connaissance (sociologie de la) (suite)
L’une des tâches les plus délicates que poursuivent ces recherches est de préciser la nature des rapports entre le type de connaissance et le support social privilégié. En bien des cas apparaissent des rapports d’homologie entre une structure sociale et la structure d’une croyance : un récit mythique peut être clairement organisé conformément à la répartition des tribus dans une société traditionnelle. Mais ce modèle s’avère souvent insuffisant : un groupe peut, au contraire, s’attacher à une idéologie qui tend à obscurcir les conflits réels ou qui présente un modèle inversé de sa réalité. Dans cette recherche, les modèles d’explication édifiés par la psychanalyse peuvent apporter une contribution positive : il se peut qu’entre le groupe et son discours apparaissent des rapports de sublimation, de refoulement ou de dénégation, familiers à la démarche psychanalytique.
Ces analyses permettent de comprendre les fonctions essentielles que remplissent les différentes connaissances dans la vie sociale et soulignent combien ces fonctions sont diverses : un mythe peut jouer un rôle intégrateur, mais un autre peut servir à justifier des revendications et participer à la réévaluation du groupe par lui-même. Une religion peut renforcer la soumission des groupes subordonnés, mais une autre peut fournir des motivations psychologiques pour une entreprise séculière. Une idéologie politique peut exalter les énergies et, simultanément, dissimuler les nouvelles contraintes qu’elle tend à établir.
Au sein des sciences sociales, la sociologie de la connaissance joue un rôle critique indispensable. Elle permet à la recherche sociologique de s’interroger sur ses propres conditionnements et donc sur sa propre validité ; elle oblige à reconsidérer les concepts employés, le choix des méthodes, les objectifs retenus ; elle permet ainsi un contrôle incessant de la pratique scientifique.
P. A.
➙ Gurvitch (G.).
F. Bacon, Essais de morale et de politique (1597). / Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1794). / M. Scheler, Die Wissenformen und die Gesellschaft (Leipzig, 1926). / K. Mannheim, Ideologie und Utopie (Bonn, 1929). / P. A. Sorokin, Social and Cultural Dynamics (New York, 1937 ; 3 vol.). / F. Znaniecki, The Social Role of the Man of Knowledge (New York, 1940). / G. Gurvitch, les Cadres sociaux de la connaissance (P. U. F., 1966). / Contributions à la sociologie de la connaissance (Anthropos, 1968).