Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cornée (suite)

Kératite

C’est l’inflammation de la cornée. Selon la localisation plus ou moins antérieure de l’atteinte, on parle de kératite superficielle ou de kératite profonde ou interstitielle. Les kératites superficielles sont dans la plupart des cas dues à un virus ou à un microbe. L’ulcération épithéliale, toujours douloureuse, est mise en évidence par l’instillation d’une goutte de collyre à la fluorescéine, qui l’imprègne et la colore en vert.

• Le virus herpétique réalise une ulcération caractéristique, dite « dendritique », particulièrement douloureuse. Cette forme contre-indique formellement l’instillation de collyre à la cortisone, qui aboutirait à la perforation. Après la guérison, les récidives ne sont pas rares.

• Moins sévères sont en général les kératites microponctuées ; réalisant de multiples petites ulcérations, elles sont dues au staphylocoque ou, le plus souvent, à des virus. L’atteinte cornéenne est isolée ou associée à celle de la conjonctive (kérato-conjonctivite). Il s’agit alors d’affections particulièrement contagieuses qui surviennent par épidémies d’usine ou d’hôpital.

• Les kératites ponctuées peuvent être dues aux ultraviolets (séjour sur la neige, soudure à l’arc). Elles sont douloureuses mais guérissent en 24 à 48 heures.

• Un mécanisme allergique peut aussi être responsable de kératites, provoquant de fréquentes récidives jusqu’à la désensibilisation.

• Les kératites infectieuses sont le plus souvent dues à la surinfection, par un germe banal ou une mycose, d’érosions traumatiques. Un prélèvement au niveau des lésions permettra d’identifier le germe et de déterminer sa sensibilité aux antibiotiques. Une antibiothérapie locale, voire générale, est instituée pour empêcher la propagation de l’infection à la chambre antérieure.

• La syphilis congénitale (entre 5 et 15 ans), la tuberculose, des germes banals peuvent provoquer une kératite interstitielle allergique avec une prolifération vasculaire intracornéenne.

• Enfin, le zona, l’herpès, la varicelle et d’autres maladies virales peuvent s’accompagner de l’apparition, au centre de la cornée, d’un disque épais, blanchâtre, opaque : la kératite disciforme.

La gravité des kératites tient, pendant la phase aiguë, au risque de propagation et de perforation, et, après la guérison, à la persistance de cicatrices opaques, ou taies, qui compromettent la vision.

La kératoplastie

C’est la greffe de cornée. Elle consiste à remplacer une portion de cornée opaque ou perforée par une portion de cornée transparente et saine prélevée sur un cadavre humain. Le prélèvement doit être fait dans les 6 heures qui suivent la mort. Le greffon est alors soit utilisé immédiatement, soit déshydraté et conservé en réserve. Selon que la greffe intéresse toute l’épaisseur de la cornée ou seulement les couches antérieures, on parle de greffe transfixiante ou lamellaire. Après découpage au trépan de la cornée endommagée, un greffon de même diamètre est appliqué sur l’orifice ainsi créé. Il est maintenu par des sutures très fines laissées en place plusieurs semaines. Elles ne sont enlevées que quand la cicatrisation annulaire s’avère suffisamment solide.

F. V.

Corneille (Pierre)

Poète dramatique français (Rouen 1606 - Paris 1684).



La fortune de l’œuvre

Corneille a subi les vicissitudes de tout auteur qui s’impose d’emblée comme un maître, poursuit solitairement une œuvre calculée, subit les élans et les éclipses des générations qui le contestent ou s’y retrouvent, cependant que s’accumulent sur lui les tenaces légendes et les interprétations tendancieuses ou simplistes.

Il vint au théâtre par hasard, ou presque ; il y réussit grâce à l’implantation d’une troupe nouvelle, de passage à Rouen, et au talent d’un grand acteur, Mondory. Une fidélité réciproque les liera durant près de dix ans, de Mélite au Cid inclusivement.

Contesté presque aussitôt par ses rivaux, par les doctes, il poursuivra une carrière toujours difficile et pourtant sans véritable échec, arrachera de pièce en pièce l’approbation des plus exigeants, alors qu’il multiplie les audaces dans ses dernières productions, au moment où le goût du temps se détourne de la tragédie ; de 1640 à 1674, il est et reste « le premier pour la tragédie », comme le reconnaissent eux-mêmes les mandarins malveillants, Chapelain et Costar, chargés par Colbert de dresser la liste des pensions royales.

Le légendaire se glisse de son vivant, beaucoup moins en raison de sa gloire — on ignore la date de Polyeucte, faute du moindre témoignage contemporain, et son médiocre biographe, Fontenelle, quoique son neveu, ne recueillera rien qu’on ne sache déjà — qu’en raison de la discrétion de sa vie privée et de son indépendance d’écrivain envers toutes les coteries littéraires.

Avant sa mort même, on a trié de sa vaste production les pièces que la postérité a conservées : le Cid, Horace, Cinna, un peu en retrait, la Mort de Pompée, Rodogune, Nicomède, et déjà, en 1676, Corneille plaidait pour un élargissement de cette anthologie :
On voit Sertorius, Œdipe, et Rodogune,
Rétablis par ton choix dans toute leur : fortune ;
Et ce choix montrerait qu’Othon et Suréna
Ne sont pas des cadets indignes de Cinna.
Sophonisbe à son tour, Attila. Pulchérie,
Reprendraient pour te plaire une seconde vie ;
Agésilas en foule aurait des spectateurs,
Et Bérénice enfin trouverait des acteurs.
Le peuple, je l’avoue, et la Cour, les dégradent ;
Je faiblis, ou du moins ils se le persuadent.
(« Au Roi, sur Cinna. »)

La mort du poète, le 1er octobre 1684, est signalée dans toutes les gazettes, mais seul l’homme le plus intelligent du siècle, Pierre Bayle, ose défendre les tragédies de la vieillesse, reprenant la position de Saint-Evremond, qui avait mesuré le renouvellement de l’œuvre cornélienne dans le plus pertinent des jugements : « Il est certain que personne n’a mieux entendu la nature humaine que Corneille. Mais il l’a étudiée différemment selon des temps différents. Étant jeune, il en exprimait les mouvements ; étant vieux, il nous en découvre les ressorts. Autrefois, il donnait tout au sentiment, il donne plus aujourd’hui à la connaissance ; il ouvre le cœur avec tout son secret, il le produisait avec tout son trouble. »