Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alcoolisme (suite)

Complications de l’alcoolisme


Complications mentales

Des complications d’ordre mental viennent souvent se greffer sur la trame de fond.

Psychoses subaiguës et chroniques. Elles peuvent revêtir divers aspects.

L’hallucinose de Wernicke consiste essentiellement en hallucinations auditives, qui font que le malade se croit menacé. Il réagit par des représailles, ou recherche une protection, ou tente de se suicider. Cette psychose évolue habituellement vers la guérison en quelques semaines.

Les délires alcooliques chroniques consistent soit en un délire d’interprétation, dont le thème est la jalousie, soit en un délire hallucinatoire.

Delirium tremens. C’est un délire caractérisé par de la confusion et de l’onirisme (hallucinations visuelles) s’accompagnant de fièvre, de sueurs confuses, de déshydratation et de tremblement. Son début généralement brusque est parfois précédé de troubles nerveux, psychiques ou digestifs et fait suite à des facteurs déclenchants divers ; infection, intervention chirurgicale, fatigue, traumatisme. Un sevrage en alcool trop brutal est très fréquemment en cause.

La confusion mentale, constante, se traduit par une désorientation dans le temps et dans l’espace. Les hallucinations visuelles sont de règle et peuvent s’accompagner d’hallucinations auditives. Elles provoquent chez le malade une panique anxieuse pouvant entraîner des actes violents, une tentative de suicide (défenestration par exemple). L’agitation est extrême et l’insomnie totale. Le tremblement est intense, généralisé à tout le corps. Les sueurs, d’odeur aigrelette, sont d’une abondance extrême et entraînent une déshydratation sévère. La fièvre peut atteindre 40 °C. Les formes atténuées sont fréquentes. Elles se manifestent par du délire, de la confusion et de l’agitation, mais ne comportent ni fièvre élevée ni signes généraux graves. Le delirium tremens était autrefois très souvent cause de mort. Si le traitement maintenant appliqué est entrepris suffisamment tôt, l’évolution se fait en règle vers la guérison. Une réhydratation massive (par la bouche ou en perfusions suivant les cas) doit être pratiquée en même temps que sont administrés des calmants (méprobamate, diazépam, halopéridol) et des vitamines B. Le malade doit naturellement être ensuite toujours suivi et soigné pour son alcoolisme.


Complications neurologiques

Les lésions atteignent soit le système nerveux périphérique, soit l’encéphale.

Lésions du système nerveux périphérique. La polynévrite (v. paralysie), dans laquelle l’alcool n’agit que par l’intermédiaire d’un déficit en vitamine B, ne se manifeste à son début que par des crampes musculaires et des paresthésies au niveau des membres inférieurs ainsi que par une abolition des réflexes ostéo-tendineux. Elle peut évoluer, si elle n’est pas traitée suffisamment tôt par la vitamine B et si le sevrage total en boissons alcoolisées n’est pas observé, vers une paraplégie complète avec atrophie musculaire.

La névrite optique est due à l’usage simultané et immodéré de l’alcool et du tabac. Débutant par un trouble de la perception des couleurs (vert et rouge), elle aboutit assez rapidement à une cécité totale. La suppression des toxiques, qui est indispensable, et la prescription de vitamines B permettent la récupération de la vue en quelques mois.

Lésions encéphaliques. On peut distinguer, au niveau de l’encéphale, d’une part des atteintes liées à un déficit en vitamine B causé par les perturbations nutritionnelles que provoque l’alcoolisme et, d’autre part, des atteintes dégénératives dont le mécanisme d’apparition est encore mal connu.

Lésions encéphaliques liées à un manque de thiamine (vitamine B1). Elles s’observent au cours des syndromes de Gayet-Wernicke et de Korsakov et consistent en suffusions hémorragiques. Les lésions du syndrome de Gayet-Wernicke se situent autour des ventricules latéraux et du 3e ventricule du cerveau ainsi que dans le tronc cérébral ; celles du syndrome de Korsakov siègent au niveau des tubercules mamillaires.

Le syndrome de Gayet-Wernicke, après une période de début marquée par une altération progressive de la conscience, une anorexie et un amaigrissement prononcé, se manifeste par un état de torpeur plus ou moins profond pouvant aller jusqu’au coma, par une hypertonie musculaire n’apparaissant que lors des tentatives de mobilisation passive des segments du corps explorés, par des paralysies des muscles de l’œil s’exprimant par une altération des mouvements associés des globes oculaires. L’affection non traitée évolue généralement vers la mort en quelques semaines. Sa guérison est souvent obtenue par la prescription de vitamines B à doses massives, mais des séquelles neurologiques sont possibles.

Le syndrome de Korsakov est caractérisé par l’association d’une polynévrite d’intensité variable et de troubles psychiques. Ceux-ci, qui prédominent souvent, consistent en une amnésie antérograde, c’est-à-dire en une perte du souvenir des faits récents alors que les événements antérieurs à la maladie restent convenablement fixés par la mémoire, en une fabulation, en de fausses reconnaissances et en une désorientation dans le temps et dans l’espace. Le pronostic est sombre, les troubles une fois installés n’ayant pas tendance à régresser.

Atrophies cérébrales. Elles sont la conséquence de lésions dégénératives qui, bien que de nature carentielle certaine, ne peuvent être expliquées par un déficit en thiamine. Les lésions ont une localisation variable. Elles peuvent prédominer en un endroit localisé de l’encéphale ou au contraire être diffuses. La nécrose axiale du corps calleux (maladie de Marchiafava-Bignami) entraîne une démence totale, et la nécrose centrale de la protubérance des troubles psychiques et une quadriplégie (paralysie des quatre membres).

L’atrophie cérébrale diffuse a pour conséquence une pseudo-paralysie générale, qui se manifeste souvent par de l’euphorie et un délire mégalomaniaque.

L’atrophie cérébelleuse détermine des troubles de la statique avec élargissement du polygone de sustentation, une démarche ébrieuse, du tremblement. L’encéphalographie gazeuse permet d’apprécier l’atrophie du cerveau ou celle du cervelet.