il est plus homme du xviiie s. qu’adepte du romantisme naissant. Officier malgré lui, et d’ailleurs meilleur helléniste que soldat, il participe comme Stendhal à la campagne d’Italie. Ce pèlerinage aux sources lui arrache des cris d’enthousiasme : « Ah ! l’antique ! la nature ! Voilà qui me charme, moi, voilà mes deux passions de tout temps ! ». Lorsqu’il démissionne, après Wagram (1809), c’est pour découvrir la Toscane et le salon de Mme d’Albany, rendez-vous de l’intelligentsia européenne. Son esprit caustique est un instant séduit par les plaisirs de la vie mondaine. Pourtant, il revient très vite à ses premières amours : il traduit Longus et Xénophon avant de se cloîtrer, à quelque quarante-deux ans, nouveau Daphnis, dans son domaine de la Chavonnière, près de Véretz, auprès de sa jolie femme qui ressemble à Chloé, sauf qu’elle le trompe.