Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chrétien de Troyes (suite)

 J. Frappier, Chrétien de Troyes (Hatier, 1957 ; nouv. éd., 1968) ; Chrétien de Troyes et le mythe du Graal (C. D. U., 1974). / A. Micha, la Tradition manuscrite des romans de Chrétien de Troyes (Droz, Genève, 1966). / P. Haidu, Aesthetic Distance in Chrétien de Troyes (Droz, Genève, 1968). / J. Ribard, Chrétien de Troyes : le chevalier de la charrette. Essai d’interprétation symbolique (Nizet, 1973). / S. Gallien, la Conception sentimentale de Chrétien de Troyes (Nizet, 1975).

chrétiennes (littératures)

Ensemble des écrits d’inspiration chrétienne et de langue grecque ou latine.



Le domaine grec


Les deux premiers siècles

Les plus anciennes œuvres de la littérature grecque chrétienne sont évidemment les écrits du Nouveau Testament, dont la rédaction semble remonter à la seconde moitié du ier s. de notre ère. Quant aux textes non canoniques, ils apparaissent dès les dernières années du ier s. ou le début du iie. Ils se rattachent étroitement au Nouveau Testament. D’abord par leur forme littéraire : la plupart d’entre eux sont des épîtres qui prolongent ou codifient une prédication orale (Épître de Barnabé, les deux Lettres de Clément de Rome aux Corinthiens, les sept Lettres d’Ignace d’Antioche, la Lettre de Polycarpe de Smyrne aux Philippiens). D’autre part, les auteurs de ces écrits ont été parfois les disciples des Apôtres ou, du moins, se donnent pour tels ; ils se proposent de résumer l’enseignement des Apôtres (la Didakhê, ou « Doctrine des douze Apôtres ») ou encore de prolonger les Évangiles (Papias compose des Explications des dits du Seigneur, d’ailleurs perdues). Aussi les désigne-t-on, depuis le xviie s., sous le nom de Pères apostoliques. L’Église ancienne tout entière leur a reconnu une autorité exceptionnelle. Un fait matériel en témoigne : plusieurs manuscrits anciens contiennent leurs œuvres en appendice de la Bible elle-même ; comme la Bible, elles devaient être lues aux offices liturgiques.

Les auteurs chrétiens de la génération suivante (entre les années 125 et 200) sont appelés traditionnellement, quant à eux, Pères apologistes. Ils se consacrent en effet à la défense de l’Église. La plupart ripostent aux attaques des païens et des juifs, et leurs écrits s’adressent à des destinataires païens, plusieurs fois aux empereurs eux-mêmes (ainsi l’Apologie d’Aristide et la Supplique d’Athénagore) ; aussi, la philosophie profane, surtout platonicienne et stoïcienne, y est-elle largement utilisée (notamment chez Justin et Hermias) ; ces auteurs s’appliquent à démontrer la vérité du christianisme en mettant en avant les prophéties bibliques, l’ancienneté de la Bible, la moralité des chrétiens ; au regard de quoi ils dénoncent tous (particulièrement Tatien, Athénagore, Théophile d’Antioche) les turpitudes de la mythologie païenne. Leurs vues théologiques sont le plus souvent encore sommaires ; on ne saurait, toutefois, adresser pareille critique à Irénée*, évêque de Lyon vers 177, mais né en Asie et écrivant grec ; d’ailleurs, son traité Contre les hérétiques n’est pas dirigé contre les païens ni contre les juifs, mais contre les gnostiques ; à son entreprise apologétique, il associe un travail de réflexion original et important sur l’histoire du salut, ainsi que sur les notions d’autorité et de tradition dans l’Église.


Le iiie siècle

À l’exception d’Irénée, les auteurs chrétiens non canoniques, limités à des œuvres de circonstance ou d’apologétique, n’ont pas encore atteint le niveau de la véritable science théologique. La situation change au iiie s., quand apparaissent les premiers travaux d’exégèse scientifique et les premiers exposés systématiques de la foi. Ce progrès est rendu possible par la constitution de grandes écoles de théologie, à Antioche*, à Césarée de Palestine et surtout à Alexandrie*. L’école catéchétique d’Alexandrie, devant initier au christianisme des adultes cultivés, avait institué un enseignement philosophique et théologique de haut niveau ; sans accueillir indistinctement tous les aspects de la sagesse profane, les alexandrins surent en reconnaître les éléments positifs et leur faire droit mieux que ne l’avaient fait les Pères apologistes.

Le premier chef connu de l’école alexandrine fut un stoïcien converti, le Sicilien Pantène († v. 290), dont il ne reste aucun écrit. Mais on a conservé la plus grande partie de l’œuvre de son successeur, Clément* d’Alexandrie, dont l’ambition fut de réaliser une transposition chrétienne de la gnose hérétique ; servi par une connaissance parfaite de la culture et de l’art littéraire des Grecs, Clément travailla plus que personne à la réconciliation de l’hellénisme et du christianisme. Son talent s’efface pourtant devant le génie d’Origène*, son successeur à la tête de l’école d’Alexandrie. L’importance d’Origène réside dans l’essor qu’il sut donner à l’exégèse biblique, orientée vers le sens spirituel, conformément à la tradition juive d’Alexandrie ; Origène est aussi l’auteur du premier essai d’exposé synthétique de la doctrine chrétienne (traité Des principes). À la même époque (première moitié du iiie s.) vit à Rome un auteur de langue grecque, lui aussi exégète allégorique et polémiste antihérétique, Hippolyte.


Le ive siècle

C’est, selon l’expression consacrée, l’« âge d’or » de la patristique grecque (et aussi, on le verra, de la patristique latine). Les deux centres principaux de la science théologique demeurent Alexandrie et Antioche, dont les divergences, déjà marquées au siècle précédent, s’accentuent. En philosophie, les alexandrins s’apparentent surtout au platonisme, alors que les antiochiens empruntent à l’aristotélisme. La dualité des tendances est plus sérieuse dans l’exégèse de la Bible, où les premiers, fidèles à l’esprit d’Origène, pratiquent l’interprétation allégorique et mystique, cependant que les seconds, à la suite de Lucien de Samosate, préfèrent l’explication historique et grammaticale. En théologie proprement dite, les uns et les autres s’opposent sur le statut ontologique du Christ. À Antioche, on est surtout attentif à distinguer soigneusement en lui le divin et l’humain, au point de mettre parfois en péril l’unité de personne du Sauveur ; ce sera la tendance de Nestorius et, à un moindre degré, de Diodore de Tarse, de Théodore de Mopsueste, de Jean d’Antioche, de Théodoret de Cyr. À Alexandrie, en revanche, on met au premier rang l’union de la nature divine et de la nature humaine dans le Christ ; de ce côté, l’excès apparaîtra avec le monophysisme et consistera à penser qu’après l’Incarnation la nature divine du Christ, ayant absorbé la nature humaine, demeure seule ; la lutte de ces deux tendances devait se prolonger jusqu’au concile de Chalcédoine (451), qui définit la position officielle de l’Église touchant la christologie.