Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

circulation atmosphérique (suite)

Les vues récentes : origine polaire de la circulation et processus essentiellement dynamiques

Par-delà l’échange thermique de départ le long des méridiens, le jet apparaît comme l’expression dynamique majeure de la circulation planétaire et comme le reflet d’une intervention polaire puissante. On sait en effet que le principe de conservation du tourbillon absolu a valeur générale dans la justification du jet et que l’impulsion tourbillonnaire est justement maximale au pôle. L’enchaînement dynamique se poursuit par les modalités d’intervention du flux zonal sur la construction des hautes pressions subtropicales (jeu des variations de vitesses et de directions) ; ces hautes pressions émettent à leur tour les alizés, qui, par leur affrontement ou leur rencontre avec les cellules de dol-drums, imposent une ascendance forcée (C. I. T.) même si, par la chaleur et l’humidité, donc l’instabilité, les masses d’air équatoriales favorisent ce processus (et aussi une certaine thermoconvection). Un excès d’air en résulte en altitude. Repris dans les hautes pressions, il aboutit au renforcement du jet. Des corrélations à caractère dynamique se retrouvent aussi aux latitudes moyennes. Le jet participe sur la gauche (hémisphère Nord) à l’édification de la dépression polaire. Les anticyclones qu’il construit émettent pour leur part, en superficie, des vents d’ouest qui viennent en affrontement avec les advections froides (d’où le front polaire et le temps des latitudes tempérées). On sait que les perturbations nées et entretenues sur ce front interviennent à leur tour sur le jet. C’est dire que les écoulements polaires, du fait de la puissance qu’ils donnent aux contrastes thermiques des masses d’air, s’imposent finalement à la subsidence subtropicale elle-même, par l’intermédiaire du flux qu’ils accélèrent. Mais parallèlement à cet enchaînement qui passe par l’altitude, les décharges froides interviennent directement dans les renforcements anticycloniques subtropicaux (v. anticyclone). Les anticyclones mobiles pelliculaires régénèrent en effet ces organismes, qui, à leur tour, donnent une impulsion nouvelle aux alizés. Tout cela aboutit finalement à l’activation de l’ascendance équatoriale forcée, etc.

Ainsi, malgré les contrastes thermiques terre-mer postulés par la puissance des dépressions de front polaire et l’intervention d’advections froides, c’est bien à une organisation avant tout dynamique que nous avons affaire. En même temps, nous sommes en présence de mouvements dont le démarrage s’opère aux latitudes extra-tropicales. Selon ce schéma, la circulation intertropicale représente beaucoup plus une conséquence de processus nés ailleurs qu’une cause des déplacements atmosphériques planétaires. Circulation à caractère dynamique, à moteur polaire mais aussi à ressorts géographiques. Par les effets hydrodynamiques d’obstacles et la virulence des dépressions de front polaire, le jet intègre la configuration du substratum. Sans entrer dans le détail de leurs vues, nous pouvons citer, dans le sens de ces conceptions, les idées émises par Georges Dedebant et Philippe Wehrlé, et plus récemment par Paul Queney et Carl Gustav Arvid Rossby (1898-1957). À ces chercheurs, météorologistes ou physiciens, nous devons ajouter le géographe Pierre Pédelaborde. On s’étonne du peu de place réservé dans ce qui précède aux régions chaudes, car tout mouvement est l’expression d’une énergie dont les basses latitudes recèlent certainement une bonne part, par la chaleur sensible et aussi la chaleur latente de condensation de leurs masses d’air.


Les vues anciennes : origine équatoriale et processus essentiellement thermiques

Sans détailler leur apport, constatons que les vues d’Edmund Halley (1656-1742), John Hadley (1682-1744), William Ferrel (1817-1891) et même, au xxe s., de Vilhelm Bjerknes (1862-1951) sont « basées sur la conception d’un circuit méridien vertical d’origine thermique » (André Viaut), l’ascendance se faisant justement à l’équateur et la retombée au-dessus des régions plus froides. D’où un vaste mouvement de convection dans lequel s’inscrivent les « contre-alizés » (flux d’altitude partant de l’excès d’air équatorial élevé en direction des hautes latitudes avec, en fait, tassement en un large mouvement subsident aux latitudes subtropicales [effet de la rotation terrestre]). Les hautes pressions subtropicales sont donc expliquées à partir d’un départ thermique et équatorial. Pour le reste, le schéma ne change pas : les anticyclones chauds émettent les alizés, qui alimentent par la base la « cheminée équatoriale », et les vents d’ouest qui, aux latitudes tempérées, rencontrent les advections froides (fig. 16). On peut faire deux critiques essentielles à cette conception : elle reste dans l’ignorance du jet, pièce maîtresse de la circulation qui n’est vraiment connue que depuis la Seconde Guerre mondiale ; elle postule une chaleur maximale aux plus basses latitudes, ce qui n’est pas le cas. Le bilan calorifique fait apparaître, en effet, des concentrations thermiques plus considérables aux latitudes où l’air descend (anticyclones subtropicaux et ciel clair suscitant une forte intervention radiative du Soleil) qu’à celles où il monte (équateur chargé de nuages). Est-ce à dire que toute intervention des basses latitudes doive être finalement rejetée ?


Vers une position de synthèse

Il est difficile d’admettre que les transports vers le pôle et l’altitude d’air équatorial, donc d’énergie potentielle considérable (par la chaleur sensible et la chaleur latente), maintiennent aux basses latitudes un rôle purement passif. Pendant l’été, alors que la circulation polaire de l’hémisphère est fortement rétractée, il semble peu probable que la remontée et l’étalement corrélatifs des dispositions intertropicales ne soient que la conséquence du jeu des événements alors connus par l’hémisphère d’hiver. On doit également songer que l’ascendance intertropicale, dont le caractère essentiellement dynamique ne semble plus faire de doute, construit en altitude des hautes pressions qui dirigent leurs flux vers de plus hautes latitudes avec renforcement du jet selon les principes de conservation du tourbillon absolu et des vitesses linéaires. Ainsi, si la cheminée équatoriale disparaît bien, à la fois dans sa nature thermique et sa continuité, se maintient un phénomène qui, bien que discontinu, revient au même, par l’ascendance qu’il impose. De sorte que se trouve réajustée bien plutôt qu’abandonnée la notion de contre-alizé.