Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

comédie (suite)

Le renouveau du xxe siècle

Ce sang nouveau n’apparaît pas miraculeusement. Il n’y a pas d’un seul coup rupture avec les formules éprouvées, si discutables soient-elles. Constatons du moins un essai de rajeunissement avec Jules Renard, dont le théâtre d’homme de lettres traduit une vision personnelle du monde, tandis que, dans un autre registre, très fin en dépit d’un grossissement apparemment caricatural, Courteline domine la comédie gaie de l’époque 1900. Mais, quatre ans auparavant, Jarry* avait donné Ubu roi, qui, par sa force burlesque et explosive, est déjà riche en ferments révolutionnaires. Tentative à vrai dire sans lendemain : le théâtre du Boulevard* poursuit son règne, illustré par Sacha Guitry, Marcel Achard et, plus tard, par André Roussin. Parallèlement, une comédie plus ambitieuse parvient à son heure de gloire avec Édouard Bourdet, Charles Vildrac, puis avec les élégantes « pièces roses » d’Anouilh*. On revient également aux ressources qu’offre la farce (Knock de J. Romains, Topaze de M. Pagnol), totalement rénovée par la truculence de Fernand Crommelynck et de Michel De Ghelderode. Au même moment se dessine un courant contraire ou, tout au moins, complémentaire, la comédie poétique, dont Giraudoux* est, entre les deux guerres, le représentant le plus marquant ; la même veine voit les réussites de Jules Supervielle, de Georges Schéhadé et surtout d’Audiberti*, dont la richesse verbale est toute nouvelle.

En Angleterre, après Wilde*, Shaw*, il faut mentionner Maugham*, Priestley*, Noel Coward, dont les brillantes comédies consacrent un retour à la tradition. Le renouveau vient de l’Italie grâce à Pirandello*, introduit en France par Charles Dullin et Georges Pitoëff, qui tend toujours (Chacun sa vérité, 1917) à montrer l’impossibilité de dégager la réalité humaine de ses multiples apparences. En Espagne, le souffle lyrique de García Lorca* s’exprime par des fantaisies poétiques qui font appel au comique. La Pologne et la Russie témoignent, elles aussi, d’une renaissance de la comédie.

Mais partout le terme de comédie tend à céder la place au mot pièce. La distinction entre tragique et comique s’effrite, si bien que toute œuvre en présente désormais le double aspect. Il en résulte que l’on peut situer le théâtre dit « d’avant-garde » aussi bien du côté de la comédie que du côté de la tragédie. Après Apollinaire* (les Mamelles de Tirésias, 1917) et Roger Vitrac (Victor ou les Enfants au pouvoir, 1928), vers 1950, surgissent sur la scène des pièces qui ont en commun de provoquer un rire grinçant dans la mesure où elles soulignent l’irrationalité du monde, la nudité dérisoire de l’homme. Il est certain que Beckett* et Ionesco* ont rompu les ponts de la tradition moliéresque. Nous manquons encore de recul pour savoir si les formules dans lesquelles s’enferment ces « comédies » déboucheront sur quelque chose d’autre. Faut-il espérer que la réflexion moderne qui mêle si intimement le désespoir et l’humour donnera naissance à un comique où les valeurs qui ont fait leurs preuves par le rire depuis trois mille ans retrouveront leur prix ?

A. M.-B.

➙ Boulevard (théâtre du) / Commedia dell’arte / Elisabéthain (théâtre) / Théâtre / Vaudeville.

 E. Lintilhac, Histoire générale du théâtre en France (Flammarion, 1904-1911 ; 5 vol.). / G. Cohen, le Théâtre en France au Moyen Âge (Rieder, 1928-1931 ; 2 vol.). / L. Dubech, Histoire générale du théâtre (Librairie de France, 1931-1935 ; 5 vol.). / G. Norwood, Greek Comedy (Londres, 1931). / R. Lebègue, Tableau de la comédie française de la Renaissance (Droz, 1946). / G. E. Duckworth, The Nature of Roman Comedy (Princeton, 1952). / H. Gouhier, le Théâtre de l’existence (Aubier, 1952). / A. Valbuena Prat, Historia del teatro español (Barcelone, 1956). / L. Moussinac, le Théâtre des origines à nos jours (le Livre contemporain, 1957). / E. Paratore, Storia del teatro latino (Milan, 1957). / M. Beigbeder, le Théâtre en France depuis la Libération (Bordas, 1959). / P. Ginestier, le Théâtre contemporain dans le monde (P. U. F., 1961). / M. Esslin, The Theater of the Absurd (Londres, 1962 ; trad. fr. le Théâtre de l’absurde, Buchet-Chastel, 1963). / P. Voltz, la Comédie (A. Colin, 1964). / G. Dumur (sous la dir. de), Histoire des spectacles (Gallimard, 1965). / H. Prang, Geschichte des Lustspiels von der Antike bis zur Gegenwart (Stuttgart, 1968).

comédie musicale [au cinéma]

Film comportant certaines séquences chantées et (ou) dansées.



