Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

concurrence

État d’un marché caractérisé par le fait que les agents économiques pris individuellement n’y ont pas d’influence.


Une définition plus couramment admise entend par libre concurrence la non-intervention de l’État dans l’activité économique d’un pays, sinon pour interdire les coalitions de producteurs susceptibles de fausser le jeu de la loi de l’offre et de la demande.


La concurrence et la théorie économique

La notion de concurrence s’est imposée à la théorie économique, car elle permettait d’en simplifier considérablement les schémas. En effet, si chaque agent économique pouvait remettre en question le système des prix, il serait extrêmement difficile de faire la théorie d’un phénomène économique. La nécessité de bâtir des schémas réalistes a conduit les économistes à envisager non seulement un état de concurrence pure et parfaite, mais aussi d’autres états du marché qui s’en éloignent plus ou moins.

• L’état de concurrence pure et parfaite. C’est celui dans lequel : a) les vendeurs et les acheteurs sont suffisamment nombreux et où les quantités achetées et vendues sont petites par rapport à la valeur totale des produits échangés ; b) les firmes proposent des produits homogènes — ces derniers ne sont donc différenciés entre eux que par leur prix de vente ; c) les acheteurs et les vendeurs ont une information parfaite sur le marché ; d) il n’existe pas de droit d’entrée et de sortie sur le marché. (Cette hypothèse — dans laquelle les prix se fixeraient au niveau du coût marginal — n’étant pas vérifiée dans la réalité, on a recherché d’autres états susceptibles de mieux décrire la réalité.)

• L’état de concurrence monopolistique. Les produits ne sont pas exactement homogènes les uns par rapport aux autres. Il peut donc exister des préférences de l’acheteur pour tel ou tel produit, indépendamment du prix.

• L’état de monopole. Un seul vendeur est face à une multitude d’acheteurs.

• L’état de duopole. Deux vendeurs se trouvent face à une multitude d’acheteurs ; la fixation du prix peut donc résulter d’une bataille entre les deux vendeurs.

• L’état d’oligopole. Des vendeurs peu nombreux se trouvent face à une multitude d’acheteurs.

• Le monopsone. Il est caractérisé par la présence d’un seul acheteur face à une multitude de vendeurs.

• Le duopsone. Il met face à face deux acheteurs et une multitude de vendeurs.

• L’oligopsone. Un petit nombre d’acheteurs fait face à une multitude de vendeurs.


La réglementation de la concurrence

Les avantages de la concurrence pure et parfaite ont marqué les esprits. En effet, les biens et les services sont alors vendus au « juste prix », la concurrence jouant le rôle de gardien du marché ; si celle-ci disparaît, il est nécessaire de la remplacer par autre chose, c’est-à-dire, par exemple, par un système de prix fixé, mais les délais de réaction de l’autorité centrale sont tels que le système risque de ne pas atteindre un optimum pour la collectivité. L’autorité centrale des pays dits « capitalistes » a donc considéré que la protection de l’état de concurrence était un objectif important. En France, une circulaire administrative du 30 mai 1970 relative à certaines mesures d’assainissement de la concurrence précise : « La concurrence n’est pas une fin en elle-même, mais un moyen de favoriser un meilleur fonctionnement des circuits économiques et la recherche des progrès de productivité [...]. Une politique de concurrence équilibrée doit [...] définir les conditions de l’égalité des chances entre des partenaires très dissemblables, les mécanismes d’un affrontement loyal sur le marché, et corriger les excès auxquels les entreprises les plus dynamiques et les plus puissantes pourraient être tentées de se livrer [...]. Dans une économie en développement, la politique de concurrence doit assurer au consommateur final sa juste part des gains dus au progrès. Encore faut-il que son jugement ne soit pas faussé, que son choix puisse s’exercer librement, qu’il bénéficie d’une information et d’une protection satisfaisantes. Plus la compétition conduit les entreprises à faire preuve d’imagination et d’agressivité, plus il est nécessaire que des contrepoids jouent au bénéfice des consommateurs et leur permettent d’intervenir sur le marché en agents économiques éclairés. »

Cette philosophie est à l’origine de la réglementation pour protéger la concurrence, tant aux États-Unis que dans les États de la Communauté économique européenne. Ce sont d’ailleurs les pays où les notions de libre-échange sont les plus fortes qui disposent de l’arsenal légal le plus élaboré pour protéger la concurrence.

La réglementation de la concurrence est née pratiquement aux États-Unis avec l’adoption, le 2 juillet 1890, du célèbre Sherman Anti-Trust Act, proclamant notamment l’illégalité de « tout contrat, toute association sous forme de trust ou autrement, ou toute entente en vue de restreindre les échanges ou le commerce entre les différents États de l’Union ou avec les pays étrangers ».

Le Clayton Act du 15 octobre 1914 a pour objet de protéger les échanges et le commerce contre les restrictions et les monopoles. Il rend illégales la discrimination en matière de prix, la taxation du prix de vente de l’acheteur par le vendeur, l’acquisition par une société d’actions ou participations en capital lorsque cet achat aboutit à une situation de monopole.

La réglementation antitrust américaine devait avoir une influence dans la réglementation de la Communauté économique européenne. En effet, le traité de Rome, dans ses articles 85 et 86, s’en inspire quand il précise que « sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du Marché commun » et qu’est « incompatible avec le Marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ».