Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

classicisme (suite)

➙ Académie / Anciens et des Modernes (querelle des) / Boileau (N.) / Bossuet (J.-B.) / Corneille (P.) / Humanisme / Pléiade (la) / Racine (J.) / Romantisme.

 P. Desjardins, la Méthode des classiques français (A. Colin, 1904). / R. Bray, la Formation de la doctrine classique en France (Hachette, 1932). / H. Peyre, Qu’est-ce que le classicisme ? (Droz, Genève, 1933 ; nouv. éd., Nizet, 1965). / D. Mornet, Histoire de la littérature française classique, 1660-1700 (A. Colin, 1947). / A. Adam, Histoire de la littérature française au xviie siècle (Domat, 1948-1956 ; 5 vol.). / P. Bénichou, Morales du Grand Siècle (Gallimard, 1948). / H. Busson, la Religion des classiques, 1600-1685 (P. U. F., 1948). / E. B. Borgerhoff, The Freedom of French Classicism (Princeton, 1950 ; rééd., 1968). / V.-L. Tapié, Baroque et classicisme (Plon, 1957). / H. Gaillard de Champris, les Écrivains classiques (Del Duca, 1960). / G. Bazin, Classique, baroque et rococo (Larousse, 1965). / P. Chaunu, la Civilisation de l’Europe classique (Arthaud, 1966).


Classicisme et néo-classicisme dans les arts

La France des xviie et xviiie s. est communément regardée comme le foyer le plus représentatif du classicisme européen. Cependant, si l’on admet que l’état d’esprit classique — avec ses qualités de netteté dans l’analyse, de régularité rythmique, de stabilité — se manifeste dans un langage dont la marque la plus éclatante est la référence à l’Antiquité gréco-latine, force est de reconnaître l’existence de ce langage dans la plus grande partie de l’Europe, de la Renaissance au xixe s.

On a longtemps ignoré le terme et la notion même de classicisme en art, pour la simple raison que ses illustrateurs ne se sont jamais qualifiés eux-mêmes de classiques. Travaillant dans une atmosphère où le doute avait moins de place qu’aujourd’hui, ils avaient le sentiment d’œuvrer vers la perfection — la foi en un certain idéal esthétique ayant pour solides soutiens l’étude de l’Antiquité et l’observation de la nature, chargées de se corriger et de se justifier l’une l’autre. La tentation était forte — et les Académies* y cédèrent souvent — de baliser avec une excessive précision ces voies d’accès au beau idéal.

Il fallut donc l’invention de valeurs antinomiques pour que l’on tentât d’éclaircir la notion de classicisme. L’élévation du baroque* à la dignité de style reconnu dans son altérité en fut l’occasion. Notons que cette reconnaissance ne se produisit pas en France : l’appui que s’y étaient donné académisme* et classicisme depuis la seconde moitié du xviie s. avait contribué à créer un « isolationnisme » de la critique* d’art.

Entre les années 1880 et 1915, des savants allemands, Cornelius Gustav Gurlitt et surtout Heinrich Wölfflin, parlent du baroque d’une façon positive. Dans les Principes généraux de l’histoire de l’art, Wölfflin distingue cinq concepts qui permettent d’opposer terme à terme baroque et classicisme. Le baroque est « pictural », alors que le classicisme est « linéaire » ; celui-ci construit en plans, celui-là en profondeur ; les formes « fermées » du classique s’opposent aux formes « ouvertes » du baroque. Dans l’ordre classique, chaque partie s’accorde avec le tout, sans cesser d’avoir une réalité propre ; le baroque subordonne plus à l’élément principal. Le classique a le culte de la « clarté absolue », le baroque préfère la « clarté relative » (il lui suffit que la forme apparaisse dans ses éléments essentiels).

En France, nous l’avons dit, ces analyses eurent peu d’influence. Il faut sans doute faire appel au contexte politique de la fin du xixe s. pour comprendre comment le classicisme a pu servir d’étendard nationaliste. Nourri de légendes plus que d’études critiques, le sentiment dominait qu’il n’était d’art que classique et de classicisme que français. C’est dire qu’on limitait le classicisme aux œuvres de la période louis-quatorzienne.

Le baroque, qui n’a guère été apprécié en France avant la Seconde Guerre mondiale, semble mieux accordé que le classicisme à la sensibilité actuelle, faisant la part belle à l’irrationnel, à un élan vital non élagué, à l’instabilité, à l’inachèvement. Si bien qu’un choc en retour n’a pas manqué de se produire depuis une quinzaine d’années, ce dont témoignent les nombreuses expositions consacrées au classicisme.

Des travaux qui ont contribué à mettre en lumière les caractères propres du classicisme, un consensus semble s’être dégagé — n’excluant pas, bien entendu, d’innombrables nuances. Il y aurait un classicisme européen, fondé sur un langage issu de l’Antiquité, qui s’étendrait, selon des zones d’intensité variables, du xvie s. au début du xixe — recouvrant ainsi des périodes connues sous les noms de Renaissance* et de néo-classicisme ; l’architecture et l’ornementation fournissent, pour en suivre le cours, des repères moins discutables que la peinture et la sculpture.

D’autre part, ce qui a été construit, sculpté ou peint en France au xviie s., et plus précisément pendant le règne personnel de Louis XIV (après 1660), semble porter une marque distinctive — des savants étrangers comme sir Anthony Blunt le pensent. La conjonction entre l’esthétique classique et l’existence d’un pouvoir autoritaire, qui créa des structures propres à diffuser cette esthétique, a permis l’éclosion du phénomène particulier qu’est le classicisme français.


L’élaboration du langage classique européen


Les sources

C’est dans le domaine architectural que le langage classique s’est imposé avec le plus de force et aux yeux de tous. Son caractère principal est la référence aux Anciens, comprise d’abord dans un sens archéologique — le Colisée, les arcs de triomphe romains, le Panthéon, le temple de Vesta servirent de modèles aux architectes de la Renaissance —, mais bien plus manifeste encore dans la fidélité aux ordres*.

Deux des dix volumes du De architectura, que Vitruve* dédia à l’empereur Auguste, contiennent une description détaillée des ordres ionique, dorique et corinthien ainsi qu’un aperçu de l’ordre toscan. Parmi les théoriciens et architectes de la Renaissance, Alberti* fut le premier commentateur important de l’exposé vitruvien, auquel il ajouta l’ordre composite ; respectueux à la lettre des travaux de son prédécesseur, il n’inventait pas un ordre nouveau, mais le déduisait de ses propres observations sur les vestiges antiques. Ses plans pour la façade du palais Rucellai à Florence sont la mise en œuvre de sa réflexion sur les ordres.