Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

comportement (suite)

Ce qu’il importe de souligner, c’est, d’une part, qu’il existe un accord absolument unanime entre tous ceux qui pratiquent la psychologie scientifique et, au-delà d’eux, les éthologistes, sociologues, linguistes, ethnologues et autres chercheurs en sciences humaines objectives, pour considérer que l’observation des comportements est le seul point de départ possible d’une recherche scientifique fondée.

Mais, d’autre part, ce avec quoi ces comportements sont mis en relation relève de choix épistémologiques et philosophiques divers. Autrement dit, le béhaviorisme inclut une option commune à tous les psychologues scientifiques, celle qui fait du comportement la base de toute étude objective en psychologie, et, à côté de cela, des choix qui lui sont propres et qui sont souvent restrictifs, sur ce qu’il est possible de construire sur cette base.

C’est pour échapper à la confusion entre la reconnaissance du concept de comportement et le béhaviorisme que certains auteurs ont pris l’habitude d’utiliser, à la place de comportement, le terme de conduite, largement illustré dans l’œuvre de Pierre Janet*. En fait, dans la plupart des cas, ce terme ne signifie, dans sa dénotation, rien de plus ni de moins que « comportement » ; mais ses connotations sont différentes en ce qu’il ne renvoie pas directement à behavior et à béhaviorisme et sous-entend le droit que s’attribue l’auteur qui l’emploie de faire appel à des entités internes pour l’expliquer.


Les unités de comportement et leurs paramètres

Le comportement d’un individu se présente à l’observateur comme une totalité étalée dans le temps et structurée. Tenter de l’analyser, c’est d’abord la découper en unités élémentaires de comportement, qu’il soit possible d’identifier, de compter et, éventuellement, de mesurer ou d’ordonner. Le problème ainsi posé n’est plus de savoir ce qu’est le comportement, mais ce qu’est un comportement ou une classe homogène de comportements.

Une réponse possible à cette question consiste à rechercher le découpage le plus analytique possible : on est alors très proche du point de vue du physiologiste et l’on peut étudier isolément les mouvements d’une partie du corps, voire la contraction d’un seul muscle, la sécrétion d’une glande. Une telle étude analytique d’une classe limitée de comportements se justifie dans la mesure où ceux-ci sont représentatifs d’une classe plus étendue, ou même de l’ensemble des comportements. Celui qui est choisi est alors traité méthodologiquement comme un indicateur d’une réalité qui le dépasse.

Cependant, on préfère fréquemment utiliser des unités de comportement plus larges : ce sera, par exemple, chez l’animal la construction d’un nid ou le parcours d’un labyrinthe, chez l’homme le fait de prononcer un certain mot ou d’écrire au cours d’un test une réponse déterminée à l’avance et définie par le psychologue comme la « bonne » réponse. Dans aucun de ces cas on ne se préoccupe, le plus souvent, de savoir dans le détail quels muscles ont été contractés ou quels organes ont été mis en jeu à tel ou tel moment ; on se contente de définir le comportement par son résultat objectif : ce que l’on prend alors comme fait de base, c’est le nid, construit ou non, le parcours effectué par l’animal, l’émission du mot, la trace laissée par la réponse écrite du sujet. Les diverses activités — avec leurs variations plus ou moins étendues — qui ont permis d’atteindre ce résultat constituent une classe d’équivalence : l’unité de comportement correspond alors assez bien à ce que le langage ordinaire appelle un acte ou une conduite. On parle aussi parfois, à ce propos, de comportements molaires, pour les opposer aux précédents, plus analytiques, qui sont qualifiés de moléculaires.

D’une manière générale, la dimension du comportement adoptée pour l’observation dépend essentiellement de considérations d’opportunité et du cadre dans lequel on désire en situer l’étude.

Il reste alors à mesurer selon divers paramètres le comportement ainsi identifié. D’abord, il est possible d’observer si, dans des conditions données, il est présent ou absent. C’est à ce cas que correspondent les mises en rapport d’un stimulus et d’une réaction répondant à cette question : qu’est-ce qui déclenche tel comportement ? La présence ou l’absence est la première caractéristique d’un comportement.

Lorsque les conditions de son apparition sont répétables — ce qu’on s’efforce de réaliser dans les situations expérimentales —, on peut aussi déterminer sa fréquence soit pour une unité de temps fixe, soit par rapport à la présentation d’une situation ou d’un stimulus constants ; on pourra constater, par exemple, qu’un conducteur de véhicule freine dans 60 p. 100 des cas quand il perçoit un feu tricolore passant à l’orange. Il arrive que l’on additionne ensemble des comportements quelque peu différents, mais qui appartiennent à une catégorie définie à l’avance : ainsi, on pourra faire le compte total des « bonnes réponses » données, dans un test psychométrique ou dans une épreuve de mémoire, à des questions diverses ; ces sommations ne doivent évidemment être opérées que si l’homogénéité des comportements est assurée.

Un certain nombre de comportements sont susceptibles d’être caractérisés par des grandeurs physiques : on mesurera ainsi en centimètres l’ampleur d’un mouvement, en grammes la force d’une contraction musculaire, en centimètres cubes l’abondance d’une sécrétion, en fractions d’ohms la valeur d’un changement de la résistance électrique de la peau. La mesure physique est, dans ce cas, appropriée au comportement observé, mais elle est censée en représenter une dimension psychologique stable que l’on appelle son amplitude. Dans d’autres cas — comme celui qui est évoqué plus haut d’une réponse écrite à une question —, cette mesure est pratiquement sans intérêt, et la présence ou l’absence du comportement, ou sa fréquence sont les seules caractéristiques prises en considération.