Albert Ier (suite)
Les lendemains de la guerre
La divergence entre les prises de position des politiciens et l’ampleur des vues du souverain se manifesta publiquement au lendemain de la guerre. Dans un discours du trône très discuté, le roi promit, lors de la libération (1918) : le suffrage universel, la liberté syndicale, l’égalité linguistique et l’autonomie culturelle. Toutefois, respectueux de la Constitution, le souverain laissa au Parlement le soin de réaliser ce vaste programme. Hésitant à tirer les leçons du passé, le Parlement fit longtemps preuve d’une insurmontable réticence à réaliser le volet linguistique du programme : il fallut attendre 1932 pour voir voter les lois établissant l’égalité linguistique en matière scolaire et administrative.
Veillant scrupuleusement à ne jamais outrepasser ses droits constitutionnels, le roi Albert n’en fut pas moins un souverain actif. Il intervint dans la formation ou la dissolution de plusieurs cabinets, ayant recours, selon les circonstances, aux entrevues particulières ou, au contraire, au procédé de la lettre publique. On doit à son initiative la fondation de l’Académie des lettres et la création du Fonds national de la recherche scientifique. Le roi resta, tout au long de son règne, fort attentif au sort du Congo, qu’il visita à plusieurs reprises. Ayant réussi à obtenir le consentement des grandes puissances sur le statut de la jeune colonie belge, il s’employa, non sans succès, à y promouvoir le développement économique et culturel.
Ayant, sans désemparer, identifié son sort à celui de la nation, le roi Albert incarnait véritablement l’intérêt national. L’unanimité des hommages à sa mort en témoigne. Il mourut prématurément lors d’une chute dans l’ascension des rochers de Marche-les-Dames. Vainqueur de la Grande Guerre, le roi Albert entra dans l’histoire auréolé de gloire et cependant méconnu.
P. J.
➙ Belgique / Guerre mondiale (Première) / Léopold II.
E. Galet, S. M. le roi Albert, commandant en chef devant l’invasion allemande (Plon, 1931). / Mémorial du roi Albert, publié sous la direction de T. Heyse (Van Campenhout, Bruxelles, 1934-1935). / L. De Paeuw, Albert, troisième roi des Belges (Bruxelles, 1934). / Les Carnets de guerre d’Albert Ier, publiés par R. Van Overstraeten (Dessart, Bruxelles, 1953). / A. Cosemans et T. Heyse, Contribution à la bibliographie dynastique et nationale, t. IV : règne d’Albert (Van Campenhout, Bruxelles, 1959-1961). / C. Bronne, Albert Ier, le roi sans terre (Plon, 1965).