chouans (les) (suite)
La deuxième chouannerie
Réconciliation fragile et éphémère. La lutte reprend bientôt. Le 16 juin 1795, les chefs chouans du Morbihan. Lantivy et Lessègues, à la tête de 600 hommes, pénètrent dans le Finistère et parviennent à la poudrerie de Pont-de-Buis, près de Châteaulin, où ils s’emparent d’une importante quantité de munitions. Sur ces entrefaites, l’Angleterre, convaincue par Puisaye, décide d’appuyer les insurgés. Elle met sur pied une armée de 12 000 hommes, composée d’émigrés auxquels on a incorporé 1 500 volontaires recrutés parmi les prisonniers républicains. Le comte de Puisaye doit commander en chef, mais le cabinet anglais confère des pouvoirs étendus au comte Louis Charles d’Hervilly (1756-1795), créant ainsi une situation ambiguë par le partage de l’autorité, ce qui engendre la zizanie et provoquera un désastre sanglant.
Quiberon et la seconde pacification
Le 27 juin 1795, dans la presqu’île de Quiberon, l’armée débarque, accueillie par les chouans venus de partout et massés sur la plage de Carnac. La dualité de commandement paralyse les combattants, dont l’inaction laisse à Hoche (déjà averti par des dépêches interceptées) le temps de se ressaisir et de recevoir des renforts envoyés par Brest, Rennes, etc. Refoulés dans la presqu’île comme dans une nasse, les émigrés se battent avec courage. Quelques-uns réussissent à gagner les vaisseaux anglais ; les survivants doivent se rendre. Une commission militaire prononce 748 condamnations à mort, dont celle de Mgr de Hercé, dernier évêque de Dol, aumônier général de l’expédition. Nobles et clercs paient un lourd tribut à la Contre-Révolution.
Pour autant, la chouannerie n’est pas morte ; elle se survit dans le Morbihan, de même que la persécution contre les prêtres continue. Hoche a le mérite de comprendre que la pacification restera impossible sans le respect de la liberté religieuse ; il multiplie donc les pressions sur le gouvernement en vue de l’amener à prendre des mesures appropriées : amnistie aux réfractaires, liberté du culte à tous les prêtres n’ayant pas quitté le territoire de la République. Le Directoire se rend à ses raisons ; au mois de juin 1796, les chouans se dispersent.
Fructidor
Le coup d’État du 18 fructidor an V (4 sept. 1797) ravive les tisons mal éteints. La persécution religieuse reprend de plus belle. Partout se reforment des bandes de chouans, dont la République ne peut venir à bout. Des bandes isolées d’aventuriers, les « chauffeurs », se livrent à de nombreux attentats.
L’entrée de la Russie dans la coalition contre la France, en août 1799, incite le comte d’Artois à profiter de cette occasion, qui lui paraît favorable, pour préparer une nouvelle campagne.
C’est alors qu’il nomme Georges Cadoudal généralissime dans les Côtes-du-Nord, le Finistère et le Morbihan ; en Îlle-et-Vilaine, il nomme le chevalier de La Prévalaye ; entre Loire et Vilaine, le comte de Châtillon.
La troisième chouannerie
Le 15 septembre, les officiers royalistes du Maine, de l’Anjou, de la Bretagne et de la Normandie, réunis au château de la Jonchère, près de Pouancé, décident de reprendre les armes en octobre. Les chouans de Châtillon se glissent dans Nantes à la faveur de la nuit, le 19, et délivrent les prisonniers détenus à Bouffay. Le 27, toujours dans la nuit, d’autres chouans parcourent les rues de Saint-Brieuc et y tuent le commissaire du Directoire exécutif.
Avec le Consulat, la chouannerie s’éteint : ses chefs déposent les armes tour à tour et signent la paix au château de Beauregard (Saint-Avé), près de Vannes, le 25 pluviôse an VIII (14 févr. 1800). Cadoudal, lui, continuera la lutte contre Bonaparte (conspiration de la « machine infernale », 24 déc. 1800) et sera exécuté en 1804.
M. M.
J. Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire (Hivert, 1841 ; 5e éd., Plon, 1865, 4 vol.). / A. Cochin, les Sociétés de pensée et la révolution en Bretagne (Plon, 1928 ; 2 vol.). / E. Le Garrec, les Deux Capitulations de Quiberon (Galles, Vannes, 1938). / H. Lachouque, Cadoudal et les chouans (Amiot-Dumont, 1951). / G. Lenôtre, le Premier Chouan : le marquis de La Rouërie (A. Fayard, 1955). / M. Faucheux, l’Insurrection vendéenne de 1793. Aspects économiques et sociaux (Bibl. nationale, 1965). /Erlannig, Un chef de la chouannerie bretonne, le général Louis de Sol de Grisolles, 1761-1836 (les Presses bretonnes, Saint-Brieux, 1967). / C. Tilly, la Vendée, révolution et contre-révolution (Fayard, 1970). / C. L. Chassin, Études documentaires sur la Révolution française. Les guerres de Vendée et la chouannerie (Bellanger, Nantes, 1973 ; 11 vol.).