Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Clermont-Ferrand

Ch.-l. du Puy-de-Dôme et capit. de la Région Auvergne ; 161 203 hab. (Clermontois). L’agglomération compte plus de 250 000 habitants en 1975.



Site et situation

Quelle que soit la position de l’oppidum arverne dont dérive la ville actuelle (les Côtes ou le plateau de Merdogne), le site de Clermont est au pied de la grande faille bordière occidentale de la Limagne, entaillée par les gorges de petites rivières (Bédat, Tiretaine, Artière) et coiffée par le volcan de Gravenoire. À l’est (vers Aulnat), la plaine s’ouvre largement, malgré la présence du petit cône du puy de Crouelle, mais au nord (Côtes de Clermont) et au sud (Montrognon, plateau de Merdogne, dit « de Gergovie ») des hauteurs volcaniques ceignent le petit bassin accidenté où la ville s’est étalée. Le site originel est la butte assez escarpée de la cathédrale, sur laquelle l’Augustonemetum gallo-romain dut remplacer un établissement plus ancien : toute la zone de coteaux bordant à l’ouest la Limagne fut précocement et densément peuplée.

La situation est au contact de régions d’aptitudes complémentaires : plateaux d’élevage, versants favorables à la vigne et aux arbres fruitiers, plaine céréalière. La richesse agricole et le rôle de marché furent longtemps à la base du développement de la ville. Clermont est aussi depuis toujours un carrefour routier où se croisent un itinéraire nord-sud, du Bassin parisien au Midi par le couloir de l’Allier, et la principale voie transversale du Massif central, vers Lyon à l’est (par le seuil de Noirétable), vers Limoges et Bordeaux à l’ouest (par les cols difficiles traversant la chaîne des Dômes).

P. B.


Le développement

L’occupation romaine créa une nouvelle ville, Augustonemetum, dans la plaine, au pied des volcans et des côtes constituées par des coulées volcaniques, sur une butte assez escarpée qui se trouvait en son centre. Thermalisme et sites religieux, carrefour de routes et richesse de la Limagne lui donnèrent son importance. Sur la butte, un temple, un forum, des bâtiments administratifs et une ville se prolongèrent par un faubourg (Fontgiève) et par de riches villae établis en contrebas.

Le haut de la butte fut ceinturé d’une muraille au moment des grandes invasions. À la même époque, les premiers chrétiens s’installèrent dans le faubourg de Fontgiève et autour de l’abbaye de Saint-Alyre, premier monastère d’Auvergne, avant que la première cathédrale ne fût bâtie, au ve s., sur le haut de la ville. Entre le ve et le xe s., trois faubourgs s’accrochèrent aux pentes : le Port, Saint-Pierre et Saint-Genès, en même temps que les églises se multiplièrent.

Clermont — la ville prit ce nom qui était celui de la butte — fut donné en grande partie à l’évêque (1034), mais lui fut disputé par le comte d’Auvergne, qui, en 1202, en fit une prétendue remise. La ville reçut une charte de franchise (1198), mais les habitants voulurent étendre leurs franchises et se soulevèrent à plusieurs reprises (1261). L’évêque accorda alors des consuls, mais la ville ne fut vraiment ville de consulat qu’en 1480, demeurant toujours seigneurie de l’évêque.

Les trois faubourgs furent entourés de murailles et ne furent englobés dans la ville qu’au xive s. par une nouvelle muraille. Le commerce se développa grâce à des foires, qui luttèrent contre celles de Montferrand. Des ordres religieux s’installèrent, soit dans la ville (Cordeliers), soit aux abords (Saint-André).

Clermont revint à l’héritière des comtes d’Auvergne, Catherine de Médicis, et passa, avec le comté, au domaine royal. La ville conserva longtemps ses rues tortueuses, ses églises et ses murailles, avec le seul faubourg développé de Fontgiève et un quartier qui se développa au sud de la place de Jaude, alors limite de la ville. Au xviie s., de nombreux couvents s’établirent autour de la ville, empêchant son extension. Un collège d’oratoriens, puis de jésuites y fut bâti, ainsi qu’un hôpital général.

C’est au xviiie s. que commencèrent des transformations, encore limitées. L’enceinte fut abattue (1760), et un tour de ville pourvu de quelques monuments fut créé sur son emplacement.

Un édit de 1630 avait uni Clermont à Montferrand avec obligation de construire entre les deux villes. Cette union dut être confirmée en 1731, et il y eut encore des tentatives séparatistes jusqu’en plein xixe s.

La ville ne comptait que 10 000 habitants en 1700 (Montferrand compris), 22 000 à la fin du xviiie s.

