Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corée (suite)

Le départ des occupants en 1945, l’installation cette même année des Russes et des Américains de part et d’autre du 38e parallèle inaugurent dans l’histoire de la péninsule la période actuelle : celle qui vit son découpage en deux États dont chacun s’organisa aussitôt à l’exemple et avec l’aide généreuse de la puissance occupante. La guerre qui les opposa avec leurs alliés respectifs de 1950 à 1953 endommagea sérieusement ce début de reconstruction, les armées septentionales s’avançant jusqu’au sud de la péninsule tandis que celles du Sud prenaient ensuite le chemin du nord. La paix ne se fit qu’au prix d’une consolidation du partage de la Corée en deux États, dont la frontière commune est aussi, en Extrême-Orient, celle des mondes capitaliste et socialiste. Frères de race et de culture, c’est au moyen de systèmes socio-économiques différents que les Coréens du Nord et ceux du Sud exercent actuellement, avec un succès comparable, une emprise renouvelée sur le milieu naturel et humain traditionnel.

Les Coréens

À la fin du xixe s., les voyageurs occidentaux rencontrant les Coréens les spécifiaient non seulement par le développement du corps et de la taille ainsi que par la teinte fauve des cheveux et de la barbe, mais aussi par leur caractère doux, aimable, hospitalier et par leur zèle dans les travaux des champs.

Si, à notre époque, personne ne doute qu’il existe une homogénéité ethnique qui règne sur l’ensemble de ces Coréens, nul ne pourrait préciser avec certitude l’origine de ce peuple, bien que certains linguistes le rapprochent des peuplades qualifiées d’altaïques ou d’ouralo-altaïques.

Construite, de préférence, face au sud, de plain-pied, la maison coréenne, couverte soit de tuile soit de chaume, comporte traditionnellement trois parties principales, à savoir un an-č’e (= partie d’intérieur), un bakkat-č’e (= partie d’extérieur) et un häng-rang (= partie réservée aux domestiques). Le premier, souvent séparé des deux autres par un mur, consiste en un an-bang, pièce réservée à la maîtresse de la maison, qui est contigu à la cuisine et à un ma-ru, pièce planchéiée, à laquelle les spécialistes coréens attribuent une origine religieuse — le ma-ru était, selon eux, le lieu de culte familial —, et en d’autres pièces d’usage familial, tandis que le second, appelé souvent sa-rang, est réservé au chef de famille, qui y reçoit ses visiteurs. Le häng-rang est aligné sur le mur d’extérieur et juste à côté de la porte d’entrée. Il faut ajouter ici que toutes les pièces de la maison sont chauffées séparément à l’aide d’un système dit d’on-dol, système qui consiste à chauffer le plancher par la chaleur qu’envoie le foyer posé à l’extérieur de chaque chambre et qui traverse les conduites, en forme d’éventail que l’on trouve au-dessous du plancher.

Il convient de noter qu’au moins la moitié de la population coréenne est sans religion ; une étude parue en 1969 démontre qu’en Corée du Sud le nombre des Coréens sans religion s’élève à 64 p. 100 chez les agriculteurs, 64 p. 100 chez les hommes d’affaires et 47 p. 100 chez les intellectuels.

Cette tendance n’arrive toutefois pas à effacer le chamanisme, que les Coréens ont pratiqué dès la haute antiquité et dont les traits fondamentaux sont très proches de celui des ethnies de l’Asie du Nord-Est ; cela est prouvé, notamment, par la subsistance des « poteaux sacrés », čang-säng, ou sot-te en coréen, qui marquent le lieu sacré où le culte d’exorcisme est rendu soit par un chaman ou une chamane, soit par un homme laïc élu par les villageois. Ce chamanisme coréen, dont on estime actuellement au moins à une centaine de milliers les pratiquants dans la partie sud de la Corée (statistique de 1966), est profondément influencé par les doctrines religieuses et philosophiques venues de Chine, bouddhisme, taoïsme et confucianisme.

