Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

corde vibrante (suite)

Partiels des cordes vibrantes

Le son fondamental n’est pas le seul son qu’une corde vibrante puisse émettre : si on touche légèrement du doigt une corde en son milieu et si on la met en vibration, par exemple au moyen d’un archet qui l’attaque au quart de sa longueur, on constate que la corde vibre cette fois en se divisant en deux fuseaux égaux au lieu d’un seul et qu’elle émet un son à l’octave aiguë du son fondamental (donc de fréquence N2 = 2N1). On constate aussi que ce mode de vibration subsiste (à l’amortissement près) même quand on retire ensuite le doigt et l’archet. Il s’agit donc bien d’un mode de vibration propre à la corde. Le fait d’effleurer la corde en son milieu n’a servi qu’à amorcer la vibration de la corde suivant ce mode. Une fois amorcé, le mode de vibration subsiste. On aurait tout aussi bien pu l’exciter sans le moindre contact matériel, par résonance, par exemple si la corde est en acier, au moyen d’un petit électroaimant alimenté par un courant alternatif de fréquence double de celle du son fondamental.

De la même manière, en effleurant la corde au tiers de sa longueur et en l’attaquant au sixième, la corde se divisera en trois fuseaux égaux, le son émis étant à la douzième du son fondamental (donc de fréquence N3 = 3N1), etc. Et d’une manière générale, quand la corde vibre en f fuseaux, elle émettra un son de fréquence
Nf = f N1.

Pour rappeler que la corde se partage en 1, 2, ..., f, ... parties distinctes dans chacun de ces modes de vibration, on appelle sons partiels ou plus simplement partiels les sons que la corde émet quand elle vibre suivant ces modes. Les partiels d’une corde vibrante forment donc une série harmonique, puisque leurs fréquences sont des multiples entiers de la fréquence du son fondamental (ou premier partiel).

Ces partiels sont utilisés en musique : les violonistes savent bien qu’en effleurant légèrement une corde au voisinage de son milieu ils obtiennent une note à l’octave aiguë de la note qu’émet la corde à vide. Cette même note peut aussi être obtenue en pressant du doigt la corde sur la touche au milieu de sa longueur, mais, dans le premier cas, la corde en entier vibre en deux fuseaux et, dans le second, seule vibre la moitié de la corde comprise entre le doigt de l’exécutant et le chevalet. Le timbre n’est donc pas le même. Les violonistes utilisent de la même manière le troisième partiel de leurs cordes en l’effleurant au tiers de sa longueur. Le quatrième partiel est utilisé systématiquement dans le jeu dit « en harmoniques », parce que l’écartement des doigts permet, si l’on presse de l’index la corde sur la touche, d’effleurer du petit doigt la corde au quart de la longueur entre l’index et le chevalet. La note émise est alors à la double octave de celle qu’émet la corde quand on retire le petit doigt, ce qui permet de jouer une mélodie dans l’extrême aigu avec un timbre particulier. Il faut toutefois être déjà maître de la technique du violon pour jouer de cette manière sans que l’auditoire ait à en souffrir.

Mais, en toute rigueur, la série des partiels d’une corde vibrante ne se confond avec la série des harmoniques du son fondamental que pour une corde idéale, sans raideur, c’est-à-dire qui n’offre aucune résistance à la courbure. Les cordes réelles, bien que très flexibles, ne sont cependant pas complètement dépourvues de raideur, et la théorie montre que la fréquence Nf du partiel de rang f est toujours plus élevée que celle de l’harmonique de rang f du son fondamental, et cela d’autant plus que le rang f du partiel augmente. Plus précisément, la fréquence du partiel de rang f est donnée par la relation

a est un coefficient qui, pour une corde de section circulaire, est d’autant plus grand que le diamètre est plus grand et que la longueur et la tension sont plus faibles. La série des partiels sera donc d’autant plus voisine d’une série harmonique que la corde sera plus mince, plus longue et plus tendue. On aura une idée de l’importance de l’écart entre la série des partiels d’une corde douée de raideur et une série harmonique, en remarquant que, pour les cordes les plus graves d’un piano « quart de queue » (qui, bien qu’étant filées, sont celles qui présentent le plus de raideur), le vingtième partiel a la fréquence du vingt et unième harmonique du son fondamental.


Timbre des cordes vibrantes

Quand la vibration de la corde est entretenue (par exemple au moyen d’un archet), son mouvement est un mouvement périodique qui peut être considéré, d’après le théorème de Fourier, comme résultant de mouvements périodiques simples harmoniques du son émis par la corde. Le timbre dépend de la répartition de ces harmoniques. Donc, en particulier, du point où l’archet attaque la corde, parce que les harmoniques correspondant aux modes de vibration de la corde qui présente un nœud de vibration au point d’attaque ont une contribution négligeable : les violonistes savent bien qu’ils peuvent changer le timbre en attaquant la corde près de la touche ou près du chevalet (sul ponticello) ; dans le piano, les marteaux attaquent les cordes à peu près au septième de leur longueur, le septième harmonique étant discordant avec les six premiers. Dans les instruments à cordes pincées, comme la guitare, le timbre sera différent selon que la corde est attaquée par le doigt (sonorité douce) ou par un plectre (sonorité plus rêche, le son étant plus riche en harmoniques de rang élevé).

Mais, en réalité, le problème est beaucoup plus complexe : une corde vibrante est en elle-même un émetteur sonore d’une affligeante pauvreté. Dans les instruments de musique, ses vibrations demandent à être transmises par l’intermédiaire du chevalet à un émetteur sonore plus efficace, qui est la table d’harmonie de l’instrument. Mais cette table est elle-même un résonateur qui ne transmet pas avec une égale efficacité toutes les vibrations que la corde lui transmet. Il s’ensuit que, même si deux violons sont montés avec des cordes identiques, le timbre des sons qu’ils émettront sera fort différent.

P. M.