Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corée (suite)

Ces deux grandes invasions, qui laissèrent la Corée dans une situation économique désastreuse, incitèrent un certain nombre de lettrés à se poser des questions, à rechercher les moyens propres à redresser une telle situation. Ces lettrés, parmi lesquels il faut citer Li Su-gwang (1563-1628), Yu Hyŏng-wŏn (1622-1673), Li Ik (1681-1763), puis plus tard Pak Či-wŏn (1737-1805), intéressés par les idées de l’école de critique textuelle et historique (K’ao-tcheng-hiue [Kao-zheng-xue]) dont le développement remonte aux travaux du Chinois Kou Yen-wou (Gu Yanwu) [1613-1682], formèrent le mouvement Sil-hak (« Science du réel »), qui se distingua par son pragmatisme utilitaire, sa remise en question de valeurs traditionnelles considérées comme sclérosantes, à juste titre d’ailleurs. Parallèlement aux écrits théoriques qui développaient ces idées, celles-ci furent également exposées, de façon indirecte, dans les nombreuses œuvres romanesques rédigées aux xviie et xviiie s. et qui connurent une assez large diffusion grâce au han-geul, c’est-à-dire à l’alphabet coréen inventé au xve s. (les lettrés coréens écrivaient en chinois classique, qui resta, jusqu’aux premières années du xxe s., la langue administrative officielle).

C’est à ce même mouvement que l’on doit l’introduction, en Corée, de la science occidentale et des principes du catholicisme. Cette religion, associée dans bien des esprits à la connaissance des idées nouvelles, rencontra un vif succès et se propagea si rapidement que le gouvernement coréen en prit ombrage. En 1786, le catholicisme fut proclamé doctrine hérétique, et, en 1801, le gouvernement coréen, soutenu en cela par les lettrés confucéens, en interdit la pratique et ordonna le châtiment de ses adeptes. Malgré les apostasies qui se multiplièrent sous la contrainte, les persécutions et même les exécutions, la détermination des catholiques coréens ne faiblit point. En 1831, le vicariat apostolique de Corée fut créé, et, en 1833, la Société des missions étrangères de Paris reçut la charge de la propagation de la foi en Corée. En 1866, à la suite de massacres où périrent plusieurs missionnaires français, l’amiral Roze organisa une expédition punitive qui se solda par un échec : celui-ci, en même temps qu’il renforça la détermination du gouvernement coréen de ne pas ouvrir le pays aux étrangers, eut des répercussions dans les autres nations d’Extrême-Orient. Le fait qu’une armée aussi petite que celle de la Corée ait réussi à tenir en échec une armée occidentale apparut comme une grande victoire.

Dès le début du xixe s., des navires étrangers (américains, anglais, français, russes et japonais) avaient longé les côtes coréennes et avaient cherché à entrer en contact avec les autorités coréennes, contact que celles-ci refusèrent toujours. En 1875, le navire japonais Un-yō, qui croisait dans les eaux coréennes, essuya la mitraille des forts de l’île de Kang-hwa. Il n’en fallut pas moins pour que huit cents fusiliers marins japonais débarquent en Corée, et, sous cette menace, le gouvernement coréen signa, avec le Japon, un traité d’amitié et de commerce (traité de Kang-hwa, 1876). La Chine considéra d’un mauvais œil la façon dont le Japon, sous le couvert de moderniser la Corée, y accroissait son influence, et envoya à son tour des soldats. Les nations occidentales profitèrent de cette période confuse pour signer des traités avec la Corée : États-Unis (1882), Grande-Bretagne (1883), Allemagne (1883), Italie (1884), Russie (1884), France (1886) ; puis, plus tard, Autriche (1892), Belgique (1901) et Danemark (1902).

Après avoir signé ces traités, le gouvernement coréen se trouva soumis aux pressions des représentants des puissances étrangères désireuses de placer leurs nationaux comme conseillers. L’affrontement sino-japonais (1894-95), terminé par le traité de Shimonoseki (1895), élimina la Chine ; l’expansionnisme japonais se heurta à la Russie, mais celle-ci dut finalement capituler à son tour (traité de Portsmouth, 1905). Les autres nations occidentales, qui avaient peu d’intérêts en Corée, laissèrent faire, rassurées d’ailleurs par le Japon, qui leur prodigua toutes les assurances nécessaires touchant ces intérêts. Le Japon s’empressa de conclure un traité de protection avec la Corée (1905) : la politique extérieure coréenne, puis la politique intérieure (1906) passèrent sous le contrôle japonais. Le prince Itō, que l’on a surnommé parfois le « Bismarck japonais », prit aussitôt des « mesures de conduite, de protection et de contrôle ». Les protestations coréennes, les soulèvements populaires et l’assassinat, en 1909, du prince Itō ne modifièrent pas cette situation. Le 22 août 1910, un nouveau traité était signé entre les deux pays. L’article premier stipulait que l’empereur de Corée (en 1897, la Corée avait pris l’appellation officielle d’empire Tä-han-tä-han če-guk) faisait « la cession complète et permanente à S. M. l’empereur du Japon de tous les droits de souveraineté sur la totalité de la Corée ». L’article 2 indiquait, quant à lui, que l’empereur du Japon acceptait cette cession et consentait à l’annexion. La Corée, administrée dès lors par un « gouvernement général », devenait terre japonaise.


L’occupation japonaise (1910-1945)

Le principal souci de ce « gouvernement général » fut de « japoniser » la Corée. Le premier gouverneur, le général Terauchi Masaki, s’employa par des arrestations massives à empêcher toutes manifestations antijaponaises, organisa l’administration d’une façon militaire (port de l’uniforme et du sabre) et interdit de publier des journaux en coréen. Un tel régime suscita la colère des Coréens.

Le 1er mars 1919, des intellectuels de toutes tendances, se réclamant de la déclaration du président Wilson sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, déclaration faite lors du « message au Congrès » du 8 janvier 1918, publièrent une « Déclaration d’indépendance ». Des manifestations se multiplièrent dans tout le pays ; elles furent brutalement réprimées et plus de 7 000 personnes furent exécutées au cours de l’année 1919. Certains Coréens se réfugièrent en Chine ; c’est ainsi que naquit, dans la concession française de Shanghai (Chang-hai), un gouvernement provisoire, dirigé dans les premiers temps par Li Seung-man (Syngman Rhee). D’autres gagnèrent la Mandchourie et même la Sibérie. Les rivalités qui se développèrent entre ces groupes, et en leur sein même, leur firent souvent perdre une partie de leur audience.