conservateur (parti) (suite)
Cependant, l’affaiblissement du ministère Asquith au bout de quelques mois de guerre conduit les conservateurs à rentrer au gouvernement lorsque est formé en mai 1915 le premier gouvernement d’union nationale. Leur poids politique s’accroît lorsque Lloyd George, à la fin de 1916, prend la tête des affaires. Devenus l’élément majeur de la coalition, ils restent alliés aux libéraux partisans de Lloyd George jusqu’à ce que, en un dramatique retournement, l’heure paraisse venue en 1922 de secouer la tutelle des leaders et de reprendre une ligne politique autonome.
De 1922 à 1945, dans le chaos d’une période marquée par les conflits sociaux, la dépression économique, le crises internationales et la guerre, le pouvoir appartient principalement aux conservateurs
Ils s’y trouvent pendant plus de vingt ans, tantôt seuls, tantôt au sein d’un gouvernement de coalition. Parmi leurs réalisations principales, on compte le retour au protectionnisme, l’établissement d’un système de préférence impériale (accords d’Ottawa de 1932), la réorientation de l’économie britannique au profit de l’agriculture et des industries légères, l’assouplissement des relations avec les dominions, la réforme, au demeurant modeste mais tout de même grosse de promesses, du statut de l’Inde,
Par contre, la passivité du gouvernement conservateur au temps de Stanley Baldwin et de Neville Chamberlain face aux menaces du nazisme, l’attachement de la majorité du parti à la politique d’« apaisement », en dépit des avertissements de quelques esprits lucides et courageux (Churchill*, L. Amery, A. Duff Cooper, Eden), sont autant de fautes politiques graves qui handicaperont sérieusement les conservateurs après la guerre. Finalement, en mai 1940, Churchill, nommé Premier ministre, constitue un gouvernement d’union nationale comprenant conservateurs, travaillistes et libéraux, dont la tâche essentielle est de gagner la guerre.
Depuis 1945, le parti conservateur a su trouver un nouveau souffle
Pourtant, en dépit du prestige de Churchill et de la législation réalisée pendant la guerre, en particulier l’Education Act de 1944, il avait commencé par essuyer aux élections de 1945 une défaite cuisante. Deux hommes très différents, lord Woolton et R. A. Butler, préparent la reconstruction du parti. La force du nouveau conservatisme d’après guerre vient de ce qu’il a su accepter les conquêtes populaires de l’État providence, ou Welfare State, instauré par les travaillistes et ne pas remettre en cause la propriété publique de grands services ou corporations. À côté de cet édifice social, les conservateurs ont voulu stimuler l’initiative économique individuelle. Ils ont ainsi proposé à l’Angleterre un modèle de société prospère, excluant tout égalitarisme rigide et où chacun pourrait librement développer ses chances. Ils ont donc réussi à garder l’appui des classes moyennes tout en gagnant des secteurs de la petite bourgeoisie et de la classe ouvrière plus soucieux d’enrichissement individuel que de socialisme. (On compte qu’un tiers des électeurs ouvriers votent conservateur et que l’électorat conservateur est composé pour moitié d’ouvriers.) De même, en politique extérieure, sans remettre en cause la décolonisation (mis à part l’épisode de Suez en 1956), les conservateurs ont contribué largement à l’indépendance des colonies africaines (en particulier sous le gouvernement Macmillan) tout en marquant fortement leur attachement à la solidarité du Commonwealth et à l’alliance atlantique. Ainsi ils ont été en mesure de garder le pouvoir pendant treize années consécutives (1951-1964) et ensuite avec Edward Heath* (1970-1974).
F. B.
➙ Chamberlain (les) / Churchill (W.) / Disraeli (B.) / Eden (A.) / Grande-Bretagne / Heath (E.) / Macmillan (H.) / Peel (R.) / Salisbury (Robert Cecil, marquis de) / Travailliste (parti).
N. Ostrogorski, la Démocratie et l’organisation des partis politiques (Calmann-Lévy, 1903 ; 2 vol.). / G. G. Butler, The Tory Tradition : Bolingbroke, Burke, Disraeli, Salisbury (Londres, 1914 ; nouv. éd., 1957). / F. J. C. Hearnshaw, Conservatism in England (Londres, 1933). / D. Clarke, The Conservative Faith in a Modern Age (Londres, 1947). / Q. Hogg, The Case for Conservatism (Londres, 1947 ; nouv. éd., The Conservative Case, Harmondsworth, 1959). / R. J. White, The Conservative Tradition (Londres, 1950). / R. B. McDowell, British Conservatism, 1832-1914 (Londres, 1959). / I. Jennings, Party Politics (Cambridge, 1960-1962 ; 3 vol.). / R. T. McKenzie, British Political Parties (Londres, 1963). / G. D. M. Block, A Source Book of Conservatism (Londres, 1964). / I. Bulmer-Thomas, The Growth of the British Party System (Londres, 1967 ; 2 vol.). / E. A. Nordlinger, The Working-Class Tories (Londres, 1967). / R. T. Mackenzie et A. Silver, Angels in Marble : Working-Class Conservatives in Urban England (Londres, 1968). / R. Blake, The Conservative Party from Peel to Churchill (Londres, 1970).