Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Constantinople

Ancien nom d’Istanbul*.



Les origines

Le site privilégié de Constantinople a très tôt attiré les hommes : des découvertes fortuites permettent d’en faire remonter les débuts à l’époque néolithique. Mais son importance stratégique n’a pas manqué de provoquer les convoitises des conquérants, soucieux de contrôler la route des grandes migrations entre la Thrace et l’Asie Mineure.

Parmi les plus anciennes populations fixées sur les rives du Bosphore, on rencontre des Thraces, juchés sur l’actuel promontoire du Sérail, à l’intérieur d’une forteresse appelée Lygos, et des marchands phéniciens, installés sur la côte asiatique, à Chalcédoine (auj. Kadiköy). Vers 658 av. J.-C., une colonie mégarienne supplante les Thraces et hérite de leur emplacement : le chef de cette colonie se serait appelé Byzas, et la légende le considère comme le héros éponyme de la ville. La citadelle de « Byzantion », ornée selon l’usage de palais et de temples, était défendue par une enceinte de modestes dimensions : un rempart flanqué de vingt-sept tours. Les fortifications furent ensuite renforcées par le Lacédémonien Pausanias, qui, par la bataille de Platées (479), avait mis fin à la domination perse, et par l’archonte byzantin Léon, qui, en 340, dirigea la défense contre les assauts de Philippe II de Macédoine.

En 279, la ville est assiégée par les Gaulois et n’évite le désastre qu’en leur consentant un tribut annuel de 30 talents. Ayant fait sienne la cause de C. Pescennius Niger, elle est conquise en 196 apr. J.-C. par l’empereur Septime Sévère. Ses murs sont rasés, son droit de cité est aboli et elle est rattachée à Périnthe (Heraclea Pontica, auj. Ereğli) ; elle perd même son nom et reçoit celui d’Augusta Antonina, qui tombe vite dans l’oubli. Sa vengeance assouvie, le conquérant romain s’emploie à restaurer la ville : il l’embellit de grandes artères, de places, de portiques, de thermes, d’un cirque, d’un théâtre et l’agrandit en construisant une nouvelle enceinte à 400 m plus à l’ouest (superficie totale : environ 200 ha).


La fondation

Dans la compétition entre Licinius et Constantin*, Byzance mise sur le premier : or, celui-ci est vaincu à Andrinople, puis à Chrysopolis (auj. Üsküdar, faubourg d’Istanbul) en 324. La ville expie son mauvais choix : ses murailles sont démolies et son élite exilée. Mais Constantin ne tarde pas à apprécier l’importance de sa conquête et, quelques mois plus tard, obéissant à des considérations politiques et stratégiques, il en fait la capitale de son empire.

La « Nouvelle Rome » est construite entre 324 et 336. Le 11 mai 330 ont lieu l’inauguration officielle et l’installation des autorités politiques au milieu de réjouissances qui durent quarante jours. L’organisation de la nouvelle cité, qui participe à la souveraineté impériale, est calquée sur celle de Rome : la ville est répartie en quatorze régions administratives, dotée de nombreux édifices publics et ornée de statues et de colonnes honorifiques. Le rôle essentiel revient à l’ancienne boulê de Byzance, transformée en sénat de Constantinople : son approbation sera constamment indispensable à la légitimation du pouvoir impérial. Jugeant l’ancienne ville trop exiguë, Constantin décide de donner à sa fondation une aire à la mesure de son importance : sa limite occidentale est reportée 2,5 km plus loin et protégée par un rempart dont des vestiges existaient encore au ixe s. (superficie totale : 700 ha).


L’évolution historique

L’empereur Théodose Ier le Grand, qui assure le triomphe définitif du christianisme, partage l’Empire romain entre ses deux fils en 395 : l’aîné, Arcadius, hérite de l’Orient et le cadet, Honorius, de l’Occident. Alors, Rome et les pays occidentaux sont submergés par les invasions germaniques du ve s. ; Constantinople repousse tous les assauts des Huns et des Goths grâce à la formidable ligne de défense élevée sous Théodose II, dont les restes imposants évoquent encore la puissance.

En 513, le commandant de la Thrace, Vitalien, se révolte contre l’empereur Anastase Ier et attaque sans succès la capitale par terre et par mer. En 532, la ville est secouée par la sédition Nika. En 602, un officier subalterne de l’armée du Danube, Phokas, fait défection, et les régiments des mutins bivouaquent aux pieds des remparts : une révolution intérieure leur en ouvre les portes. Mais, en 610, l’escadre de l’exarque de Carthage se présente dans les eaux du Bosphore : lasse du tyran, la population remet le pouvoir à Héraclius, qui sera le premier empereur réellement byzantin. L’Empire affronte alors de graves dangers : les Avars et les Slaves, qui, depuis le début du vie s., déferlent sur la péninsule balkanique, s’entendent avec les Perses pour assiéger Constantinople. Durant l’été de 626, cependant que les troupes du général perse Shahrbarâz campent à Chalcédoine, une masse innombrable d’Avars, de Slaves et de Bulgares investit la ville de tous côtés. En l’absence de l’empereur, le patriarche Serge s’emploie à soutenir le moral de la population, et la flotte byzantine disperse et anéantit les monoxyles des Barbares.

Un demi-siècle après la mort de Mahomet, les Arabes, dont l’expansion fulgurante a dépouillé l’Empire de la plupart de ses possessions orientales, lancent une première expédition contre Constantinople (669), au coure de laquelle périt un chef illustre, Abū Ayyūb, le dernier compagnon du Prophète. Au printemps de 674, ils décident de frapper un grand coup contre le centre de l’État byzantin : une puissante escadre apparaît dans la mer de Marmara. Des échecs successifs ne découragent pas les assaillants, qui répètent leurs tentatives durant quatre ans, mais tous leurs efforts pour faire sauter le verrou de l’Europe échouent, et ils se retirent en 678 après avoir subi de lourdes pertes. En 717, les Arabes renouvellent leur entreprise, mais, comme quarante ans plus tôt, Byzance emporte la décision : le feu grégeois détruit la flotte des assaillants, et la peste et la famine déciment leurs rangs. En 718, le blocus est levé : pour la deuxième fois, l’assaut des Arabes s’est brisé sur les murailles de la capitale byzantine.