Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

corps pur (suite)

Les isothermes dont la température est comprise entre – 56,6 °C et + 31 °C possèdent un palier de liquéfaction, portion rectiligne parallèle à Ov ; la longueur de ce palier décroît quand la température s’élève, et s’annule à 31 °C ; la courbe de saturation, lieu des extrémités de ces paliers, est formée de deux parties : abrupte du côté liquide, c’est la courbe d’ébullition ; peu inclinée du côté gaz, c’est la courbe de rosée ; ces deux parties se raccordent en un maximum pour la température de 31 °C, température critique du CO2. L’isotherme critique, dont le palier de liquéfaction est de longueur nulle, présente, au sommet de la courbe de saturation, un point d’inflexion à tangente horizontale ; c’est le point critique C, figuratif d’un état remarquable du fluide pour lequel toutes les propriétés et les constantes physiques de la vapeur saturante se confondent avec celles du liquide.

La température de – 56,6 °C est celle du point triple de CO2 ; à cette température, les trois phases, solide, liquide, vapeur, peuvent coexister ; la pression d’équilibre est elle-même déterminée, car cet équilibre est invariant ; elle est de 5,1 atmosphères pour CO2.


Surface caractéristique du corps pur

À chaque température, et pour une masse donnée du corps pur, il existe une relation entre sa pression p et son volume v ; il revient au même de dire que tous les états d’une masse donnée du corps pur satisfont à une relation f(p,v,T) = 0, que l’on peut, dans le repère d’axes Ov, OT, Op, représenter par une surface, la surface caractéristique du corps pur. Elle a la même allure pour un grand nombre de corps purs, CO2 par exemple ; la figure 3 en représente une partie, limitée par les plans de coordonnées et par des plans parallèles à ceux-ci. On retrouve les isothermes en coupant la surface par des plans T = constante, mais on peut aussi, en coupant par des plans v = constante, obtenir les isochores, et, par des plans p = constante, les isobares de changement d’état. La surface présente trois portions cylindriques de génératrices parallèles à Ov et qui se projettent sur le plan TOp suivant les courbes de vaporisation, de fusion, de sublimation du corps pur, et dont le point commun est le point triple.

Le reste de la surface est constitué par deux plages correspondant aux états monophasés du corps pur : l’état solide (cristallisé) et l’état fluide ; on ne peut passer de l’une à l’autre sans franchir une portion cylindrique, c’est-à-dire sans passer par un état diphasé : il y a une discontinuité essentielle entre les états solide cristallisé et fluide, c’est-à-dire entre Tordre et le désordre. Par contre, on peut aller d’un point à l’autre de la plage fluide sans pénétrer dans une zone d’états diphasés, c’est-à-dire sans observer de discontinuité dans les propriétés ; le passage de la vapeur sèche au liquide, qui est marqué d’une discontinuité caractérisée par la coexistence de deux phases de propriétés différentes si l’on pénètre dans le domaine des états diphasés, s’effectue au contraire par une variation continue des propriétés d’une masse constamment homogène si le chemin suivi sur la surface « contourne » le point critique.

La surface de la figure 3 correspond au cas le plus général, celui des corps qui augmentent de volume en fondant. Pour quelques corps cependant (l’eau, le bismuth, le gallium), il y a diminution de volume lors de la fusion ; corrélativement, la courbe de fusion est à pente négative ; cela entraîne un changement dans l’aspect de la surface caractéristique (fig. 4).

Thomas Andrews

Physicien irlandais (Belfast 1813 - id. 1885). Étudiant en 1869 la compressibilité du gaz carbonique, il a découvert le point critique et observé la continuité des états liquide et gazeux.

R. D.

Corrège (le)

En ital. Antonio Allegri, dit il Correggio, peintre italien (Correggio, Émilie, v. 1489 - id. 1534).


Le Corrège reçut sa première formation dans l’atelier de Francesco Bianchi Ferrari (v. 1460-1510), à Modène, mais il ne tarda guère à connaître les peintres de Ferrare*, notamment Dosso Dossi (v. 1480 - v. 1542), qui lui inspirèrent le goût des tons précieux. Puis il séjourna à Mantoue, où la fréquentation de Mantegna* accrut sa science du volume et de la perspective géométrique. Ce que l’on connaît de ses ouvrages de jeunesse prouve l’étendue de sa curiosité. Les formes héritées des maîtres du quattrocento y apparaissent déjà assouplies, adoucies par un clair-obscur dont il faut chercher l’origine chez Léonard* de Vinci, et traduites dans des couleurs rares, parfois étranges. Après les fresques qui sont attribuées au Corrège à Sant’ Andrea de Mantoue, après le Mariage mystique de sainte Catherine de la National Gallery de Washington, la Vierge à l’Enfant des Offices à Florence et la Nativité de la pinacothèque de Brera à Milan, la première commande attestée est, en 1514, celle de la Vierge à l’Enfant peinte pour les franciscains de Correggio, aujourd’hui à la pinacothèque de Dresde. Suivent l’Adoration des Mages de la pinacothèque de Brera, la Madonna Campori de la galerie Estense de Modène, La Zingarella (Agar au désert) de la pinacothèque de Capodimonte à Naples ou le Christ quittant sa mère de la National Gallery de Londres, peut-être inspiré d’une gravure de Dürer.

En 1518, le Corrège fit un séjour à Rome, où la connaissance de Michel-Ange* et de Raphaël* fut pour lui une révélation. Son style y gagna en ampleur et en maturité. Revenu en Émilie, il se fixa à Parme. Vers 1519, pour l’abbesse Giovanna Piacenza, il peignit à fresque la voûte d’une chambre dans le couvent des bénédictines de San Paolo. C’est le premier de ses grands ouvrages ; on y trouve beaucoup de grâce, avec une science déjà très sûre de l’illusion optique. Le thème en est profane : dans une vaste treille sont simulées des ouvertures ovales où apparaissent des Amours ; les lunettes inférieures montrent des figures mythologiques en grisaille symbolisant la destinée humaine. Mais le Corrège devait donner toute sa mesure avec les fresques de l’église des bénédictins de Parme, San Giovanni Evangelista, peintes entre 1520 et 1523. Du Couronnement de la Vierge qui ornait l’abside, détruite dès la fin du siècle, il ne reste plus qu’un fragment à la pinacothèque de Parme, avec les deux tableaux plus dramatiques de la chapelle del Bono (Déposition de Croix, et Martyre de saint Placide et de sainte Flavie), alors que sont encore en place dans le transept le Saint Jean l’Évangéliste écrivant, aux pendentifs de la croisée les quatre évangélistes accompagnés de quatre docteurs de l’Église et surtout, à la coupole, la Vision de saint Jean, c’est-à-dire le Christ descendant du ciel au milieu des Apôtres. Le souvenir de la chapelle Sixtine inspire les figures aux formes puissantes et aux raccourcis audacieux, mais la palette a ce fondu dont le Corrège avait déjà donné l’exemple. La coupole est d’une nouveauté particulièrement frappante avec sa composition d’un seul tenant, sa perspective verticale qui suggère un espace infini. Selon les mêmes principes, mais avec plus de hardiesse et de virtuosité dans l’expression de la profondeur, le Corrège peignit à fresque, de 1526 à 1530, la coupole de la cathédrale de Parme. Cette vaste Assomption, qu’accompagnent aux quatre pendentifs les saints protecteurs de Parme, peut être considérée comme son œuvre maîtresse.