Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aldéhydes-phénols

Composés possédant à la fois la fonction aldéhyde et la fonction phénol.


Les aldéhydes-phénols, les aldéhydes polyphénoliques et surtout les éthers méthyliques et l’acétal formique de ces derniers constituent, pour la plupart, des parfums naturels, parfois préparés industriellement par des synthèses partielles. Voici les formules des plus connus :

L’aldéhyde salicylique est l’essence de reine-des-prés ; l’aubépine existe dans l’essence de Crataegus oxyacantha, le vératrole dans l’essence de pivoine odorante, le vanillal dans les gousses de vanille et le pipéronal dans l’essence d’héliotrope. Les quatre derniers sont d’un emploi courant en parfumerie ; le vanillal sert également en pâtisserie et en chocolaterie.

L’aldéhyde salicylique résulte de l’action du chloroforme et de la potasse alcoolique sur le phénol ; le vératrole, le vanillal et le pipéronal peuvent être préparés par une synthèse théorique : respectivement par diméthylation, monométhylation (indirecte) ou acétalisation par l’iodure de méthylène de l’aldéhyde protocatéchique, résultant de l’action du chloroforme et de la potasse alcoolique sur la pyrocatéchine (diphénol ortho) ; le vanillal se forme directement par action de ces réactifs sur le gaïacol (extrait de la créosote), qui est l’éther monométhylique de la pyrocatéchine, et cette synthèse est pratique.

L’aubépine, le vanillal et le pipéronal peuvent également être préparés économiquement à partir d’essences naturelles ; la nature nous fournit en particulier des essences différant de ces aldéhydes par le remplacement du groupe CHO par le radical allyle, par exemple l’essence d’estragon, l’estragole, que la potasse isomérise en anéthole (d’ailleurs présent dans l’essence d’aneth) :

L’oxydation ménagée (ou l’ozonolyse) de l’anéthole mène à l’aubépine.

De même, l’essence de clou de girofle (eugénol) et l’essence de sassafras (safrole) sont des dérivés du diphénol-1,2, l’un méthylé en 2, l’autre sous forme d’acétal formique, et portant en 4 une chaîne latérale allyle. Traités comme l’estragole, ils conduisent respectivement au vanillal ou au pipéronal. Le vanillal fond à 80 °C, le pipéronal à 37 °C ; les autres composés retenus sont des liquides.

C. P.

aléatoire (musique)

Musique dans laquelle l’auteur introduit des éléments de hasard ou d’imprévisibilité soit au niveau de la composition, soit au niveau de l’exécution.


L’esprit aléatoire en musique est de pratique récente : il est né vers 1950-51 de certaines expériences de J. Cage*, de K. Stockhausen* et de P. Boulez*. La technique aléatoire peut être pratiquée soit de façon librement empirique (le cas extrême serait par exemple de faire entendre simultanément deux œuvres musicales différentes sur deux tourne-disques différents), soit au contraire en se soumettant à des lois mathématiques rigoureuses ; dans l’un et l’autre de ces deux cas, l’idée aléatoire procède d’une conception nouvelle de la musique, conception qui porte la jeune école actuelle à se dégager des formes fixes et statiques de la tradition académique pour susciter la naissance de formes ouvertes et mobiles d’une liberté complète.

L’expression musique aléatoire est ambiguë ; elle engendre de nombreux malentendus chez les compositeurs comme dans le public. De toute façon, sur le plan pratique, elle ne donne pas ce qu’elle promet : en dehors du cas extrême des deux tourne-disques, la musique aléatoire totale n’existe pas, et elle n’est pas souhaitable, car le hasard pur et intégral ne peut conduire qu’à des exercices de défoulement, ce que vérifient les entreprises du genre « happenings musicaux ».

Par contre, si la part d’aléa est restreinte, contrôlée, et se borne à faire intervenir la notion d’improvisation par l’interprète, la technique aléatoire est viable à certaines conditions, ainsi que cela a été prouvé par maintes œuvres de classe et non plus seulement expérimentales. Dans ce cas, il ne s’agit que d’une musique semi-aléatoire, où les interventions du hasard (choix ou volonté de l’interprète) sont prévues à l’origine par le compositeur. Ce régime de liberté surveillée existe lorsque le compositeur propose à l’interprète des séquences ou des phrases musicales entièrement rédigées et qu’il ouvre la possibilité de les jouer dans un certain nombre de combinaisons et d’itinéraires différents (tendance libérale avec le Klavierstück IX de Stockhausen ; tendance rigoureuse et restrictive avec la troisième sonate pour piano de P. Boulez).

Dans une autre conception, Iannis Xenakis pense que l’homme ne peut pas substituer sa volonté aux lois secrètes du hasard (probabilités) et que cette partie de la création doit être confiée à la mathématique et à l’ordinateur électronique.

À l’opposé, dans une conception complètement empirique, Marius Constant* et son ensemble « Ars nova » réalisent des improvisations collectives en procédant un peu comme les improvisateurs de jazz : un certain nombre d’éléments de base, de figures musicales sont fixés au départ, et les musiciens de l’orchestre improvisent ensuite sur ce matériel sous la direction du chef, qui procède à l’aide de signes conventionnels.

C. R.

aléatoire (variable)

Application X d’un ensemble fini ou non, Ω, muni d’une probabilité P, dans l’ensemble ℝ des nombres réels. (On dit aussi aléa numérique.) L’ensemble Ω est l’univers, son image par X étant l’univers-image.


Exemples :
1. Au jeu de dés avec un dé à six faces numérotées de 1 à 6, l’ensemble Ω est constitué par six éventualités, l’une d’elles étant, par exemple, la face numérotée 3 est amenée. À chacune de ces éventualités équiprobables et de probabilité , on associe le chiffre inscrit sur la face correspondante. On définit ainsi une application X de Ω dans ℝ, donc une variable aléatoire. L’univers-image de X est l’ensemble {1, 2, 3, 4, 5, 6}.
2. Au jeu de dés avec deux dés A et B, on s’intéresse à la somme des points marqués sur les faces amenées. L’univers Ω est formé de 36 éventualités, l’une d’entre elles étant, par exemple, le dé A a montré la face 3 et le dé B a montré la face 5. Chacune de ces éventualités a la probabilité de se produire. On définit ainsi une application X de Ω sur l’ensemble {2, 3, ..., 12}, qui est l’univers-image. Plusieurs éventualités peuvent avoir la même image : les éventualités A montre le 1 et B montre le 4 et A montre le 2 et B montre le 3 ont même image, 5 ; le nombre 8 est l’image de cinq éventualités. On peut alors définir une probabilité sur l’univers-image en attribuant à chaque nombre de cet univers la somme des probabilités des éventualités qui ont pour image ce nombre. On obtient le tableau suivant :