Au xixe s., la ville évolua lentement. La vente des biens du clergé permit de créer quelques quartiers nouveaux sous la Révolution et l’Empire et d’achever le tour de ville. La population s’accrut peu, et le centre demeura ce qu’il était au Moyen Âge. La gare (1854) resta longtemps en plein champ.

B. G.

La construction des chemins de fer et la révolution industrielle lui furent d’abord néfastes, en favorisant des rivales (Saint-Étienne, Lyon, Limoges) ou en émancipant des villes jusqu’alors comprises dans le rayonnement commercial de Clermont (Montluçon, Vichy) ; en 1872, Clermont n’avait que 37 000 habitants. Mais le réveil de la fin du xixe s. fut vigoureux : la petite manufacture de balles en caoutchouc et vêtements imperméables Barbier-Daubrée, devenue Michelin et Cie, se lança d’abord dans la fabrication de pneumatiques pour bicyclettes et voitures à chevaux, puis fut la pionnière de l’application de cette invention à l’automobile, dont elle sut prévoir la fortune. Les campagnes surpeuplées et en crise (surtout celles de Limagne) fournirent la main-d’œuvre nécessaire, et Clermont, devenu premier centre caoutchoutier français, passa à 63 000 habitants en 1911 et à 111 000 habitants en 1926. Après un léger déclin pendant la crise mondiale de 1930, la ville reprend et accélère sa croissance après la Seconde Guerre mondiale (113 000 hab. en 1954, 128 000 en 1962). L’accroissement se manifeste encore plus dans la banlieue, qui comptait 18 000 habitants en 1931, plus de 90 000 en 1975 dans les limites officielles, mais en réalité avoisinait 100 000 habitants (au total, l’agglomération réelle réunit environ 260 000 hab.). Le taux d’accroissement de la population entre 1962 et 1975 avoisine le tiers ; c’est l’un des plus élevés de la France non méditerranéenne. Ce développement important est d’abord lié aux progrès de l’industrie du caoutchouc : la société Michelin, qui a absorbé ses anciennes concurrentes (Bergougnan, Torrilhon), emploie environ 20 000 travailleurs et élargit sans cesse ses installations (nouvelles usines en construction au nord de Clermont). Cependant, Clermont n’est plus exclusivement « l’empire Michelin », même dans le domaine strictement industriel : 8 000 salariés travaillent dans la métallurgie et la mécanique, 2 000 à l’imprimerie de la Banque de France, d’autres dans les industries alimentaires (confiserie notamment), sans compter l’artisanat nombreux et le bâtiment, actif. Mais si Clermont est une des grandes villes françaises les plus industrielles (plus de la moitié de la population active dans le secteur secondaire), c’est également un grand centre de services : administratif (administrations départementales et régionales) ; universitaire (plus de 12 000 étudiants dans les facultés et grandes écoles : École supérieure de chimie, École nationale des impôts) ; commercial (outre les commerces de détail ordinaires, les commerces de luxe, malgré la concurrence de ceux de Vichy, attirent la clientèle d’une zone très étendue) ; il existe aussi de nombreux commerces de gros et directions régionales de sociétés ou de banques. Aussi la ville reçoit-elle plus de 10 000 travailleurs de l’extérieur, migrants quotidiens dans une zone s’étendant de Gannat au nord à Issoire au sud et de Pontgibaud à l’ouest à Lezoux à l’est. Il faut ajouter le rôle touristique, tant à cause des richesses monumentales et des ressources propres à l’agglomération (thermalisme à Royat) qu’à cause de la proximité de paysages parmi les plus beaux et à coup sûr les plus variés de France (notamment le parc des Volcans en voie d’aménagement dans la chaîne des Dômes). Les perspectives d’expansion semblent favorables (on prévoit une agglomération de 300 000 à 350 000 hab. en 1980, d’environ 500 000 hab. en 2000). Le principal obstacle à cette expansion est l’insuffisance criante du réseau routier régional : si les relations avec Paris sont convenablement assurées, les liaisons avec le Midi, l’Est et l’Ouest sont très médiocres. On envisage un effort important d’aménagement de la branche est de la R. N. 89 (vers Lyon et la vallée du Rhône), mais les travaux menés au sud et surtout à l’ouest ne sont que des palliatifs. Cette situation entrave le rayonnement régional de Clermont, qui ne s’étend pas à toute la « Région Auvergne » et reste notamment faible dans l’ouest de l’Allier, les deux tiers orientaux de la Haute-Loire et la plus grande partie du Cantal, alors que la géographie semble lui désigner un espace nettement plus vaste, surtout au sud.