Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chypre (suite)

L’économie

Elle reste essentiellement rurale. Chypre est une terre de petits paysans, avec 84 p. 100 de faire-valoir direct.

Les cultures arbustives des collines sont l’expression la plus parfaite de l’économie traditionnelle méditerranéenne. Les oliviers, nombreux dans le maquis ou greffés près des villages, ne satisfont guère que la consommation locale. Beaucoup plus important est le caroubier, arbre légumineux, semi-spontané et épars dans les collines. Il fournit une nourriture appréciée pour le bétail, vendue notamment en Grande-Bretagne et en Israël. Les caroubes sont également utilisées en pâtisserie et pour divers usages industriels. Exportées depuis longtemps par le commerce du Levant, autrefois en Russie, elles sont surtout vendues aujourd’hui en Grande-Bretagne. La vigne (34 000 ha ; 360 000 hl de vin et 7 000 t de raisins secs) couvre les collines des pentes du Tróodhos, sur le versant sud notamment. Le vin de Chypre par excellence est le commandaría, vin liquoreux qui fonce en vieillissant, produit par un plant qui fut jadis la souche des plants de Madère sur les sols siliceux des roches cristallines ou ceux des intrusions basiques. Les sols calcaires des collines donnent un vin noir de qualité inférieure, utilisé pour des coupages. La fortune du vin de Chypre, liée à l’importance traditionnelle des communautés paysannes des collines, malgré les tracasseries de l’administration ottomane, avait pour fondement la vente aux communautés franques du Levant. Mais les débouchés outre-mer restaient très limités. De plus en plus, le vignoble de Chypre s’oriente vers la production de raisins secs pour le marché anglais.

Les cultures de plaine, jadis médiocres, sont en gros progrès, malgré l’aridité de la Mésorée, que de nombreux travaux d’irrigation mineurs sont venus corriger. La production de céréales ne suit pas le rythme d’une population croissante, et l’île est déficitaire. Mais la pomme de terre, surtout de semence, cultivée sur les sols sablonneux de l’est de la plaine, laisse un gros surplus exportable. Les agrumes, principalement, se sont développés récemment sur les terres alluviales vers Léfka et Mórfou à l’ouest, vers Famagouste à l’est (120 000 t, dont 55 p. 100 d’oranges et de mandarines, 30 p. 100 de pamplemousses et 15 p. 100 de citrons). C’est, aujourd’hui, la première exportation agricole.

Le petit bétail (400 000 moutons, 310 000 chèvres) reste un élément essentiel malgré les sévères mesures restrictives de parcours, liées au reboisement. Enfin, Chypre exporte traditionnellement des mulets et des ânes, d’une race réputée, dans tout le Proche-Orient.

Les mines sont la seule activité industrielle notable. Chypre doit peut-être son nom au cuivre, exploité par les pharaons dès le xve s. avant notre ère, qui est redevenu aujourd’hui une richesse primordiale. Les gisements sont dispersés dans le massif méridional, les pyrites de fer étant souvent associées aux pyrites de cuivre (25 000 t de cuivre contenu en moyenne). L’amiante, le chrome, le gypse s’y ajoutent. L’industrie manufacturière n’existe guère que sous la forme de quelques usines alimentaires dans les villes, et sous la forme d’un artisanat traditionnel réputé (broderies, travail du bois dans les villages grecs).

Les exportations sont constituées pour 55 p. 100 par des produits agricoles (agrumes, caroubes, pommes de terre, raisins secs et vin), puis par des produits miniers (pyrites de cuivre et de fer). La Grande-Bretagne est le principal client et fournisseur de l’île, dont la balance commerciale est fortement déficitaire (taux de couverture des importations voisin de 40 p. 100 seulement en 1974).

X. P.


Histoire et art


Des origines à l’époque du bronze récent

L’histoire et l’archéologie chypriotes doivent beaucoup à la situation géographique de l’île : proche à la fois de l’Anatolie et de la côte syro-phénicienne, à mi-chemin de l’Égypte et de la Crète, Chypre fut tour à tour influencée et revendiquée par les puissances qui successivement s’établirent en ces régions. Sur le plan artistique, l’île ne se borna pas à subir des influences : à certaines époques, elle servit d’intermédiaire entre l’Orient et l’Occident et, à ce titre, joua un rôle important pour l’épanouissement de la civilisation en Grèce.

La plus ancienne occupation humaine attestée jusqu’ici à Chypre remonte à 5800 av. J.-C. environ (néolithique précéramique de Khirokitía, au nord-est de Limassol). La céramique apparaît à Khirokitía vers 3500 av. J.-C. L’habitat exploré sur ce site comporte une cinquantaine de maisons circulaires, bâties en pierre et qui, avec leur coupole munie d’un orifice au sommet, font penser à de grandes ruches.

Le peuplement de l’île semble progresser à l’époque du bronze ancien (v. 2300 av. J.-C.), surtout dans les régions minières. Chypre commence à exporter son cuivre dans tout le Proche-Orient. Mais c’est à l’époque du bronze récent, à partir de la seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C., que la vocation marchande de l’île s’affirme. Véritable centre commercial ouvert sur l’Orient et l’Occident, Chypre attire notamment de nombreux Mycéniens. La présence de vases aux formes chypriotes ou orientales, mais au décor mycénien, invite à penser que ces objets furent créés dans l’île par des artistes égéens. C’est sans doute à l’influence crétoise qu’il convient d’attribuer l’apparition vers 1500 av. J.-C. des premiers spécimens d’écriture chyprio-minoenne syllabique.

Le site le plus important du bronze récent est Engómi, près de Famagouste, que l’on tint jusqu’en 1934 pour une simple nécropole. À Claude Schaeffer revient le mérite d’avoir reconnu une ville de vaste étendue, dont l’une des particularités est que les tombes avaient été creusées dans la cour même des habitations. Engómi, qui fut l’un des principaux relais sur la route menant d’Orient en Occident, a fourni, outre une céramique belle et abondante, plusieurs objets remarquables : parmi ceux-ci, un bol d’argent, dont la face extérieure est ornée d’une frise de fleurs stylisées et de bucranes incrustés d’or, témoigne de la virtuosité des artistes chyprio-mycéniens.