Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chirurgie (suite)

On trouve dans le De arte medica : la description des plaies pénétrantes de l’abdomen et des intestins ; celle des opérations qui se pratiquent sur les testicules ; la manière d’arrêter les hémorragies dans les plaies, ce qui prouve que déjà l’hémostase vasculaire par ligature était connue des Anciens, et que c’est une erreur que d’en attribuer le mérite à Ambroise Paré, qui n’a fait que la redécouvrir ; l’étude de l’amputation des membres dans la gangrène.

On doit à Celse un portrait souvent cité du chirurgien : « Il doit être jeune ou du moins assez voisin de la jeunesse ; il faut qu’il ait la main prompte, ferme, jamais tremblante ; la gauche non moins habile que la droite ; la vue nette et perçante ; l’aspect hardi ; le cœur assez compatissant pour vouloir la guérison de son malade, mais non au point de mettre sous l’émotion de ses cris plus de précipitation que la circonstance ne le comporte ou de moins retrancher que le cas ne l’exige ; en un mot, il doit tout faire comme si les gémissements du patient ne l’impressionnaient pas. »

Galien*, né v. 131 à Pergame, est le témoin de l’école de Rome comme Celse fut celui de l’école d’Alexandrie. Les ligatures, la résection de côtes pour empyème (pleurésie purulente) et celle du sternum, la réduction et la consolidation des fractures, le traitement des luxations, la réparation et même la chirurgie oculaire et celle de l’oreille lui furent plus ou moins familiers.

Avant de quitter la période romaine, il faut noter que de nombreux instruments en bronze, semblables à beaucoup de ceux que nous utilisons aujourd’hui, ont été retrouvés à Herculanum et à Pompéi. Dans une seule maison de Pompéi, voisine du palais de Claude, on a retrouvé jusqu’à 40 instruments. Le plus remarquable est le spéculum de la matrice, dont les trois branches, mues par un mécanisme ingénieux, s’écartent en restant parallèles. Il fallut attendre le xixe s. et Joseph Claude Anthelme Récamier (1774-1852) pour retrouver cet instrument.

Dans les grandes propriétés, qui comptaient parfois des milliers d’esclaves, existait parfois un valetudinarium, première ébauche des hôpitaux.


Chirurgie arabe

Une autre époque s’ouvre avec la prise par les Arabes de la ville d’Alexandrie (642), complétant la conquête de la Perse, de la Syrie, de la Mésopotamie, de l’Égypte. « Alexandrie n’est plus un foyer intellectuel que grâce à la médecine, qui était encore au viie s. la mieux représentée de toutes les sciences. Parmi les noms plus ou moins connus se détache celui de Paul d’Égine, le plus grand chirurgien de l’Antiquité. » (Julio Sanjurgo d’Arellano.)

Grâce aux Arabes, la science et la médecine firent d’importants progrès. Deux noms, surtout, sont à citer : Avicenne* (980-1037), génie de culture encyclopédique, et Albucasis (en ar. al-Zahrāwī), mort en 1013, qui a laissé un volume sur la chirurgie dont certaines planches figurent les instruments employés à l’époque.


Le Moyen Âge

Il représente en Occident une période d’immobilité relative. L’activité scientifique est en Orient et chez les Arabes. Il faut cependant nommer Henri de Mondeville, chirurgien de Philippe le Bel, et Guy de Chauliac, qui écrivit une Grande Chirurgie.

Dès le xiie s., sous la domination des rois d’Aragon et de Majorque, se dispensa à Montpellier, en des écoles libres et concurrentes, un enseignement de la médecine et de la chirurgie. Une lettre de saint Bernard (1153) en fait foi. Si l’université de Montpellier fut la première université médicale, l’enseignement de la chirurgie groupait seulement quelques disciples isolés.

Une ordonnance de Philippe le Bel, datée de 1311, fut la première tentative de réglementer la chirurgie : « Nous ordonnons par le présent édit que dans la ville et vicomté de Paris, aucun chirurgien ou chirurgienne n’exerce en aucune façon la chirurgie s’il n’a pas été au préalable examiné et approuvé par les chirurgiens jurés demeurant à Paris. »


De la Renaissance à la fin du xviiie siècle

Un peu plus tard, la Renaissance voit apparaître les connaissances de base grâce auxquelles la chirurgie pourra se développer. André Vésale (1514-1564), un des plus grands anatomistes de tous les temps, publie un traité d’anatomie humaine illustré de très belles et nombreuses planches.

Ambroise Paré, à cette époque, apparaît comme le fondateur de la chirurgie moderne, peut-être parce que la rédaction de son œuvre est en français, ce qui en facilitera certainement la divulgation. Il est le premier auteur chirurgical français, et sa personnalité domine la chirurgie au xvie s.

Le xviie siècle voit des découvertes essentielles pour le développement de la chirurgie. Un petit livre de 72 pages paraît à Francfort en 1628. Dans cet ouvrage, William Harvey (1578-1657) démontre que le cœur est une pompe entretenant le mouvement circulaire continuel du sang dans l’organisme et que le sang veineux va du cœur droit aux poumons, s’y transforme et se rend de ceux-ci au cœur gauche (v. circulation).

Un autre événement est, en 1637, la publication du Discours de la méthode de Descartes. « Pendant deux siècles, grâce au cartésianisme, la science fondera ses assises. » (H. Mondor.)

L’enseignement de la chirurgie reste fort empirique. Cependant, des chirurgiens comme Bienaise et Roberdeau entretiennent à leurs frais des places de démonstration de chirurgie. C’est grâce à Georges Mareschal (1658-1736 ou 1738) que sont créés par le roi un enseignement officiel et l’École royale de chirurgie du Jardin des plantes. Deux autres noms sont à souligner : J.-L. Petit et La Peyronie.

Les chirurgiens formaient, depuis le Moyen Âge, une corporation qui était placée sous le patronage de saint Côme : les armes en étaient d’azur à trois boîtes couvertes d’argent. Six jurés assuraient la police et la surveillance de la corporation : ils soumettaient à la peine de l’amende et de la prison celui qui exerçait sans licence d’examen.

La Peyronie, en 1724, obtient du roi qu’il crée cinq démonstrateurs des écoles de chirurgie pour que l’instruction des élèves « cesse d’être exposée au hasard des événements ». J.-L. Petit est l’un des cinq.