Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Confédération germanique (suite)

Toutefois, il est d’autres « ambitions politiques » des États secondaires : celles de jouer la carte du libéralisme et du constitutionnalisme. Certains épisodes ont retenu davantage l’attention des contemporains : la manifestation de la Wartburg en 1817 ou, en 1832, celle de Hambach (au Palatinat bavarois), qui réunit des milliers d’Allemands, ainsi que des Polonais et des Français, pour écouter les appels d’August Wirth à la République démocratique ; ou encore la tentative de coup de force contre la Diète en 1833.

Il y avait davantage d’avenir politique dans l’octroi et le maintien de Constitutions libérales à Munich, à Stuttgart et surtout à Karlsruhe (1818-1819) : les deux chambres du grand-duché de Bade et l’université de Fribourg apparaissaient, grâce à Karl Wenzeslaus von Rotteck (1775-1840) et à Karl Theodor Welcker (1790-1869), comme les tribunes et les organes de codification du libéralisme.

Les « six actes » du Bund (1832) confirment et alourdissent le système de surveillance déjà existant, qui ne prendra fin qu’en 1848. Aussi, dans l’Allemagne tranquille — l’Allemagne des Biedermeier, des intérêts économiques et du bien-être bourgeois —, les orientations particularistes s’accentuent, notamment dans cette Bavière dont Bismarck reconnaîtra le patriotisme spécifique. Au nord, la Prusse ne se fait remarquer ni par une expérience constitutionnelle ni par un essor artistique, mais par une politique économique : elle réalise d’abord son unité douanière, puis s’engage dans une entreprise quasi révolutionnaire d’unification douanière des pays de la Confédération : le traité avec la Hesse-Darmstadt (févr. 1828), noyau du « Zollverein », lui fait franchir la « ligne du Main », au-delà de laquelle elle n’avait pas, conformément à l’esprit du dualisme, tenté de concurrencer l’influence autrichienne. Entre 1832 et 1834, l’« association » crée un vaste marché commun à l’intérieur de la Confédération et sous la direction de la Prusse. Berlin en tire incontestablement un bénéfice politique, mais on ne peut affirmer qu’elle en tire aussi un bénéfice moral et populaire : devant la persistance de la concurrence étrangère et le maintien d’un tarif protecteur, on accuse souvent la bureaucratie prussienne de « sacrifier au géant britannique les intérêts allemands » et le Zollverein d’être « un ferment de division » (Sigmann).


L’ébranlement de 1848

Derrière la façade d’ordre que présentent les différents États, les insatisfactions, les discordances entre les besoins et les moyens nourrissent des programmes et accumulent des colères qui mettent également en cause le statu quo. Ainsi, la « Burschenschaft » des étudiants se réveille à partir de 1838. Ainsi, la destitution de sept professeurs de l’université de Göttingen en 1837, avocats d’une Constitution, a pour conséquence d’installer Friedrich Christoph Dahlmann (1785-1860) à Bonn, où il appuiera efficacement ce « libéralisme rhénan » qui reconnaît — après 1840 — la mission allemande d’une Prusse libérale.

Auteur du Système national d’économie politique (1841-42), Friedrich List (1789-1846) mène campagne pour une politique commerciale d’ensemble de l’Allemagne, et ses disciples insistent sur le rôle des chemins de fer dans l’évolution de l’Europe centrale vers une forme d’union ou d’unité. Les érudits soulignent à leur tour — par exemple au congrès des germanistes de Francfort, en 1846 — l’impératif de l’idéal national. Une péripétie de la politique internationale — un chapitre de la question d’Orient — soulève par ricochet, en 1840-41, dans le peuple, une inquiétude patriotique et une agressivité nouvelle à l’égard de la France, traduites par le Rhin allemand de Nikolaus Becker (1809-1845) et celui d’Ernst Moritz Arndt (1769-1860).

Un programme politique s’affirme en 1847, lorsque Georg Gottfried Gervinus (1805-1871) et ses amis (le groupe des libéraux rhénans) lancent à Heidelberg la Deutsche Zeitung (Gazette allemande), qui veut l’unité de l’Allemagne par « le lien d’une puissante fédération » tout en respectant le dualisme.

Mais voici qu’une explosion bouleverse l’Allemagne : c’est le « mars » (März), qui affecte d’abord le grand-duché de Bade et le royaume de Prusse, où l’instable Frédéric-Guillaume IV, converti au constitutionnalisme, rêve du leadership de la future Allemagne. Mais comment un Hohenzollern, dont le royaume a conservé une structure d’ancien régime, pourrait-il prendre la tête d’une grande entreprise qui doit être à la fois nationale et libérale ? Une assemblée issue d’un très large suffrage, élue en dehors de toute initiative gouvernementale (mai), traduit une entité nationale que le corps artificiel du Bund avait niée : les Tchèques et les Polonais ont refusé d’y siéger, et son premier président, Wilhelm Heinrich von Gagern (1799-1880), a déclaré d’emblée : « L’Allemagne veut l’unité et nous la lui donnerons. » Tel apparaît le « Parlement de Francfort », qui élit (juin) un « vicaire d’Empire » (Reichsverweser) en la personne d’un archiduc autrichien de réputation libérale, l’archiduc Jean, qui notifie bientôt à la Diète la fin de ses travaux : ainsi semble mourir, au bénéfice d’une jeune Allemagne, une Confédération germanique qui ne laisse aucun regret (juill. 1848).

L’Allemagne échappe à une révolution sociale, comme le symbolisent l’échec et l’exil de Karl Marx à Cologne. Mais elle s’engage dans une révolution libérale et une construction nationale également difficiles. Des députés — ceux-ci avec l’agrément de leur gouvernement — discutent à Berlin une Constitution propre à la Prusse, et certains envisagent de consacrer, parmi les principes modernes, celui de la nationalité, en aménageant un « duché autonome de Posen » pour les Polonais. D’autres députés, dont des députés prussiens, délibèrent à Francfort, indépendamment de leurs gouvernements, sur la Constitution de l’Allemagne entière, c’est-à-dire les principes fondamentaux la définition et les rapports des pouvoirs, enfin la place des nationalités non allemandes incluses jusqu’alors dans la Confédération.