Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

concerts (association de) (suite)

À Paris, le 18 mars 1725, est créé le Concert spirituel, dont le rôle sera égal, au xviiie s., à celui de la Société des concerts du Conservatoire au xixe s. Anne Danican Philidor en est le fondateur et, parmi ses successeurs, nous trouvons les noms de Jean Joseph Mouret, Jean Joseph Mondonville, Antoine Dauvergne, Pierre Gaviniès et François Joseph Gossec. Les concerts avaient lieu aux Tuileries (salle des Suisses) les jours de fêtes religieuses où l’Académie royale de musique (Opéra) fermait ses portes. Les programmes ne comprenaient, au début, que des œuvres religieuses : motets de Lully, Delalande, Couperin, Campra, puis Rameau et Mondonville constituent essentiellement le répertoire. Mais dès 1727 la même « association » donne les « concerts français » (deux fois par semaine en hiver, une fois en été), qui complètent les programmes et proposent ainsi un éventail complet de la musique contemporaine, essentiellement française mais aussi étrangère : les sonates et concertos de Corelli et de Vivaldi participent ainsi, avec les œuvres de Jean-Marie Leclair, à la réhabilitation du violon en France ; le Stabat Mater de Pergolèse, acclamé en 1753, sera joué une fois par an jusqu’à la Révolution. La musique allemande apparaîtra plus tard avec Händel, Haydn (Symphonies parisiennes) et Mozart, dont on sait les craintes lors des répétitions de sa symphonie en mi bémol (1778). Les avis sont très partagés quant à la valeur des exécutions : la perfection des solistes (ceux de l’Académie ou ceux de passage) est, par certains, louée à l’égal de celle des chœurs et de l’orchestre (« tout ce qu’il y a de meilleurs sujets »). D’autres, comme l’historien voyageur anglais Charles Burney, en 1770, critiquent le style « ennuyeux » de Delalande, les « cris » et « beuglements » des solistes et des chœurs.

« Jugement sujet à caution », dit Michel Brenet, mais on peut évoquer toutefois un certain relâchement dans la valeur des exécutions, devenues peu à peu prétextes à comparaisons de solistes, ainsi qu’un affadissement du style musical qui était la base du Concert spirituel. Comme les autres concerts et associations, celui-ci disparaît pendant la Révolution, en 1791.

Car l’activité musicale ne se réduit pas au seul Concert spirituel. Il faut compter aussi avec les salons des « honnêtes hommes » qui se piquent de s’intéresser à tout, d’avoir leur concert, leur orchestre et aussi de participer aux exécutions. Ainsi apparaissent les auditions du trésorier Antoine Crozat en 1713, qui fusionnent en 1724 avec le Concert italien de Mme de Prie ; les frais sont couverts par une souscription d’abonnement ! Chez le prince de Conti, le Concert des mélophilètes (1722) est gratuit, mais aucun musicien professionnel n’y participe. Notons aussi les réunions tenues chez le duc d’Aumont, chez l’abbé Grave ou l’organiste Louis Nicolas Clérambault. La duchesse du Maine à Sceaux et la Pompadour à Bellevue s’attachent les plus célèbres musiciens (Campra, Mouret). Les concerts de la reine, à partir de 1725, dirigés par André Cardinal Destouches, puis par François Collin de Blamont et Jean Ferry Rebel, remplacent les « appartements » de Louis XIV. Mais au premier rang se tiennent les salons du fermier général Alexandre Le Riche de La Pouplinière qui, à partir de 1727, rue Richelieu comme à Passy, virent passer les plus connus des musiciens et interprètes du temps. La sûreté du goût de La Pouplinière et ses recherches de nouveautés valurent aux habitués de connaître les œuvres de son protégé, Rameau, d’entendre les premiers cors et clarinettes venus d’Allemagne, et de découvrir l’école de Mannheim et les symphonies de Stamitz.

En avançant dans le siècle, on aperçoit peu à peu une évolution du goût vers une musique instrumentale plus « facile » et un certain affadissement de l’art vocal. On note aussi l’apparition de nouvelles associations, concurrentes du Concert spirituel : en 1741, la Société des enfants d’Apollon ; en 1769, le Concert des amateurs, que dirige Gossec et qui devient en 1781 le Concert de la loge olympique ; enfin, les Concerts d’émulation en 1786. À la même époque, la meilleure musique se pratique dans les salons du maréchal de Noailles, de Mme Vigée-Lebrun et de Mme de Genlis. Pendant la Révolution, les principales associations disparaissent, et la vie musicale est assez réduite, malgré quelques essais comme les Concerts du théâtre Feydau (1794), ceux de la rue de Cléry ou de la rue de Grenelle, qui n’auront qu’une durée éphémère.

Cependant, dès cette époque, un renouveau s’annonce : les concerts d’élèves au Conservatoire, institués en 1796 sous le nom d’exercices publics, sont animés sous l’Empire (1806-1815) par un ancien premier prix de violon de la classe Pierre Baillot, dont le nom devient rapidement célèbre : François Habeneck (1781-1849). C’est lui qui dirige à l’Opéra en 1818 les séances du Concert spirituel lors de sa résurrection éphémère sous la Restauration. Ayant recruté une phalange de 78 instrumentistes et 87 chanteurs choisis parmi les élèves et anciens élèves du Conservatoire, Habeneck donne le 9 mars 1828 le premier concert de la Société des concerts du Conservatoire, au programme duquel figure la Symphonie héroïque de Beethoven. Cette association servit la musique avec un immense talent pendant près d’un siècle et demi ; elle fit connaître au public français les grands chefs-d’œuvre de la musique et révéla mainte œuvre contemporaine ; elle se déclara dissoute en 1967 afin de permettre (à l’instigation du ministère des Affaires culturelles, du conseil municipal de Paris et de l’ancien conseil général de la Seine) la création de l’Orchestre de Paris. Fondée par Charles Munch, qui en fut le chef dès l’origine, cette phalange d’élite fait rayonner le prestige de l’art musical français dans le monde entier. Herbert von Karajan, auquel succéda Georg Solti, en fut de 1969 à 1971 le conseiller musical, et Serge Baudo le chef permanent.