Opérettes revues à grand spectacle films de danse (1929-1940)

Le cinéma parlant naît le 6 octobre 1927. Mais, lors de la première représentation du Chanteur de jazz d’Alan Crosland, lorsque la salle reprend le murmure d’Al Jolson « Come on, Ma, listen to this », les producteurs se rendent compte qu’ils viennent, avant tout, d’assister au triomphe du film musical. Du jour au lendemain, pour le meilleur et souvent pour le pire, tout devient prétexte à bruit et à chanson. On incorpore des numéros chantés dans le cours des films. Dans des genres très différents, Hallelujah (1929) de King Vidor aux États-Unis, Sous les toits de Paris (1930) de René Clair en France et l’Opéra de quat’sous (1931) de G. W. Pabst en Allemagne sont des réussites originales. Le Million (1931) de René Clair donne ses lettres de noblesse au ciné-ballet. Certains acteurs assurent leur célébrité par des numéros chantés : ainsi Marlène Dietrich (dans l’Ange bleu, Morocco, Blonde Vénus de Josef von Sternberg) ou la tonitruante Mae West. Dans un registre plus romantique et sentimental, des comédiens deviennent des spécialistes du film chanté : Grace Moore (One Night of Love [Une nuit d’amour, 1934], Love me forever [Aimez-moi toujours, 1935], films tournés par Victor Schertzinger, qui reprend la tradition viennoise des Strauss et autres Lehár), Gloria Swarthout, Lily Pons, le débutant Bing Crosby (qu’on verra pour la première fois en 1930 dans King of Jazz). Les dépassant rapidement en renommée, un couple s’impose très rapidement : Jeanette MacDonald et Maurice Chevalier, sous la direction d’Ernst Lubitsch, interprètent une série de films à succès (Parade d’amour, 1930 ; Une heure avec vous, 1932 ; la Veuve joyeuse, 1934). En Allemagne, l’opérette triomphe : après le Chemin du paradis (1930), tourné par Wilhelm Thiele en trois versions (anglaise, française et allemande), Le congrès s’amuse (1931) ouvre la voie aux luxueuses productions qui sacrifient parfois la légèreté de l’intrigue et l’insignifiance de la mélodie à des recherches décoratives d’un goût douteux. La musique viennoise envahit les écrans au moment où Gœbbels prend en charge le destin du cinéma allemand. Là encore, des couples ont leur instant de célébrité : Lilian Harvey (avec Henri Garat et Willy Fritsch) pour l’opérette, Marta Eggerth et Jan Kiepura pour les transpositions cinématographiques d’opéras ou les biographies romancées de musiciens. En Italie, alors en pleine crise, on exploite sans vergogne tout le répertoire de l’opéra et du bel canto. Mais c’est aux États-Unis que le film musical trouvera son originalité. Grâce aux films de danse. Grâce aussi aux superproductions chorégraphiques, qui feront fureur pendant une dizaine d’années. Après quelques essais (Tourbillon de la danse [Dancing Lady, 1933] de R. Z. Leonard ou Bolero [1934] de W. S. van Dyke), les films de danse connaîtront leur âge d’or avec Eleanor Powell et surtout avec le couple Fred Astaire-Ginger Rogers, dont la carrière s’étendra de 1933 à 1949. Mal servis par des mises en scène souvent plates et des intrigues simplistes, Fred Astaire et Ginger Rogers emportent l’adhésion des plus réticents dès qu’ils sont livrés à eux-mêmes, c’est-à-dire dès qu’ils se débarrassent des conventions de la comédie anodine qu’on leur fait jouer pour exécuter leur numéro de danse sur une piste — souvent improvisée —, où la précision de leur technique et leur entrain communicatif font merveille. Les années 30 resteront surtout marquantes dans l’histoire du cinéma américain pour avoir donné naissance à un genre bien particulier, le « super-show » musical. Ce spectacle, qui se veut grandiose et qui, parfois, par le baroquisme alambiqué et surchargé de sa décoration, frise le mauvais goût, relève d’ailleurs plus du music-hall que du cinéma proprement dit. L’imagination des chorégraphes — le plus célèbre est Busby Berkeley — et des « art directors » ne connaît plus de bornes : au rythme d’une musique de Gershwin évoluent sur des scènes tournantes des dizaines et des dizaines de girls qui dessinent d’étranges figures géométriques. Jets d’eau, miroirs, escaliers de stuc, le gigantisme et l’insolite sont à la mode. The Broadway Melody (1929) d’Harry Beaumont donne le ton, bientôt imité par The Hollywood Revue (1929). L’année 1933 voit le triomphe de Prologues (Footlight Parade), de 42e Rue (42nd Street) de Lloyd Bacon et de Chercheuses d’or (Gold Diggers of 1933) de Mervyn Le Roy. Le genre survit quelque temps avec le Grand Ziegfeld (The Great Ziegfeld, 1936) de R. Z. Leonard, The Goldwyn Follies (1938) de G. Marshall et Broadway Melody of 1938 (1937) de Roy Del Ruth. En 1940, une première évolution du film musical va, petit à petit, donner naissance à la véritable comédie musicale.