Du bouddhisme, introduit en Corée vers le milieu du ive s. sous la forme du Mahāyāna, les Coréens ne gardèrent qu’une conception superficielle qui se marque par la croyance dans des pouvoirs guérisseurs ou magiques. Après bien des vicissitudes, c’est la secte dhyāna, connue sous le nom de Čo-gye čong, qui domine actuellement le bouddhisme coréen. En 1971, le nombre de bouddhistes était estimé à 7 106 000 dans la république de Corée.

En ce qui concerne l’état actuel du bouddhisme dans le Nord, nous savons que les temples bouddhiques se sont transformés, dans la plupart des cas, en lieux de repos pour les travailleurs.

Quant au taoïsme, que les Coréens ont connu avant le début du viie s., il fut incorporé à d’autres systèmes religieux, ainsi que le prouve la naissance du Tong-hak (doctrine orientale), une religion syncrétique du chamanisme, du bouddhisme, du taoïsme et du confucianisme. Fondée par Č’eu Če-u (1824-1864) en 1859, cette doctrine religieuse, qui a pris, depuis 1905, le nom de Č’ŏn-do gyo (doctrine de la voie céleste), compte, dans le sud de la péninsule, 636 000 adeptes d’après une statistique de 1971. Dans le Nord, il existe officiellement un parti politique, le Č’ŏng-u tang, formé en 1945 pour réunir les croyants de ce Č’ŏn-do gyo.

Cependant son rôle politique et religieux est pratiquement réduit à néant devant celui du parti communiste.

Le christianisme, implanté en Corée au cours du xixe s., possède un nombre de fidèles croissant ; on dénombrait en Corée du Sud 779 000 catholiques et 3 218 000 protestants des diverses sectes (dont 1 014 000 presbytériens et 289 000 méthodistes) en 1971. Il est intéressant de noter, à ce propos, que 52 p. 100 des intellectuels déistes sont chrétiens, catholiques ou protestants. En ce qui concerne le christianisme dans la Corée du Nord, nous savons seulement qu’il n’y existe actuellement ni prêtres ni églises.

Quant au confucianisme, qui commença à exercer une influence décisive sur la vie sociale coréenne à partir de la fin du xive s., c’est le système philosophique qui joue actuellement le rôle le plus important dans le domaine de la morale et de la conscience des Coréens. On a évalué, en 1971, le nombre des fidèles du confucianisme en Corée du Sud à environ 4 423 000. La quasi-totalité des familles coréennes du Sud rendent, à chaque anniversaire de la mort des ancêtres paternels, un culte ancestral que l’héritier légitime préside, le matin très tôt avant le premier chant de coq, avec l’assistance des membres de sa famille du sexe masculin, rangés par ordre de génération et d’âge. Ce culte illustre le fait que la vie sociale est fondée sur le familiocentrisme. Il est vrai, en effet, que dans la Corée d’aujourd’hui, aussi bien dans le Sud que dans le Nord, un chef de famille jouit, dans la plupart des cas, du droit d’aînesse traditionnel, bien que celui-ci ne soit plus reconnu juridiquement, et qu’un héritier de la lignée la plus directe du clan est considéré comme représentant du groupe des familles apparentées, dans lesquelles l’ordre de généalogie et d’âge est toujours très respecté. Il est intéressant de préciser aussi que les Coréens ont recours, pour reconnaître la parenté, au système de graduation en č’on (= degré) ; le troisième č’on désigne les oncles, le quatrième les cousins germains, le cinquième les cousins germains des parents ; le sixième les enfants de ces derniers, etc. ; mais il est de coutume de ne pas compter en č’on ceux qui sont liés par la filiation directe. C’est ce familiocentrisme qui a favorisé le régionalisme, qui laisse encore des traces dans la société contemporaine, ainsi qu’on le remarque dans la survivance des villages formés par les gens d’une parenté plus ou moins proche ; ces derniers sont souvent unis par le kye, une sorte de mutualité s’assurant réciproquement contre certaines dépenses importantes (maladies, mariages, funérailles, etc.). Cette tendance a encouragé l’exogamie, qui se pratique encore aujourd’hui aussi bien dans le sud que dans le nord de la Corée.