Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

commerce international (suite)

En organisant la transparence à l’échelle du monde, les créateurs de Bourses de commerce ont permis une confrontation globale des offres et des demandes. Ils ont favorisé l’uniformisation des prix dans l’espace et éliminé certaines des causes les plus graves de fluctuation des cours : il suffisait naguère d’une mauvaise récolte, en un point, pour y voir des hausses incontrôlables. En ce sens, le marché constitue un progrès.

Il n’élimine cependant pas toutes les causes de fluctuation et, dans bien des cas même, il les entretient. Les opérations menées sur les grandes places sont le fait de professionnels (importateurs, exportateurs, grossistes, courtiers). L’équilibre du marché et la stabilité des prix dépendent beaucoup de leurs anticipations : dans la mesure où leur horizon est plus long que celui des producteurs et des consommateurs, ils pourraient contribuer à la régularisation des cours en opérant contre la tendance. Ce n’est pas ce qu’ils font généralement : ils essaient de profiter des variations spontanées, ils les accusent et les aggravent.

L’instabilité des cours sur les marchés de denrées alimentaires et de matières premières industrielles est si gênante que l’on essaie depuis longtemps de la limiter. Une entente entre les producteurs peut aboutir à la régularisation souhaitée. Comment agit-elle ? En réglant au mieux le volume offert, en soustrayant momentanément au marché ce qu’il ne peut absorber et en le commercialisant plus tard, en période de faible production. Depuis le début de ce siècle, les producteurs dispersés ont essayé de s’organiser à l’instar des industriels, qui formaient des cartels efficaces. On a mis en place dans les pays exportateurs des ententes interprofessionnelles qui ont le monopole des opérations internationales. Leur action est soutenue par des fonds de régularisation et de stabilisation.

Les résultats obtenus ainsi ne sont pas négligeables, mais ils restent très en deçà des espoirs qu’ils avaient suscités. Les bureaux nationaux arrivent à éponger les fluctuations mineures. Les ententes internationales régularisent le marché tant que les fluctuations de l’offre et de la demande demeurent limitées. Mais la solidarité des participants est généralement imparfaite : ceux qui s’estiment lésés par le partage du marché refusent de respecter les clauses de prix ou celles de volume, et tout l’équilibre se trouve remis en cause. En fin de compte, les seules opérations de stabilisation réellement efficaces ont été menées dans des secteurs où l’offre est très concentrée, le domaine pétrolier en particulier.

Les fluctuations de cours sur les marchés mondiaux sont si fortes et si rapides qu’elles affectent très sérieusement l’équilibre des pays qui contribuent le plus à l’offre. La demande est généralement plus dispersée et, comme elle émane de pays industrialisés à l’économie complexe et diversifiée, les perturbations sont moins graves pour les nations qui les supportent. Mais quel que soit le niveau du pays, les problèmes sont trop graves pour que l’État demeure indifférent : il intervient sur le plan intérieur ; il agit de plus en plus sur le plan international ; il contingente. Le commerce international s’éloigne de l’économie de marché. Les transactions se font de puissance publique à puissance publique.


L’organisation de l’échange des produits manufacturés : les réseaux commerciaux

Dans le domaine des biens manufacturés, les conditions sont généralement très différentes. Le prix n’est pas déterminé ici par ajustement de l’offre et de la demande sur un marché : il est fixé par le producteur et les distributeurs. L’action de la demande se manifeste par des variations du volume commercialisé ; le producteur les suit attentivement, il modifie sa politique de vente, et quelquefois ses prix, en fonction des résultats obtenus.

Il n’y a pas de grands marchés internationaux pour les produits manufacturés : l’échange est possible lorsque les exportateurs trouvent dans le pays importateur le réseau commercial qui leur permet de toucher la clientèle potentielle, de lui garantir un service après vente de qualité et des pièces de rechange faciles à commander. Les firmes les plus puissantes n’hésitent pas à créer de toutes pièces les équipements commerciaux qui conditionnent leur succès sur les marchés étrangers qu’elles veulent s’ouvrir. Dans la plupart des cas, les moyens nécessaires sont si importants que d’autres solutions sont préférées : en choisissant un concessionnaire exclusif, l’exportateur s’assure la collaboration, dans le pays importateur, d’une entreprise qui se charge de la commercialisation en s’appuyant sur des réseaux existants.

Pour les biens d’équipement, les conditions sont un peu différentes : il n’y a pas de marché concret ou abstrait, pas de problème non plus de mise en place de réseaux de commercialisation sur tout le territoire du pays importateur. Il n’est même pas toujours nécessaire de disposer d’agents permanents dans le pays où l’on veut pénétrer : il est des domaines où n’existent, pour l’ensemble du globe, qu’une poignée de producteurs, que les acheteurs essaient de mettre en compétition systématiquement. Le partenaire essentiel, dans toutes ces transactions, est l’État : dans le pays importateur, il est souvent à l’origine de la commande ; ce sont ses services de planification qui ont démontré la nécessité de l’équipement et qui l’ont programmé ; ils ont dégagé les ressources nécessaires mais, bien souvent, ils ne peuvent en réaliser le paiement que d’une manière très échelonnée.

Les pouvoirs publics du pays exportateur interviennent alors : ils facilitent la conclusion du contrat en garantissant à la firme exportatrice des conditions de crédit à long terme avantageuses, en prenant à leur charge une partie des risques encourus. Pour les affaires les plus importantes, la négociation se fait de puissance publique à puissance publique : les firmes n’interviennent que pour préciser les conditions techniques de l’accord.

Ainsi, l’opposition entre le commerce extérieur des pays libéraux et celui des pays de l’Est est moins totale qu’on ne le dit généralement : un peu partout on note une intervention croissante des organismes officiels, qui réglementent les transactions, les régularisent ou les effectuent directement.