Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Coltrane (John) (suite)

1957-1960 seront des années de transition, au cours desquelles il cherche à accorder ses moyens à ses ambitions. Quelques rencontres lui seront profitables : celles des pianistes Thelonious Monk et Bill Evans. Les enregistrements réalisés en sextette avec Davis (Flamenco Sketches, 1959), puis ceux qu’il dirige sont révélateurs. Coltrane explore un univers neuf, mais, avant de se lancer totalement dans une grande aventure, il veut contrôler parfaitement son instrument. Sa maîtrise est déjà exceptionnelle. Il développe sa conception de la nappe de sons, jouant de longues séquences en tempo rapide, où les notes se confondent en un flot continu. Il intègre les constantes essentielles du blues, ce blues qu’il a connu dans les orchestres de ses débuts, aux trouvailles de l’avant-garde. En septembre 1957, il avait gravé Blue Train, où il lance pour la première fois l’appel inquiet et en même temps très détendu rythmiquement qui caractérise son jeu. À partir de 1960, il a assimilé, de Coleman Hawkins à Dexter Gordon en passant par Lester Young et Stan Getz, tout ce qui peut être exprimé sur un ténor. Sa tessiture, la plus étendue jamais entendue sur cet instrument, n’exclut pas une sonorité d’une intensité égale du grave à l’aigu. De plus, aucun tempo ne le déconcerte. Coltrane pourrait, alors, se contenter de s’imposer comme un virtuose. En fait, s’il a maîtrisé le ténor, ce n’est pas seulement pour être un magicien d’arpèges et de chapelets de notes (Giant Steps, 1959). Il l’a fait pour mieux forcer les portes d’un monde vierge.

Cette exploration s’accomplira avec l’aide des musiciens de son quartette — le batteur Elvin Jones, le pianiste McCoy Tyner et quelques excellents bassistes : Steve Davis, Art Davis, Reggie Workman et Jimmy Garrison.

Solidement ancré dans le tempo par le jeu naïf et violent d’Elvin Jones, harmoniquement enveloppé par le piano carillonnant de Tyner, poussé par des basses légères et intelligentes, John Coltrane au ténor et au soprano s’élance alors à la conquête du cœur même de la musique. Inlassablement, il concilie deux tendances divergentes de son style : les axes obsessionnels d’une mélodie qu’il enroule et déroule en guirlandes de notes situées sur quelques accords fondamentaux, et les folles incursions aux limites sonores des possibilités de l’instrument (My Favorite Things, 1960).

De 1960 à 1967, ses œuvres atteignent une sorte de plénitude autant par leur durée que par la profondeur de leur inspiration. Intensément croyant, Coltrane teinte de mysticisme ses essais. À la recherche d’une musique universelle, d’une sorte d’espéranto qui rendrait possible une parfaite communion spirituelle, il voudrait résumer tous les folklores en un seul cri qui soit aussi message d’amour. Ainsi, après avoir développé en d’infinis serpentins tous les accords, découvre-t-il la musique modale. Il retrouve les vertus incantatoires de la réitération, le traitement exacerbé de la matière sonore, l’installation de climats obsessionnels et proliférants.

Le « free jazz » le passionne. Avec le saxophoniste Eric Dolphy, il explore le monde du paroxysme émotionnel et, en 1965, réalise en compagnie de jeunes musiciens « free » un « manifeste » décisif du nouveau jazz en même temps qu’un chef-d’œuvre de délire sonore, Ascension. De 1966 jusqu’à sa mort, il multiplie recherches et tentatives, toujours teintées de religiosité et d’hindouisme, pour inventer un univers sonore aux résonances presques cosmiques. Entouré du saxophoniste Pharoah Sanders, d’Alice Coltrane, sa femme, au piano et du batteur Rashied Ali, disciples ou fidèles plutôt que simples accompagnateurs, il enregistre plusieurs œuvres longues, qui apparaissent comme autant de versions d’une sorte de péan sans fin.

John Coltrane fut sans doute le seul à concilier l’inconciliable : l’insurrection sonore et la perfection technique, une voix venue du fond des âges avec les fleurs suaves d’une mélancolie archicivilisée. Ces éléments seront rassemblés dans A Love Supreme (1964), hymne à Dieu — à un Dieu unique — et aboutissement de l’œuvre d’un chercheur qui ne fut jamais satisfait par sa quête.

F. T.

Moments et lieux

1926

(23 septembre). Naissance de John Coltrane à Hamlet (Caroline du Nord).

1945-1946

Service militaire à Hawaii.

1948

Joue dans l’orchestre de l’Apollo à Harlem.

1949

Musicien de pupitre dans le grand orchestre Dizzy Gillespie.

1952

Engagé par Earl Bostic, puis par Johnny Hodges.

1955

Est en vedette dans le quintette de Miles Davis.

1957

Au Five Spot Café avec le quartette de Thelonious Monk, puis de nouveau chez Miles Davis avec Bill Evans.

1960

En Europe avec Miles Davis, où il est sifflé par un public que ses longues improvisations déconcertent. Il crée son quartette.

Avec un autre musicien d’avant-garde, le trompettiste Don Cherry, il enregistre ses premières œuvres au saxophone soprano.

1965

Triomphe au festival d’Antibes avec son quartette.

1966

Transforme son quartette, se sépare de McCoy Tyner et d’Elvin Jones, et engage le batteur Rashied Ali et, au piano, sa femme, Alice McLeod-Coltrane.

1967

Mort de John Coltrane à l’hôpital de Huntington (Long Island).

coma

État clinique pathologique caractérisé par une suspension, non immédiatement réversible, de la vigilance et ayant pour conséquence de suspendre toute possibilité, pour le malade, de relation avec le monde extérieur.


À la non-réversibilité près, le coma est en apparence assez semblable au sommeil, encore que sa signification et ses caractéristiques électro-encéphalographiques soient bien différentes.


Physiopathologie

La notion de formation activatrice ascendante (Horace W. Magoun et Giuseppe Moruzzi) représente en ce domaine une contribution essentielle : la stimulation répétitive de la substance réticulée du tronc cérébral entraîne une réaction d’éveil ; après sa destruction, au contraire, il est impossible d’obtenir cet éveil. Il faut ajouter que l’on a, par ailleurs, précisé que cette formation est en connexion avec l’ensemble du cerveau (c’est un système dit « à projection diffuse ») et reçoit des collatérales de toutes les voies afférentes ascendantes sensitives et sensorielles. Les influx qu’elles apportent se dirigent donc non seulement vers les aires réceptrices spécifiques, mais aussi vers le « centre » de la vigilance. On comprend ainsi que des lésions encéphaliques diffuses et importantes n’entraînent que très exceptionnellement un coma si elles ne comportent pas une atteinte de la partie haute du tronc cérébral (formation réticulée). Inversement, on peut observer un coma avec des lésions peu étendues dès lors qu’elles sont localisées à cette région. Cela ne veut pas dire que la réticulée soit le siège de la conscience, mais qu’elle est un maillon indispensable dans les phénomènes de conscience. Notons encore que la réticulée ascendante est contiguë avec un système dit « activateur descendant », qui joue en quelque sorte un rôle d’éveil de la motricité, et également avec des centres de la vie végétative. On comprend ainsi les habituels troubles concomitants moteurs et végétatifs du coma.