Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corelli (Arcangelo) (suite)

Son influence ne s’est pas limitée au domaine des instruments à archet. Pour nous en tenir à la France, c’est le renom de Corelli, c’est le bruit fait autour de sa jeune gloire qui suscita non seulement la curiosité mais une véritable fringale de musique italienne : d’où le pastiche qu’en fit v. 1691, sous un nom d’emprunt, le jeune François Couperin, pastiche bientôt dénoncé, dont le succès déclencha une série d’imitations et ensuite l’essor d’une école française de violonistes-compositeurs dignes de supporter la comparaison avec nos clavecinistes, nos organistes, nos luthistes, et telle qu’elle permit à la musique de chambre et à la symphonie de prendre dans notre pays un développement que l’on commence seulement à mesurer.

Une autre influence bénéfique est également à mettre à l’actif de Corelli. Tous les témoignages contemporains s’accordent à exalter sa personnalité humaine, son rayonnement spirituel, sa culture, son sérieux sans pédantisme, son urbanité, nullement exclusive d’une grande fermeté quand des idées chères devaient être défendues. Cet ensemble de vertus lui avait valu d’être accepté par l’aristocratie romaine, et sa situation morale était telle que des étrangers de marque, même non musiciens, tenaient à lui être présentés. Il s’ensuivit un changement notable dans la condition sociale des violonistes, considérés jusqu’alors, en France comme en Angleterre, comme des laquais peu différenciés de la valetaille courante, à peine mieux vus en Italie. C’est à Corelli et à la vogue de la sonate, intimement liée à son nom et à sa gloire, que l’on dut de voir le violon admis, chez nous, dans les cercles musicaux mondains, et le roi Louis XV demander, en 1730, à des courtisans mélomanes, d’accompagner Jean-Pierre Guignon dans le Printemps de Vivaldi.

Par un privilège assez rare, la gloire de Corelli lui a survécu alors même que son œuvre avait cessé d’être jouée, sauf quelques mouvements de sonates, le Concerto de Noël et de mauvaises transcriptions de la Follia. Le disque a remis en circulation nombre de pages oubliées, et l’on travaille à en retrouver la juste interprétation. C’est une partie importante des activités de la Société d’études corelliennes, qui a tenu son premier congrès international en décembre 1968 à Fusignano, la ville natale du maître.

M. P.

 C. Piancastelli, In Onore di Arcangelo Corelli (Bologne, 1914). / F. Vatielli, Arte e vita musicale a Bologna (Bologne, 1927). / M. Pincherle, Corelli (Alcan, 1933 ; nouv. éd., Corelli et son temps, Plon, 1954). / M. Rinaldi, Arcangelo Corelli (Milan, 1953). / G. Tintori, « Arcangelo Corelli » dans La Musica, t. I (Turin, 1966).

Corinthe

En gr. Korinthos, une des principales cités de la Grèce ancienne, située sur l’isthme de Corinthe, qui relie le Péloponnèse à la Grèce centrale.



Les origines

Entre 2000 et 1900 av. J.-C., la Corinthie fut colonisée par des peuples achéens. Elle entra vite dans la vassalité politique et économique de Mycènes et Tirynthe. La Corinthie était en effet le débouché naturel de l’Argolide, qui, sous peine d’être asphyxiée, devait, pour s’ouvrir au nord et à l’ouest, la posséder ; du port de Korakou (au nord-est de la Corinthie antique) partirent sans doute les expéditions que les Achéens menèrent dans l’Adriatique, ouvrant ainsi la route aux marchands de la cité future. À la fin du Ier millénaire, les invasions doriennes remirent tout en cause : libérée, la Corinthie vécut, du xe au viiie s., dans un repliement complet sur elle-même.


La période des Bacchiades (du viiie au viie s. av. J.-C.)

Dans le cours du viiie s., une des grandes familles de la ville, de race royale, le genos des Bacchiades, s’empara du pouvoir, faisant chaque année l’un des siens prytane ; ce dernier était chargé de la justice et de l’administration civile, assisté d’un roi et d’un polémarque à fonctions militaires et judiciaires. Le genos formait, avec ses deux cents membres (il est possible qu’il y ait eu des alliances avec d’autres familles), une assemblée capable de contrôler ses magistrats.

Sous les Bacchiades, Corinthe créa des colonies ; le commerce et l’industrie enrichirent énormément la cité. La colonisation corinthienne à Syracuse et à Corcyre semble n’avoir cherché que des terres pour les paysans d’un terroir déjà surpeuplé ; pourtant, l’installation de Grecs sur l’Adriatique et en Grande-Grèce (Corinthe n’était ni la seule ni la première à lancer des expéditions dans ces régions) avait provoqué la naissance de courants commerciaux dont Corinthe, si proche de ces nouveaux débouchés, ne pouvait que profiter.

Entre l’Égée et l’Occident commencèrent à circuler les marchandises, et, puisque le trajet par l’isthme, le plus commode, ne pouvait s’accomplir sans rupture de charge (le diolkos, cette fameuse chaussée qui permettait aux vaisseaux de passer d’une mer à l’autre, tout chargés, n’existait pas encore), il devait souvent arriver que les Corinthiens se chargeassent de l’acheminement vers l’ouest. Les Bacchiades tiraient grand profit des taxes que chacun versait lors de ces multiples transactions. Les ateliers de céramique corinthiens, déjà célèbres, devaient développer leur production pour répondre à une demande accrue, mais ils ne surent pas toujours maintenir la qualité de leurs produits.

Le centre urbain de la cité de Corinthe naquit alors, mais les Bacchiades, gros propriétaires d’une cité naguère essentiellement rurale, ne surent pas diriger une ville où commerçants et artisans devenaient de plus en plus nombreux, où se rassemblaient des métèques d’origine orientale. Leur régime mécontentait par son étroitesse et inquiétait par ses échecs (Corcyre avait vers 660 av. J.-C. secoué le joug de la métropole, Mégare prenait trop d’importance dans la région de l’isthme).


La tyrannie des Cypsélides (657-582 av. J.-C.)

Cypsélos, Bacchiade par sa mère, avec l’appui du peuple, réussit à s’emparer du pouvoir, établissant un gouvernement tyrannique.