Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

collage

Œuvre issue de la réunion de matériaux hétérogènes, spécialement dans les deux dimensions du dessin et du tableau.


Par rapport au terme d’assemblage*, qui dans les arts plastiques contemporains lui est substitué parfois, celui de collage bénéficie d’une faveur particulière. Sans doute parce qu’il traduit une sorte de dynamisme interne là où son concurrent se limite au constat statique et qu’il invite à considérer davantage l’unité découverte que les éléments qui la constituent. Aussi est-ce le seul terme qui se soit imposé pour désigner l’emploi de procédés équivalents en dehors des arts plastiques, et par exemple dans la littérature ou la musique. Il semble donc qu’il y ait intérêt à suivre ceux qui ont voulu désigner comme collage le résultat d’une attitude toute particulière, plutôt que ceux qui, tel le critique Herta Wescher, ont choisi de donner au terme une extension très générale.


Le collage formaliste

La Nature morte à la chaise cannée (1912) est souvent tenue pour le premier collage en date, parce que le morceau de toile cirée (ou de papier gaufré) imitant un cannage de chaise que Picasso y a introduit débordait la signification picturale des papiers collés créés la même année par Braque, où le morceau de papier équivaut à une surface peinte (v. cubisme). Dans cette perspective, il y aurait collage lorsque l’élément intégré à l’œuvre continue de proclamer son hétérogénéité matérielle (telles les épingles à cheveux et les allumettes chez Picabia*, vers 1920), notamment à la faveur d’un relief plus ou moins accentué qui tend à ruiner le statut bidimensionnel du tableau. En réalité, il semble que l’on soit seulement là en présence d’une catégorie particulière des papiers collés, tirant toute sa séduction de l’indécision qu’elle établit entre les deux dimensions du support et les trois dimensions (réelles ou esquissées) de l’élément incorporé, catégorie dont les combine-paintings de Robert Rauschenberg* seraient l’un des plus récents aboutissements. Si hétéroclites en effet que soient, par exemple, les objets introduits dans sa peinture par Rauschenberg, le résultat final est d’ordre essentiellement esthétique, ces objets jouant le rôle d’une tache de couleur, d’une forme picturale ou sculpturale. La rupture apparemment établie dans l’harmonie du tableau par leur irruption sert en réalité une harmonie plastique plus forte ou plus subtile.


Le collage surréaliste

C’est une tout autre signification que le surréalisme* a attachée à la notion de collage depuis les premiers travaux de Max Ernst* dans ce domaine, en 1919 (la Préparation de la colle d’os). Max Ernst, profondément impressionné alors par la reproduction d’œuvres de Giorgio De Chirico* dans Valori plastici, obtint curieusement le même effet de dépaysement et d’étrangeté que le peintre italien, soit en réunissant des fragments de gravures d’origines différentes, soit en ajoutant à des figures de catalogues scientifiques un décor inattendu. Les collages de Max Ernst, dont la qualité plastique est souvent remarquable, visent cependant bien au-delà. Ne dégagent-ils pas une signification lyrique et mythique tout à fait neuve de la réunion d’éléments préexistants ? André Breton sera le premier, en 1920, à souligner l’analogie entre une telle démarche et la métaphore poétique portée à l’extrême arbitraire : dès cet instant, on peut dire que la peinture surréaliste est née, du moins l’une de ses deux voies majeures. En effet, Max Ernst lui-même soulignera plus tard que les tableaux de Magritte*, notamment, sont des « collages entièrement peints à la main », l’esprit qui préside à la confrontation des objets figurés y étant sensiblement le même que celui qui permit à Max Ernst de composer ses collages et ses romans-collages (la Femme 100 têtes, 1929, etc.). L’invention ne saurait être un droit à l’exclusivité, surtout pour un surréaliste (d’ailleurs, le collage d’Ernst se présente en somme comme un démontage-remontage de la peinture de G. De Chirico) ; aussi convient-il de souligner l’extrême diversité des collages surréalistes dus à divers peintres (le Tchèque Jindřich Štýrský par exemple [1899-1942]) comme celle des peintures exécutées dans le même esprit, du surréalisme proprement dit (Salvador Dalí*, Toyen) au pop*’art (Rosenquist) ou à ses environs (Hervé Télémaque [né en 1937], Erró [Gudmundsson Ferró, né en 1932]).

Max Ernst a dit reconnaître la formule du collage dans la fameuse phrase des Chants de Maldoror de Lautréamont : « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie. » Or Lautréamont est l’un des premiers, sinon le premier, à avoir pratiqué le collage verbal (par l’introduction de phrases ou de paragraphes empruntés à des encyclopédies dans un développement lyrique). La technique du cut-up, courante dans l’avant-garde littéraire américaine (William Burroughs*), n’est pas autre chose qu’une application du collage. De même, la musique d’un John Cage* est fondée sur le collage musical (introduction dans la composition d’éléments musicaux ready-made). Il semble bien que le collage ait encore de beaux jours devant lui.

J. P.

➙ Assemblage / Cubisme / Dada / Surréalisme.

 H. Janis et R. Blesh, Collage. Personalities, Concepts, Techniques (Philadelphie, 1962 ; nouv. éd., 1967). / L. Aragon, les Collages (Hermann, 1965). / H. Wescher, Die Collage, Geschichte eines künstlerischen Ausdruckmittels (Cologne, 1968). / M. Ernst, Écritures (Gallimard, 1970).

collectivité territoriale

Personne morale constituée par l’ensemble des habitants d’une fraction du territoire d’un État* lorsqu’ils jouissent d’une certaine autonomie de gestion.


L’expression de collectivité territoriale s’applique donc aussi bien à l’État fédéré au sein d’un État fédéral souverain qu’aux collectivités locales d’un État unitaire. Les textes constitutionnels de l’État fédéral ou de l’État unitaire précisent le degré d’autonomie de gestion des collectivités territoriales, mais d’une manière générale l’État fédéré élabore lui-même ses textes constitutionnels propres, alors que les institutions de la collectivité locale émanent des autorités constitutionnelles ou législatives de l’État unitaire : elles seront, de ce fait, généralement d’un type uniforme.