Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Constantinople (suite)

Importance religieuse de Constantinople

Le prestige religieux qui entoura Rome rejaillit naturellement sur Constantinople, la « Nouvelle Rome ».

L’importance de Constantinople dans le domaine religieux apparut dès le ive s. avec la grande querelle arienne. Quatre conciles œcuméniques se tinrent à Constantinople (381, 553, 680-681, 869-870) ; ils jouèrent un rôle capital dans les définitions dogmatiques relatives à la Trinité et au Christ. Dès le concile de 381, l’évêque (plus tard patriarche) de Constantinople a « les privilèges de l’honneur après l’évêque de Rome ». Peu à peu, le patriarche de Constantinople réussit à faire reconnaître sa juridiction sur près de la moitié de l’Empire byzantin, au détriment des patriarches d’Antioche et d’Alexandrie. À la fin du vie s., il prit même le titre de « patriarche œcuménique ».

La rupture avec Rome (1054) donna au patriarcat de Constantinople une nouvelle dimension (v. orthodoxes). La capitale de l’empire d’Orient devait continuer à jouer un rôle primordial comme centre théologique et liturgique.

P. T., P. P. et P. G.

➙ Byzantin (Empire) / Istanbul.

 T. Whittemore, The Mosaics of St. Sophia at Istanbul (Institut byzantin, 1933). / A. M. Schneider, Die Hagia Sophia zu Konstantinopel (Berlin, 1939). / R. Janin, Constantinople byzantine (Institut fr. d’études byzantines, 1951 ; nouv. éd., 1964) ; les Églises et les monastères de Constantinople (Institut fr. d’études byzantines, 1953 ; nouv. éd., 1969). / J. Ebersolt, Constantinople, recueil d’études d’archéologie et d’histoire (A. Maisonneuve, 1952). / R. Guilland, Études de topographie de Constantinople byzantine (Berlin, 1969 ; 2 vol.). / G. Dagron, Naissance d’une capitale. Constantinople et ses institutions de 330 à 451 (P. U. F., 1974).


Constantinople, ville d’art

Il ne subsiste rien de la Byzance grecque et presque rien de la ville de Constantin. La sédition Nika de 532, au début du règne de Justinien, a détruit les premières églises Sainte-Sophie, Sainte-Irène et des Saints-Apôtres. Il ne reste guère du ive s. que le tracé de l’Hippodrome, aujourd’hui la place At Meydani, proche de Sainte-Sophie. Déjà il y avait une liaison interne entre le Palais impérial, l’église patriarcale et le cirque, lieu de réunions populaires dont l’action politique se fit sentir tout au long de l’histoire de Byzance. Sur la spina du cirque — l’arête autour de laquelle tournaient les chars — subsistent encore, ramenée de Delphes par Constantin, la colonne serpentine jadis dédiée par les Grecs à Apollon après la bataille de Platées, et deux obélisques — dont celui de Théodose, un monument du pharaon Thoutmosis III apporté de Karnak et érigé en 390 sur une base ou est représente l’empereur, dans sa loge de l’Hippodrome, recevant les hommages des Barbares vaincus. L’aqueduc de Valens, en partie conservé, est un autre reste du ive s. ; des fouilles à l’emplacement du Palais impérial ont mis au jour de belles mosaïques, sans doute de la fin du même siècle. Le seul vestige du ve s. est l’église basilicale de Saint-Jean-de-Stoudios (Imrahor Camii), dont les colonnes portaient un toit de charpente. Justinien, au siècle suivant, a attaché sa gloire à reconstruire la ville détruite par l’émeute — non en réparant les monuments constantiniens, mais en confiant à des architectes novateurs la construction de palais et d’églises d’un style nouveau. La ville de Constantin était à l’image de Rome. Celle de Justinien va fournir des modèles à toutes les capitales du Proche-Orient médiéval.

De ces monuments, le plus illustre est la cathédrale Sainte-Sophie. Anthémios de Tralles et Isidore de Milet, ses architectes, ont mis en œuvre, avec une étonnante audace, des techniques de construction nouvelles — étrangères à l’art romain. Alors que la coupole du Panthéon de Rome est portée par un cylindre de béton, celle de Sainte-Sophie repose sur quatre grands arcs et, avec ses 32 m de diamètre, atteint 55 m de hauteur. Les piles qui portent ces arcs furent renforcées pour compenser les puissantes poussées de la coupole : à l’est et à l’ouest, elles sont contre-butées par des semi-coupoles de même diamètre ; au nord et au sud, les arcs sont supportés par des murs très ouverts — avec au rez-de-chaussée comme à l’étage les colonnes d’une basilique — et soutenus par d’énormes contreforts qui, traversant les collatéraux, surgissent à l’extérieur de l’église. Des voûtes successives, tout autour de cette nef immense, contribuent à son équilibre. Encore la coupole s’écroula-t-elle dès 558 et dut être reconstruite avec moins de hardiesse. Telle qu’elle est, elle couronne la plus belle salle qui existe au monde. La crise iconoclaste, au viiie s., conduisit les empereurs à arracher un décor figuré tenu pour idolâtre : les si belles mosaïques retrouvées depuis quarante ans par Thomas Whittemore évoquent la piété des empereurs postérieurs au ixe s.

Non loin de Sainte-Sophie se dresse une autre église construite par Justinien, Sainte-Irène. Sophie, c’est la sagesse divine ; Irène, c’est la paix. Le monument est couronné par deux coupoles, moins hardies — la première est équilibrée par la seconde, de plan ovale et moins élevée. Constantin avait fait construire, pour y placer son tombeau, une église dédiée aux saints apôtres : il voulait regrouper autour de sa tombe les reliques des plus puissants intercesseurs, les témoins mêmes du Christ. Le monument, détruit, fut remplacé par une église de plan nouveau — cinq coupoles en croix ; lui aussi disparu, cet édifice a servi de modèle à Saint-Marc de Venise. Par contre, un autre monument, dédié aux saints Serge et Bacchus, témoigne encore de l’art du vie s. Cette église, qu’on appelle aussi la « petite Sainte-Sophie » (Küçük Aya Sofya) et dont le plan octogonal et l’élévation sont proches de ceux de San Vitale de Ravenne, est d’un style plus sobre, mais non moins efficace. Signalons encore l’église Saint-Polyeucte, récemment dégagée près de la nouvelle Municipalité et qui a livré de très beaux reliefs décoratifs en marbre.