Corelli (Arcangelo) (suite)
Son influence ne s’est pas limitée au domaine des instruments à archet. Pour nous en tenir à la France, c’est le renom de Corelli, c’est le bruit fait autour de sa jeune gloire qui suscita non seulement la curiosité mais une véritable fringale de musique italienne : d’où le pastiche qu’en fit v. 1691, sous un nom d’emprunt, le jeune François Couperin, pastiche bientôt dénoncé, dont le succès déclencha une série d’imitations et ensuite l’essor d’une école française de violonistes-compositeurs dignes de supporter la comparaison avec nos clavecinistes, nos organistes, nos luthistes, et telle qu’elle permit à la musique de chambre et à la symphonie de prendre dans notre pays un développement que l’on commence seulement à mesurer.
Une autre influence bénéfique est également à mettre à l’actif de Corelli. Tous les témoignages contemporains s’accordent à exalter sa personnalité humaine, son rayonnement spirituel, sa culture, son sérieux sans pédantisme, son urbanité, nullement exclusive d’une grande fermeté quand des idées chères devaient être défendues. Cet ensemble de vertus lui avait valu d’être accepté par l’aristocratie romaine, et sa situation morale était telle que des étrangers de marque, même non musiciens, tenaient à lui être présentés. Il s’ensuivit un changement notable dans la condition sociale des violonistes, considérés jusqu’alors, en France comme en Angleterre, comme des laquais peu différenciés de la valetaille courante, à peine mieux vus en Italie. C’est à Corelli et à la vogue de la sonate, intimement liée à son nom et à sa gloire, que l’on dut de voir le violon admis, chez nous, dans les cercles musicaux mondains, et le roi Louis XV demander, en 1730, à des courtisans mélomanes, d’accompagner Jean-Pierre Guignon dans le Printemps de Vivaldi.
Par un privilège assez rare, la gloire de Corelli lui a survécu alors même que son œuvre avait cessé d’être jouée, sauf quelques mouvements de sonates, le Concerto de Noël et de mauvaises transcriptions de la Follia. Le disque a remis en circulation nombre de pages oubliées, et l’on travaille à en retrouver la juste interprétation. C’est une partie importante des activités de la Société d’études corelliennes, qui a tenu son premier congrès international en décembre 1968 à Fusignano, la ville natale du maître.
M. P.
C. Piancastelli, In Onore di Arcangelo Corelli (Bologne, 1914). / F. Vatielli, Arte e vita musicale a Bologna (Bologne, 1927). / M. Pincherle, Corelli (Alcan, 1933 ; nouv. éd., Corelli et son temps, Plon, 1954). / M. Rinaldi, Arcangelo Corelli (Milan, 1953). / G. Tintori, « Arcangelo Corelli » dans La Musica, t. I (Turin, 1966).