Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Clément d’Alexandrie (suite)

La date et les circonstances de sa conversion sont mal connues. Clément voyage à travers les provinces de langue grecque, cherchant à parfaire sa formation auprès des maîtres les plus renommés. Mais l’événement qui détermine son orientation intellectuelle est la rencontre à Alexandrie du philosophe Pantène vers 180. Élève, puis assistant de son maître, Clément ouvre à son tour une école dans la même ville vers 190. La persécution de Septime Sévère en 202-203, qui ravage l’Église d’Égypte, l’oblige à quitter Alexandrie. Retiré en Cappadoce auprès de l’évêque Alexandre, son ancien élève, Clément meurt en exil entre 211 et 216.


Un humaniste chrétien

Une partie des œuvres de Clément ont été perdues ; mis à part une homélie, seuls trois grands ouvrages nous restent.

Le Protreptique, ou Exhortation aux Grecs, est une invitation à la conversion destinée à un public païen. Après la polémique traditionnelle contre les mythes païens, Clément met en valeur la part de vérité contenue dans le message philosophique du paganisme. Mais la vérité totale ne se trouve que chez les Prophètes bibliques et dans le Christ lui-même, qui est la révélation dernière de la vérité absolue.

Le Pédagogue est la suite de ces exhortations sous une forme plus familière, un guide pratique à l’usage du païen converti. Les termes de pédagogue et de pédagogie, souvent employés, disent clairement le but de l’ouvrage.

Les Stromates, ou Tapisseries (nous dirions maintenant « Mélanges »), sont un traité de huit livres sur des sujets dont la diversité donne à l’ensemble une allure assez disparate. L’ouvrage s’adresse à un large public qu’intéressent les problèmes philosophiques et il étudie surtout les rapports entre la culture grecque et le christianisme : il est inachevé et, s’il paraît mal composé, c’est que la mort empêcha Clément de mettre au point le plus long de ses écrits.

Les anciens auteurs ont donné à Clément d’Alexandrie le titre de « saint », mais l’Église des siècles postérieurs ne l’a pas inscrit au catalogue officiel des saints. Érudit, Clément n’est guère connu que des érudits : la présentation intellectuelle de son œuvre n’a pas attiré la piété populaire, et même certaines sectes gnostiques ont fait un mauvais usage de ses idées parfois imprécises ou nuageuses. À un siècle épris de philosophie, « Platon éclairé par l’Ecriture », il a présenté la pensée chrétienne comme la seule vraie philosophie. Dans le développement du christianisme, Clément d’Alexandrie a été le premier humaniste chrétien.

I. T.

 G. Lazzati, Introduzione allo studio di Clemente Alessandrino (Milan, 1939). / M. Pohlenz, Klemens von Alexandrien (Göttingen, 1943). / C. Mondésert, Clément d’Alexandrie (Montaigne, 1944). / C. Camelot, Foi et gnose chez Clément d’Alexandrie (Vrin, 1945). / E. F. Osborn, The Philosophy of Clement of Alexandria (Cambridge, 1954). / P. Valentin, Clément d’Alexandrie (Éd. ouvrières, 1963). / A. Méhat, Étude sur les « Stromates » de Clément d’Alexandrie (Éd. du Seuil, 1967).

Clément (René)

Metteur en scène de cinéma français (Bordeaux, 1913).


Quand, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, René Clément tourne son premier long métrage (la Bataille du rail, 1945), il a déjà derrière lui une longue carrière de technicien du cinéma. Après avoir abandonné des études d’architecture, il a débuté comme opérateur de courts métrages (Au seuil de l’Islam, de J. Lehérissey, 1936 ; Occitanie, de J. K. Raymond Millet, 1937), puis comme réalisateur (notamment : Soigne ton gauche, avec Jacques Tati, 1936 ; la Grande Chartreuse, 1942 ; Ceux du rail, 1942 ; la Grande Pastorale, 1943 ; Chefs de demain, 1944). La Bataille du rail, qui mêle adroitement la fiction et le documentaire, exalte avec sobriété et ferveur la résistance des cheminots français pendant l’occupation allemande. Le film, reçu avec chaleur par le public et la critique, aurait pu — il sort sur les écrans à la même époque que le Rome ville ouverte de R. Rossellini en Italie — ouvrir la voie à une école néo-réaliste. Mais Clément ne cherche pas à devenir le porte-drapeau d’une tendance bien délimitée. Son éclectisme l’entraîne au contraire à assurer la direction artistique de la Belle et la Bête (1946) de Jean Cocteau et du film de Noël-Noël le Père tranquille (1946). Clément revient lui-même à la mise en scène en signant tour à tour les Maudits (1947), Au-delà des grilles (1948) et le méconnu Château de verre d’après Vicki Baum (1950). Les années 50 vont lui être particulièrement favorables. Clément adopte des romanciers très différents. Imagine-t-on en effet le moindre lien de parenté entre un François Boyer (Jeux interdits [1952], qui emporte le Lion d’or du festival de Venise), un Louis Hémon (Monsieur Ripois [1954], qui offre à Gérard Philipe l’un de ses meilleurs rôles), un Émile Zola (Gervaise, 1956), une Marguerite Duras (Barrage contre le Pacifique, 1958), une Patricia Highsmith (Plein Soleil, 1959). Cette diversité thématique gêne ceux qui cherchent à « classer » René Clément. Certes, tout le monde s’accorde sur un point : il est sans doute le meilleur technicien du cinéma français. Cette réputation flatteuse mais encombrante ne le quittera plus désormais, entraînant avec elle une brassée d’épines. Le fait d’être un homme-orchestre — rien ne lui est étranger, ni le montage, ni la décoration, ni la prise de vues — ne nuit-il pas à l’imagination créatrice du réalisateur, qui s’abrite toujours derrière des scénarios habiles ? Toutes ces démonstrations séduisantes de mise en scène ne cachent-elles pas en fait les défauts d’une mécanique qui parfois tourne à vide ? Couramment sous la plume des critiques reviennent les mots goût, minutie, soin extrême, élégance. Les plus corrosifs parlent de formalisme et d’opportunisme. Mais, curieusement, ces banderilles paraissent — a posteriori — avoir été décochées trop tôt. Les films suivants de Clément, réalisés avec la même efficacité narrative, dévoileront bien plus que Monsieur Ripois ou Plein Soleil leur rigorisme froid. Quelle joie de vivre (1961), le Jour et l’Heure (1962), les Félins (1964) obtiendront un succès commercial mitigé. Une fresque à grand spectacle, Paris brûle-t-il ? (1966), prouvera que Clément est moins à l’aise dans l’épopée que dans l’analyse psychologique. En 1969, le Passager de la pluie connaîtra une surprenante carrière mondiale. René Clément signera ensuite en 1971 la Maison sous les arbres, en 1972 la Course du lièvre à travers champs et en 1975 la Baby-Sitter. Le critique Jacques Siclier avait, dès 1958, défini avec précision un cinéaste qui se dérobe à toute classification : « Ce n’est pas l’homme des mythes. L’aventure qui l’intéresse est celle que subissent et assument tant bien que mal les hommes au long de leur existence sociale. Le destin chez lui n’est pas métaphysique, poétique non plus. Il s’appelle misère, conformisme moral, guerre, veulerie individuelle [...]. L’attitude de René Clément représente sans doute une certaine expression de matérialisme contemporain. Son œuvre nous semble en tout cas dans le cinéma français moderne témoigner d’un tragique purement existentiel. »

J. L. P.

 A. Farwagi, René Clément (Seghers, 1967).