Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Albanie (suite)

Cependant, les réformes et l’aide matérielle des pays socialistes (la Yougoslavie jusqu’en 1948, l’U. R. S. S. ensuite) ne suffirent pas pour tirer le pays du Moyen Âge. Seule la mobilisation de la population derrière le parti communiste, devenu parti du Travail lorsqu’il se mit à critiquer les « erreurs » du khrouchtchevisme et rompit avec les Soviétiques (1961), put ébranler les anciennes structures et marquer un tournant dans l’économie. Les dirigeants albanais, en mettant au point la doctrine de la construction du socialisme « par ses propres moyens », tentent d’édifier une économie sinon compétitive sur les marchés occidentaux, du moins capable de fournir aux Albanais les moyens d’une vie de plus en plus décente. Avec l’aide d’ingénieurs et de machines qui leur viennent de la lointaine Chine, dont ils acceptent d’être la « tête de pont » politique en Europe, sans pour autant l’imiter dans sa mobilisation intérieure, ils ont entrepris de créer une industrie de transformation. En juillet 1969, ils ont, d’autre part, accompli une profonde réforme de l’enseignement.

E. Z.


L’art en Albanie

Si l’art populaire, notamment dans les régions montagneuses, accuse l’originalité ethnique du pays, l’Albanie, et surtout celle des plaines côtières et des vallées fluviales, a subi à chaque époque l’influence de la civilisation alors dominante dans cette partie de la Méditerranée.


Antiquité

Il subsiste des ruines importantes de certaines cités grecques comme Bouthrôton et Apollonia, qui fut un grand centre intellectuel. L’arrière-pays conserve les restes de nombreuses forteresses illyriennes des ive et iiie s. av. J.-C., de construction rustique (Gajtani et Symiza dans la vallée du Devolli, Dimala dans la région du mont Shpiragu, Berati, etc.). Les sites les plus riches témoignant de l’urbanisation romaine se trouvent dans les régions de Gjirokastra, de Vlora et de Berati. À Butrinti (nom actuel de Bouthrôton), une mosaïque ronde polychrome des iie-iiie s. apr. J.-C. devient, au Bas-Empire ou sous Justinien, le sol d’un baptistère qui, avec les ruines de la basilique de Saranda, est le plus ancien vestige chrétien en Albanie.


Période byzantine (ixe-xve s.)

L’art urbain monumental réapparaît à la fin du ixe s. : il est essentiellement byzantin, encore que l’influence occidentale subsiste dans les villes côtières et dans les régions plutôt catholiques du Nord.

• Architecture religieuse. Dès le début (église de Mborja, près de Korça, 898) est adopté le canon byzantin international. Un particularisme peut se marquer dans le décor externe, comme à l’église du monastère de Mesopotamo, près de Delvina : briques dessinant des figures géométriques (comme dans la région de Korça et en Grèce septentrionale), frise d’animaux sculptés en pierre, d’inspiration orientale. Aux xiiie et xive s., époque de la prospérité des villes princières (Shkodra, Durrësi, Berati, Gjirokastra), les plus belles églises byzantines sont celles de Berati ; ailleurs se marque parfois une influence romane.

• Peinture religieuse. Toutes les églises ont été revêtues de fresques conformes aux modèles venus de Constantinople, dans des tonalités assez pâles ; le thème le plus fréquent, la Deisis, se retrouve dans la production d’icônes.

• Architecture défensive. Les systèmes de fortifications romain, byzantin et vénitien se superposent à Durrësi et à Vlora. À l’époque des croisades apparaît la maison fortifiée (la kulla) des tribus montagnardes. Les châteaux forts se développent avec la menace turque à la fin du xive s. : Shkodra, Berati, Kruja, la citadelle aux sept tours où s’installa Skanderbeg.


Période turque et postbyzantine (xvie-xixe s.)

• Architecture. Au xvie s., la mosquée, gardant la structure des sanctuaires byzantins et richement décorée, domine la cité (mosquée des Plombs à Berati, 1553), tandis que l’église, construite extra-muros, ressemble à une simple maison. Mosquées, minarets et architecture civile islamique donnent à l’Albanie l’aspect d’un pays oriental, coupé de ses origines. Aux xviiie et xixe s., les mosquées se multiplient, mais, sauf celle d’Ethem Bey à Tirana, sont plus modestes ; les églises réapparaissent dans les villes (cathédrale de Berati, 1797 ; église à plan basilical de Saint-Nicolas de Voskopoja).

• Peinture. Autour d’Elbasani et de Berati se forme, aux xvie et xviie s., une école de peinture originale, bien qu elle soit reliée à celle de Macédoine. Le maître en est Onufre de Neocastra, prêtre qui peint à fresque, au milieu du xvie s., des églises de la région d’Elbasani ainsi que Saint-Théodore de Berati. Il habille les scènes du Nouveau Testament de multiples traits puisés dans l’époque contemporaine et le terroir albanais, composant une sorte de plaidoyer implicite pour la liberté nationale, d’une tension dramatique que relèvent des couleurs presque agressives. Le xviiie s. voit se former plusieurs cercles artistiques, tel celui de Korça avec le moine David de Selenica, qui travaille également dans un esprit réaliste et national, mais selon les modèles du Mont-Athos (fresques de Saint-Nicolas de Voskopoja, avec ses collaborateurs). Dépouillé de sa fonction liturgique, cet art aboutit, dans le cadre de la « Renaissance nationale » du xixe s., à une peinture romantique inspirée par la vie du pays.


Époque contemporaine

Fidèles à cette tradition de lutte pour une reconquête de la personnalité albanaise, les artistes du réalisme socialiste présentent un tableau passionné que dominent trois thèmes : la lutte pour la libération, la construction du socialisme et la vie des travailleurs.

A. Z.

➙ Byzantin (Empire).

 A. Baldacci, L’Albania (Rome, 1930). / L. M. Ugolini, L’Albania antica (Rome, 1927-1932 ; 2 vol.). / S. Skendi, The Albanian National Awakening, 1878-1912 (Princeton, New Jersey, 1967).