comédie (suite)
Le renouveau du xxe siècle
Ce sang nouveau n’apparaît pas miraculeusement. Il n’y a pas d’un seul coup rupture avec les formules éprouvées, si discutables soient-elles. Constatons du moins un essai de rajeunissement avec Jules Renard, dont le théâtre d’homme de lettres traduit une vision personnelle du monde, tandis que, dans un autre registre, très fin en dépit d’un grossissement apparemment caricatural, Courteline domine la comédie gaie de l’époque 1900. Mais, quatre ans auparavant, Jarry* avait donné Ubu roi, qui, par sa force burlesque et explosive, est déjà riche en ferments révolutionnaires. Tentative à vrai dire sans lendemain : le théâtre du Boulevard* poursuit son règne, illustré par Sacha Guitry, Marcel Achard et, plus tard, par André Roussin. Parallèlement, une comédie plus ambitieuse parvient à son heure de gloire avec Édouard Bourdet, Charles Vildrac, puis avec les élégantes « pièces roses » d’Anouilh*. On revient également aux ressources qu’offre la farce (Knock de J. Romains, Topaze de M. Pagnol), totalement rénovée par la truculence de Fernand Crommelynck et de Michel De Ghelderode. Au même moment se dessine un courant contraire ou, tout au moins, complémentaire, la comédie poétique, dont Giraudoux* est, entre les deux guerres, le représentant le plus marquant ; la même veine voit les réussites de Jules Supervielle, de Georges Schéhadé et surtout d’Audiberti*, dont la richesse verbale est toute nouvelle.
En Angleterre, après Wilde*, Shaw*, il faut mentionner Maugham*, Priestley*, Noel Coward, dont les brillantes comédies consacrent un retour à la tradition. Le renouveau vient de l’Italie grâce à Pirandello*, introduit en France par Charles Dullin et Georges Pitoëff, qui tend toujours (Chacun sa vérité, 1917) à montrer l’impossibilité de dégager la réalité humaine de ses multiples apparences. En Espagne, le souffle lyrique de García Lorca* s’exprime par des fantaisies poétiques qui font appel au comique. La Pologne et la Russie témoignent, elles aussi, d’une renaissance de la comédie.
Mais partout le terme de comédie tend à céder la place au mot pièce. La distinction entre tragique et comique s’effrite, si bien que toute œuvre en présente désormais le double aspect. Il en résulte que l’on peut situer le théâtre dit « d’avant-garde » aussi bien du côté de la comédie que du côté de la tragédie. Après Apollinaire* (les Mamelles de Tirésias, 1917) et Roger Vitrac (Victor ou les Enfants au pouvoir, 1928), vers 1950, surgissent sur la scène des pièces qui ont en commun de provoquer un rire grinçant dans la mesure où elles soulignent l’irrationalité du monde, la nudité dérisoire de l’homme. Il est certain que Beckett* et Ionesco* ont rompu les ponts de la tradition moliéresque. Nous manquons encore de recul pour savoir si les formules dans lesquelles s’enferment ces « comédies » déboucheront sur quelque chose d’autre. Faut-il espérer que la réflexion moderne qui mêle si intimement le désespoir et l’humour donnera naissance à un comique où les valeurs qui ont fait leurs preuves par le rire depuis trois mille ans retrouveront leur prix ?
A. M.-B.
➙ Boulevard (théâtre du) / Commedia dell’arte / Elisabéthain (théâtre) / Théâtre / Vaudeville.
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