Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Congo (république populaire du) (suite)

Quant à la zone nord, elle resta jusqu’en 1935 aux seules mains de la Compagnie forestière Sangha-Oubangui (C. F. S. O.), qui se limita, jusqu’à la grande crise, au caoutchouc de cueillette. Ses abus, qui furent constamment dénoncés (notamment par André Gide dans son Voyage au Congo, 1927), furent en grande partie responsables de la sanglante révolte du pays Baya, mouvement de résistance à l’oppression coloniale à résonance messianique qui regroupa plusieurs milliers d’hommes, à partir de 1928, autour du « féticheur » Karinou. Malgré l’envoi d’une colonne de répression et la mort de ce dernier l’année suivante, la lutte se prolongea jusqu’en 1935 sous forme de guérilla aux confins du Moyen-Congo et du Cameroun. La C. F. S. O.-Plantations se consacra ensuite au café ; la C. F. S. O.-Commerce devint après 1930 une filiale de la Société commerciale de l’Ouest africain (S. C. O. A.).

L’effet bénéfique du chemin de fer Congo-Océan, dont la construction de Brazzaville à Pointe-Noire, assurée par le gouverneur général Raphaël Antonetti, avait coûté quelque 20 000 morts (1921-1934), ne se fit guère sentir avant la Seconde Guerre mondiale.

Le ralliement du pays à la France libre (28 août 1940) sous l’impulsion de Félix Éboué (1884-1944), qui devint gouverneur général de l’A.-E. F. en novembre 1940, lui assura, en échange des biens d’importation essentiels, la vente à la Grande-Bretagne de la quasi-totalité de ses produits agricoles. Cependant, la guerre fut une leçon pour les colons, qui regrettèrent alors de n’avoir ni prospecté, ni outillé, ni industrialisé le pays. Après la conférence de Brazzaville (janv.-févr. 1944), ouverte par le général de Gaulle, et la création de l’Union française (1946), le Congo, siège de la capitale fédérale, profita plus que ses voisins des injections de crédit du F. I. D. E. S.

Dans le même temps, les Congolais s’éveillaient à la vie politique. L’initiateur en fut le gouvernement d’André Matswa, ex-tirailleur de la guerre du Rif, qui fonda à Paris, en 1926, l’Amicale des originaires de l’A.-E. F. et dont le succès rapide à Brazzaville alarma l’autorité coloniale. Condamné en 1930, il mourut en prison en 1942 et devint, dès lors, un héros mythique semi-divinisé, mais aussi le symbole de la lutte des premiers « évolués ».

Face au député Jean Félix Tchicaya, élu depuis 1945, et au leader socialiste Jacques Opangault, l’abbé Fulbert Youlou (1917-1972), soutenu par les Laris de la capitale, créa l’Union démocratique de défense des intérêts africains en 1956. Lorsqu’en novembre 1958 le Congo fut érigé en république, il prit la direction du gouvernement et fut élu président de la République en novembre 1959. Le 15 août 1960, le Congo accédait à l’indépendance complète.

Soutenu par les activistes européens, Youlou mit en place un régime autocratique et véreux, farouchement anticommuniste, mais incapable de résoudre les problèmes sociaux du pays. Obnubilé par le projet grandiose du barrage du Kouilou, il négligea de réduire par des projets plus modestes le chômage de l’ancienne capitale fédérale, devenue démesurée pour le pays. Sous la pression de manifestations de rue déclenchées par les syndicats chrétiens (13-15 août 1963), Youlou fut remplacé par Alphonse Massemba-Débat (né en 1921) et son Premier ministre Pascal Lissouba, qui s’appuyèrent sur le Mouvement national pour la révolution (M. N. R.), érigé en parti unique et doublé d’un mouvement de jeunesse, la J. M. N. R.

Après une première crise en 1966, marquée par la mise à l’écart momentanée de Lissouba, le régime maintint son option socialiste, en dépit de la prise militaire du pouvoir par le commandant Marien Ngouabi (né en 1938) en août 1968, lequel devint chef de l’État en janvier 1969. La Constitution de 1970 crée une république populaire du Congo, dont l’emblème est le drapeau rouge et l’hymne national l’Internationale. Une nouvelle Constitution est adoptée en 1973.

Le pays n’en continue pas moins de se débattre dans des difficultés politiques graves (de nombreux complots sont dénoncés par le régime). Les problèmes économiques sont également difficiles à résoudre : le pays bénéficie d’un port remarquable (Pointe-Noire) et est relativement industrialisé. Mais le gouvernement est paralysé par l’exiguïté de ses ressources face à l’ampleur de l’aide extérieure publique (France, mais aussi Chine, U. R. S. S., République démocratique allemande) et surtout privée. La création d’un secteur commercial d’État a, jusqu’à présent, échoué, et surtout le Congo souffre du manque de marchés. Le développement, impossible dans le cadre étroit des frontières, impliquerait l’organisation planifiée d’un vaste espace économique animé par des industries de base, que rend aujourd’hui peu concevable l’incompatibilité idéologique fondamentale isolant le Congo de ses partenaires de l’Union douanière économique de l’Afrique centrale (U. D. E. A. C).

C. C.-V.

➙ Afrique noire / Brazza (S. de) / Congo (royaume du) / Kongos.

 G. Sautter, la Cuvette congolaise (Impr. Servant-Crouzet, 1963) ; De l’Atlantique au fleuve Congo. Une géographie du sous-peuplement (Mouton, 1966 ; 2 vol.). / J.-M. Wagret, Histoire et sociologie politiques de la république du Congo (L. G. D. J., 1963). / P. Vennetier, les Hommes et leurs activités dans le nord du Congo-Brazzaville (O. R. S. T. O. M., 1965) ; Géographie du Congo-Brazzaville (Gauthier-Villars, 1966) ; Pointe-Noire et la façade maritime du Congo-Brazzaville (O. R. S. T. O. M., 1968). / H. Brunschwig et coll., Brazza explorateur (Mouton, 1966-1971). / S. Amin et C. Coquery-Vidrovitch, Histoire économique du Congo, 1880-1968 (Anthropos, 1970). / C. Coquery-Vidrovitch, Brazza et la prise de possession du Congo (Mouton, 1970). / H. Bertrand, le Congo. Formation sociale et mode de développement économique (Maspero, 1975).